Visons et Covid : mutation, France, l'hôte intermédiaire ?
Et si le vison était l'animal intermédiaire entre la chauve-souris et l'homme pour la transmission du coronavirus SARS-CoV-2 ? Rappelons que des millions des visons contaminés par une mutation du SARS-CoV-2 ont été abattus au Danemark fin 2020. Risques pour l'homme, mutation, vaccin... Le point sur les connaissances.
Selon le rapport publié par l'OMS Europe en février 2021, il existe un risque élevé d'introduction et de propagation du virus SARS-CoV-2, à partir des élevages d'animaux à fourrure aux humains. En effet, l'infection à la Covid-19 diffuse dans les élevages de visons a été avérée dans plusieurs États membres de l'Union européenne, au Danemark, aux Pays-Bas, en Suède, en Grèce ainsi qu'en Italie et en Espagne (sous des formes isolées) fin 2020. Au Danemark, plus de 15 millions de bêtes ont été abattus pour éviter le risque de propagation de cette nouvelle mutation du virus pouvant être résistante aux vaccins. Une mesure drastique pour l'un des premiers exportateurs de fourrures de vison du monde. En France, des abattages ont eu lieu en Eure-et-Loir. La Chine, pays d'où la pandémie liée au nouveau coronavirus a débuté, compte aussi de nombreux élevages de visons. Selon une étude publiée dans le magazine Science le 8 janvier, le vison (mais aussi le chien viverrin, aussi présent en Chine) pourrait être l'hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l'Homme pour la transmission du coronavirus Sars-CoV-2. La première hypothèse du pangolin comme hôte intermédiaire a été définitivement écartée par les scientifiques.
Le vison est-il l'hôte intermédiaire ayant contaminé l'Homme ?
Les visons sont reconnus comme des animaux pouvant être porteurs de la maladie Covid-19 et la transmettre à d'autres visons, mais aussi aux hommes: "C'est une espèce sensible et réceptive au SARS-CoV-2 avec une transmission intra-espèce avérée (de visons à visons) et inter-espèce présumée (du vison à une autre espèce animale)" expliquait l'Anses dans un communiqué du 19 novembre. Le vison (et le chien viverrin, petit mammifère originaire d'Asie de l'Est qui ressemble étrangement à un raton laveur) pourrait être l'hôte intermédiaire de la transmission du coronavirus Sars-CoV-2 entre la chauve-souris et l'Homme selon un article du magazine Science, publié le 8 janvier 2021 et écrit par la virologue chinoise Shi Zhengli. "Selon une enquête approfondie sur les infections par le SRAS-CoV-2 chez les animaux et les humains travaillant ou vivant dans 16 élevages de visons aux Pays-Bas, des infections au SRAS-CoV-2 ont été détectées chez 66 des 97 (68%) propriétaires, travailleurs et de leurs entourages. Certaines personnes ont été infectées par des souches virales avec une signature de séquence animale, ce qui prouve que le SRAS-CoV-2 se répand dans les deux sens entre les animaux et les humains dans les fermes de visons" explique-t-elle. Elle estime que "des enquêtes rétrospectives d'échantillons pré-épidémiques prélevés sur des visons ou d'autres animaux sensibles, ainsi que des humains, devraient être menées pour identifier les hôtes du virus progéniteur direct et pour déterminer quand le virus s'est répandu sur l'homme." La piste du vison fait sens puisque la Chine est l'un des premiers producteurs et exportateurs de fourrures de vison du monde et que c'est de là dont est partie l'épidémie. Elle a aussi démarré dans la région de Lombardie en Italie, siège d'élevages de visons.
Quels sont les risques de la mutation liée au vison, sur le vaccin ?
Le vison peut être contaminé par le virus Sars-CoV-2 et le transmettre à d'autres animaux et à l'homme, comme cela a été constaté aux Pays-Bas et au Danemark, dans une version mutée. C'est pour ces raisons que plusieurs élevages ont été abattus. "Il s'agit d'éviter la propagation d'un nouveau virus qui pourrait compromettre le développement des candidats vaccins contre la Covid-19 en raison d'une moindre efficacité protectrice des anticorps développés par l'Homme contre le virus mutant" expliquait l'Académie de médecine dans son communiqué du 5 novembre. "Les mutations du génome viral probablement produites lors de la transmission interspécifique entre les animaux et les humains soulèvent des inquiétudes quant à savoir si les vaccins actuels peuvent protéger contre les souches émergentes à l'avenir" confirme la virologue Shi Zhengi dans son article de janvier 2021. Cette mutation n'implique pas des effets plus graves de la Covid-19 mais elle amoindrit l'efficacité des anticorps humains. Rappelons que certains candidat-vaccins au Covid sont élaborés à partir d'une souche non-mutée du virus. L'apparition de nouvelles mutations pourrait mettre en péril sa mise en point.
Visons en France : élevage, abattage, mesures...
Un élevage de visons a été contaminé par le virus Sars-CoV-2 en France, en Eure-et-Loir. Le gouvernement a annoncé l'abattage des animaux, samedi 22 novembre. "Dès qu'ils ont eu connaissance de ces résultats, les ministres concernés ont immédiatement ordonné l'abattage de la totalité des 1 000 animaux encore présents sur l'exploitation et l'élimination des produits issus de ces animaux" expliquait le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. Suite aux contaminations de visons signalées au Danemark, en Grèce ou encore en Suède, la France a mis en place des dispositions de surveillance et des "mesures de biosécurité renforcées dans l'ensemble des élevages de visons en France dès le mois de mai" a-t-il rappelé. Elle avait aussi fait analyser ses quatre élevages dont celui d'Eure-et-Loir. "Un élevage de visons a été entièrement dépeuplé (celui d'Eure-et-Loir ndlr) et les trois autres sont aujourd'hui indemnes de SARS-COV-2" annonçait le ministère de l'Agriculture dans un communiqué du 9 décembre.
L'Académie de médecine a établi une liste de précautions à prendre dans son communiqué du 5 novembre, afin d'"éviter des contaminations humaines et tout risque de propagation ultérieure". Elle recommandait, en accord avec l'Académie vétérinaire de France de :
- renforcer la surveillance épidémiologique des coronaviroses animales, en particulier chez les visons et furets afin de détecter précocement la constitution de réservoirs ;
- s'assurer que l'abattage des visons a permis d'arrêter définitivement la propagation du virus variant isolé au Danemark ;
- détecter toute mutation parmi les SARS-CoV-2 isolés chez les animaux, en particulier chez les visons, pouvant limiter l'efficacité d'une vaccination future contre la Covid-19 ;
- mettre en œuvre les mesures de biosécurité les plus strictes dans les élevages de visons encore indemnes dans les autres pays ;
- éviter tout contact entre les personnes potentiellement infectées par le SARS-CoV-2 et leurs animaux de compagnie, notamment les furets, et d'observer les mêmes mesures barrières que vis-à-vis des personnes de leur entourage (port du masque, lavage des mains).
Visons au Danemark : mutation du virus, transmission à l'Homme...
Des visons ont été contaminés par l'infection Covid-19 au mois de juin au Danemark. Deux mutations virales du Sars-CoV-2 ont été retrouvées chez des visons dans 5 fermes danoises et 12 personnes ont été contaminées, prouvant que "le risque de propagation épizootique du SARS-CoV-2 dans les élevages de vison et la crainte de contaminations humaines" à partir d'animaux est réel, rapportait l'Académie de Médecine dans un communiqué le 5 novembre. C'est pourquoi tous les visons élevés au Danemark, soit 17 millions, ont été abattus. Une mesure nécessaire mais catastrophique pour ce pays, premier exportateur mondial de peaux de vison. La Première ministre Mette Frederiksen avait annoncé, lors d'une conférence de presse du 5 novembre, que la population qui habite à la pointe Nord du Jutland, dans l'Ouest du Danemark, où les élevages de visons sont concentrés, devait être isolée. "Le pire scénario serait le démarrage d'une nouvelle pandémie mondiale depuis le Danemark ", acquiesçait Kåre Mølbak, responsable de l'Autorité danoise de contrôle des maladies infectieuses (SSI). Le gouvernement danois annonçait dimanche 20 décembre, que 4 millions de visons contaminés allaient être déterrés à partir du mois de mai 2021, afin d'être incinérés, de peur d'une contamination des sols et de l'eau. Pourquoi attendre 6 mois ? Selon le Ministre de l'Agriculture danois, Rasmus Prehn, "le risque d'infection est trop grand", même s'il comprend "que les citoyens locaux préfèreraient voir les visons déterrés immédiatement", rapporte le journal danois Politiken. Selon le ministère danois, le risque de pollution n'est toutefois pas jugé urgent et "l'autorité environnementale surveille la situation de près", permettant ainsi d'attendre le mois de mai, rapporte l'AFP.
Et les furets ?
Les furets et les visons font tous les deux partie de la famille des Mustélidés. Les deux espèces sont élevées pour leur fourrure, et le furet est aussi un animal domestique, contrairement au vison. Le furet peut-il fait courir le même risque de transmission de la Covid-19 ? Selon l'ANSES, "les furets (et hamsters) sont réceptifs et sensibles au virus SARS-CoV-2, avec une transmission intra-espèce avérée. Cependant, il n'existe à ce stade pas de données scientifiques montrant une transmission du SARS-CoV-2 depuis ces animaux vers d'autres espèces, ni d'infection naturelle."
L'Anses recommande d'être particulièrement vigilant vis-à-vis de situations impliquant des contacts entre l'Homme et les espèces réceptives : "Des mesures d'hygiène strictes doivent être appliquées : se laver les mains avec du savon après avoir touché un animal ou après entretien de sa litière, éviter les contacts étroits au niveau du visage, porter un masque en cas de manipulation d'un animal réceptif, etc. Les personnes atteintes par la COVID-19 doivent éviter tout contact étroit avec les animaux, sans pour autant compromettre leur bien-être."
Sources :
SARS-CoV-2 spillover events, Article ScienceMag, 8 janvier 2021
Communiqué du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, 9 décembre 2020.
Communiqué de l'Académie : Mutation du virus Sars-CoV-2 chez les visons danois et mesures de précaution. 5 novembre 2020.
Communiqué du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. 22 novembre 2020.
Communiqué de l'ANSES. Covid-19 : pas de rôle épidémiologique des animaux sauvages et domestiques dans le maintien et la propagation du virus en France. 19 novembre 2020.