"On s'isole, on a peur d'être jugé" témoigne Delphine, psoriasique
Delphine, 52 ans, est atteinte d'un psoriasis cutané depuis plus de 30 ans et d'un psoriasis articulaire depuis 4 ans. Comme 2,4 millions de personnes qui en souffrent en France, le quotidien n'est pas toujours facile et les idées reçues autour de la maladie persistent. Témoignage pour Le Journal des Femmes.
Comme 2.4 millions de personnes en France, Delphine est atteinte de psoriasis, une maladie inflammatoire qui se caractérise notamment par des plaques rouges qui peuvent gratter. Sa première poussée est survenue à 21 ans, un âge où le regard des autres est difficile à surmonter. A l'occasion de la Journée Mondiale du psoriasis qui a lieu le 29 octobre, nous avons rencontré cette femme de 52 ans pour qu'elle nous raconte les conséquences du psoriasis au quotidien. Quel traitement suit-elle ? Peut-elle espérer en guérir un jour ? Témoignage sur une maladie mal connue.
Le Journal des Femmes : Le psoriasis n'est pas toujours bien connu, pouvez-vous nous expliquer ce que c'est ?
Le psoriasis n'a pas seulement un impact esthétique, mais a des conséquences globales sur toute la santé.
Delphine : C'est une maladie auto-immune. Il s'agit d'un dysfonctionnement dans notre système immunitaire qui provoque un renouvellement accéléré des cellules de la peau, d'où l'aspect de plaques ou de gouttes. Les psoriasiques n'y sont pour rien. Les poussées sont provoquées par différents éléments déclencheurs. Les facteurs déclencheurs sont nombreux, il y a la fatigue, les infections du type angine, le stress, la prise de certains médicaments... C'est plus complexe que ce que l'on entend dire autour de nous. C'est une réaction inflammatoire, souvent c'est rouge et ça peut démanger énormément au point de perturber le sommeil. J'ai connu une forme de psoriasis sévère par le passé, une atteinte sur 80% du corps, sauf le visage. Mais il faut savoir que le psoriasis ne touche pas que la peau, il peut aussi toucher les articulations, les tendons et entraîner d'importantes douleurs articulaires ou tendineuses. Le psoriasis n'a pas seulement un impact esthétique, mais a des conséquences globales sur toute la santé.
Le Journal des Femmes : Quelles sont ses conséquences sur la vie quotidienne ?
C'est extrêmement difficile dans notre société où on est souvent jugé sur le paraître.
Delphine : Le psoriasis est douloureux car les lésions peuvent être très réactives au toucher ou se fissurer. Un psoriasis palmo-plantaire (qui touche la paume des mains ou la plante des pieds) peut empêcher la marche. Les personnes qui en souffrent ne peuvent pas se chausser. Parfois on a du mal à supporter le poids des vêtements sur la peau. Le psoriasis peut fortement impacter notre travail. Quand il est localisé sur les mains, c'est difficile de taper sur un clavier ou de tenir un stylo. Aussi, le regard des autres est compliqué car c'est une maladie qui se voit et qui n'est pas assez bien connue du grand public. Elle entraîne une fatigue physique et morale, une grande détresse, un vrai mal-être voire une dépression. On s'isole beaucoup car on a peur d'être jugé. On a tendance à se cacher dans nos vêtements et c'est extrêmement difficile dans notre société où on est souvent jugé sur le paraître. Pour autant, ce n'est pas une maladie psychologique ou psychiatrique, ça n'a rien à voir !
Le Journal des Femmes : Vous étiez très jeune quand vous avez découvert votre psoriasis. Comment supporter le regard des autres à cet âge-là ?
Beaucoup pensent que c'est dû à un manque d'hygiène.
Delphine : La première apparition de psoriasis au niveau de la peau est survenue lorsque j'avais 21 ans. Quand mon psoriasis est apparu, je venais d'être diplômée et je commençais à peine dans la vie active. A ce moment-là, mon psoriasis était localisé que sur mes jambes et c'était l'hiver, donc c'est plutôt "bien tombé", j'ai pu cacher mes jambes sous des pantalons pendant cette première poussée qui a duré 3 mois. Ensuite, j'ai connu une rémission et quand c'est revenu à 80% du corps, c'était beaucoup plus compliqué de se cacher. D'ailleurs, on n'y arrive pas vraiment et on en souffre beaucoup. On a du mal à accepter notre corps quand il se couvre de plaques. Cela prend des années à accepter. C'est une maladie qui véhicule encore trop de préjugés. Certains nous jugent sur notre apparence physique. D'autres pensent que c'est dans la tête ou contagieux. Quand ça se déclare jeune et qu'on doit construire une relation sentimentale et affective, c'est extrêmement difficile. Doit-on en parler avant ? Comment le dire ? Toutes ces questions, ce n'est pas facile à gérer. Quand on a du psoriasis sur la main, ça arrive très souvent que les gens refusent de nous serrer la main. Même si on se tue à dire que c'est du psoriasis et que ce n'est pas contagieux, les gens ne nous croient pas toujours. Beaucoup pensent que c'est dû à un manque d'hygiène, alors que ce n'est absolument pas le cas.
Le Journal des Femmes : Existe-t-il des traitements contre le psoriasis ?
Delphine : Aujourd'hui, il existe beaucoup de traitements et j'espère que ça va continuer comme ça pendant longtemps. Lorsqu'on a un psoriasis cutané, on commence généralement par des corticoïdes (crèmes à base de cortisone). Si malgré l'application de crèmes, le psoriasis revient trop souvent, on peut avoir recours à la PUVA-thérapie chez un dermatologue qui consiste à exposer le corps à des rayons ultraviolets (UVA) ou à la photothérapie qui consiste à projeter des rayons ultraviolets (UVB) sur le corps. Pour la PUVA-thérapie, on doit prendre un photosensibilisant deux heures avant la séance et avant de débuter ce traitement, il faut faire un examen sanguin. Si cela ne fonctionne pas, on peut nous proposer des traitements par voie orale. Ce sont des rétinoïdes, des dérivés de l'acide rétinoïque ou des traitements immunosuppresseurs. En cas d'échec des immunosuppresseurs, on peut avoir recours à des biomédicaments (médicaments biologiques issus du vivant, ndlr)
Le Journal des Femmes : Pouvez-vous faire du sport en étant psoriasique ?
Delphine : Le sport est plutôt bénéfique, que ce soit à la piscine ou en salle. Cela permet d'évacuer les tensions. A priori, tous les sports sont indiqués s'ils n'entraînent pas de douleurs ou de gêne. En cas de psoriasis inversé, le frottement des vêtements et la transpiration peuvent gêner, voire même aggraver les lésions. C'est ce qu'on appelle le phénomène de Köbner. Heureusement, il existe des matières à privilégier pour atténuer les frottements et les douleurs.
Le Journal des Femmes : Où en êtes-vous aujourd'hui ?
Le psoriasis ne peut pas se guérir complètement.
Delphine : Aujourd'hui, ça va mieux. Je suis un traitement de fond immunosuppresseur/immunomodulateur qui permet de calmer le psoriasis et de réduire l'impact de la maladie sur mes articulations et d'éviter d'avoir des destructions au niveau articulaire. J'ai des enfants qui, pour le moment, n'ont pas de psoriasis. Je leur en parle librement au cas où ça leur arriverait. Après, il faut savoir que le psoriasis ne peut pas se guérir complètement, comme on pourrait guérir d'une infection par exemple. On peut le soigner grâce à des traitements adaptés et gagner en confort de vie, voire retrouver une vie quasiment normale.
Aujourd'hui, je fais partie de l'Association France Psoriasis. Je me suis engagée pour sensibiliser le grand public sur le psoriasis, contribuer à aller au-delà des préjugés et combattre les idées reçues qui persistent. Notre site est une bonne source d'informations sur cette maladie. Elles sont vérifiées par le comité scientifique de l'association. On a une permanence téléphonique ouverte du lundi au vendredi qui permet de répondre aux questions des patients et de les soutenir. Notre rôle est également d'alerter les sociétés savantes sur les difficultés des patients et de travailler de concert avec elles pour améliorer la prise en charge et les traitements des patients. L'Association, en partenariat avec le laboratoire Amgen, a lancé son application TAVIE Pso (téléchargeable sur Google Play et AppStore) qui propose aux patients des coachings virtuels sous la forme de vidéos, de témoignages de patients, de quiz pour tester ses connaissances, un journal des symptômes et des plaques, un rappel des médicaments et un outil d'aide à la préparation des rendez-vous médicaux.
Le Journal des Femmes : Quel message voudriez-vous faire passer aux autres personnes atteintes de psoriasis ?
Delphine : C'est extrêmement difficile à gérer, je le sais. Mais il faut se dire qu'on n'est pas tout seul, qu'il y a plus de 2 millions de personnes qui en souffrent en France, qu'il existe désormais des traitements efficaces. L'association France Psoriasis nous permet de nous rencontrer entre patients et d'échanger sur notre maladie, notre ressenti, notre douleur. Aux personnes atteintes de psoriasis, je conseillerai de ne pas s'isoler et si le psoriasis ne guérit pas, il y a des solutions pour mieux vivre avec.
Merci à Delphine pour son témoignage au Journal des Femmes. Propos recueillis le 5 octobre 2020.