Interview de Matt Pokora : ses confidences sur la maladie d'Alzheimer
Parrain de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), Matt Pokora se mobilise contre la maladie d'Alzheimer, une affection neurodégénérative qui a touché son grand-père alors que le chanteur n'avait qu'une dizaine d'années. Difficultés au quotidien, rapport à l'oubli et à la mémoire, meilleurs souvenirs... L'artiste s'est confié au Journal des Femmes.
Matt Pokora s'engage pour la première fois aux côtés de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) qui lutte contre la maladie d'Alzheimer. A l'occasion de la 27e Journée Mondiale de la maladie d'Alzheimer qui a lieu le 21 septembre 2020, l'artiste se confie au Journal des Femmes sur ce combat qu'il mène depuis l'âge de 10 ans lorsqu'il apprend que son grand-père est touché par cette affection neurodégénérative.
On estime qu'il y aura 250 000 cas supplémentaires chaque année et que ce chiffre pourra doubler d'ici 20 ans.
Le Journal des Femmes : pourquoi vous êtes-vous engagé en tant que parrain de la Fondation pour la Recherche Médicale et particulièrement dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer ?
Matt Pokora : Déjà parce que la Fondation pour la Recherche Médicale est une institution très sérieuse qui est composée d'un comité de chercheurs très reconnus dans leur domaine. C'est l'une des principales donatrices en France et elle permet de soutenir la recherche dans de nombreuses maladies. Je sais que c'est une fondation qui choisit très soigneusement les projets qu'elle défend et les campagnes de recherche qu'elle finance. Ça, c'est pour l'aspect vraiment sérieux de la FRM. Ensuite, la maladie d'Alzheimer me touche particulièrement car c'est une maladie qui a touché ma famille et qui affecte des millions de familles en France. Cela fait partie de mon histoire. Il y a encore beaucoup de gens qui n'ont pas été confrontés directement ou indirectement à la maladie et qui ne savent pas à quel point c'est une maladie ravageuse. Ravageuse d'une part au sein d'une famille, et d'autre part chez la personne atteinte. Je voulais donc en parler, témoigner, partager mon vécu, tenter de faire connaître un peu plus cette maladie et l'impact qu'elle pouvait avoir sur l'entourage, et aussi, inciter les gens à soutenir la recherche car c'est un vrai fléau. On estime qu'il y aura 250 000 cas supplémentaires chaque année et que ce chiffre pourra doubler d'ici 20 ans. C'est énorme.
Le Journal des Femmes : à votre avis, pourquoi ces maladies neurodégénératives augmentent-elles ? Est-ce notre mode de vie contemporain qui en est responsable ?
Matt Pokora : Pour être honnête, j'ai rendez-vous mercredi prochain (le 23 septembre, ndlr) avec des docteurs et des chercheurs pour connaître encore plus les détails sur cette incidence qui ne cesse d'augmenter. Le "pourquoi" fait partie des choses que je vais leur demander. J'aimerais comprendre également. Mais je pense que notre exposition aux ondes téléphoniques, au WIFI, aux écrans ou encore, notre alimentation doivent jouer sur cette hausse des cas. Cela pourrait également expliquer le fait qu'il y ait de plus en plus de cancers.
Les premières années, on ne s'en rend pas trop compte.
Le Journal des Femmes : De quelle façon avez-vous été confronté à la maladie d'Alzheimer ?
Matt Pokora : C'est mon grand-père qui a eu la maladie d'Alzheimer. Je devais avoir une dizaine d'années lorsqu'il a été diagnostiqué. J'ai pris conscience qu'il allait peu à peu perdre la mémoire, qu'il allait oublier des choses et qu'il y avait un moment où il allait m'oublier moi aussi... Les premières années, on ne s'en rend pas trop compte. On se dit juste qu'il ne se rappelle plus où il a mis ses clefs. Des choses anecdotiques. Et puis vient le jour où il te pose cinq ou six fois de suite la même question, où il te vouvoie. C'est certes triste pour la personne, mais c'est également terrible pour l'entourage. J'ai vu mon grand-père m'oublier alors que lui ne se rend pas compte qu'il oublie et il n'y peut de toutes manières rien.
Le Journal des Femmes : Pour vous, quelle est la meilleure attitude face à une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer ?
Psychologiquement, il faut être costaud.
Matt Pokora : Je ne sais pas quelle est la meilleure attitude, mais en tout cas, ce n'est pas de la brusquer et être patient. Mais il ne faut pas non plus rentrer dans un jeu ou que ça en devienne "rigolo" de se faire passer pour une autre personne ou de jouer avec ses confusions. C'est tellement dur de voir quelqu'un de proche et d'aussi digne être dans un état comme ça. Moi, mon grand-père était militaire de carrière, un homme solide, un roc... On a encore moins envie de lui faire des blagues, de le rabaisser ou de l'infantiliser. C'est extrêmement délicat à gérer. Psychologiquement, il faut être costaud. La maladie d'Alzheimer fait des dégâts pas seulement chez le malade, mais vraiment, tout l'entourage souffre énormément. C'est vraiment bouleversant et très dur à assumer dans certaines situations. En ce qui me concerne, je me rappelle que mon grand-père avait certains moments de lucidité. Il était beaucoup plus lucide sur sa mémoire ancienne que sur sa mémoire immédiate. Moi je lui ramenais ses médailles de militaire et ça lui permettait de me raconter l'histoire de chacune d'entre elles. Il me vouvoyait donc il ne se souvenait pas de moi mais il se souvenait des médailles face à lui, ce qu'elles représentaient... Dans un premier temps, c'était comme ça, puis au fil des années, plus rien ne se connecte vraiment. On a affaire à un nouveau-né limite, auquel on doit tout réapprendre. C'est une sorte de "régression".
Perdre mes souvenirs, ce serait terrible pour moi.
Le Journal des Femmes : Vous avez vu votre grand-père "régresser" alors qu'on a souvent l'image de nos grand-parents comme des personnes pleines de sagesse et de dignité. Cette "régression" vous fait-elle peur à titre personnel ?
Matt Pokora : Oui, ça fait très peur. Ne plus reconnaître son enfant, sa femme, ses petits-enfants... C'est terrible. Et puis savoir que ça peut être héréditaire, ça effraie aussi. Et comme tout le monde, je me dis que j'espère ne jamais avoir affaire à ça. La mémoire est trop précieuse. Ne serait-ce que pour mes chansons ou mes chorégraphies... Même quand je joue la comédie dans des films. Pour le coup, moi ma mémoire, j'en ai énormément besoin. Et puis perdre mes souvenirs, ce serait terrible pour moi. Je repense souvent aux moments forts de ma vie et que je ne voudrais pour rien au monde oublier : la période Popstars qui est pour moi la meilleure période de ma vie après la naissance de mon fils. Quand j'ai gagné cette aventure, j'étais au lycée. Et ce souvenir est terriblement intact, pour le moment. Pareil, quand je repense à ce que je ressentais étant petit, comment j'étais tout excité le mardi soir, avant la diffusion du Club Dorothée le mercredi...
Le Journal des Femmes : Ces souvenirs qui, comme vous le dites, sont actuellement intacts, vous ne voulez pas les écrire et les immortaliser sur du papier ?
Matt Pokora : Je n'y ai pas vraiment pensé mais c'est vrai que ça pourrait être une bonne idée de les raconter et de les écrire. Je trouverais ça beau de les écrire en plus. Un livre ça reste et ça traverse les générations. Je vais y penser.
C'est comme un mauvais film, comme si on voyait une personne qui a un accident, qui se réveille et qui ne reconnaît plus personne...
Le Journal des Femmes : Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux proches ou aux aidants d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer ?
Matt Pokora : D'avoir énormément de courage et qu'elles n'hésitent pas à demander de l'aide. Il ne faut pas non plus hésiter à communiquer, à en parler, vider son sac, car psychologiquement, ça peut être très très dur. Il y a des gens qui partent en dépression. C'est comme un mauvais film, comme si on voyait une personne qui a un accident, qui se réveille et qui ne reconnaît plus personne.
Le 21 septembre est chaque année consacré à la lutte contre la maladie d'Alzheimer, une pathologie neurodégénérative qui toucherait actuellement en France plus de 900 000 personnes. Les chercheurs de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) estiment à 2,1 millions le nombre de personnes de plus de 65 ans qui pourraient en être atteintes d'ici 2040. Voilà pourquoi ils se mobilisent au quotidien afin pour ainsi mieux comprendre les mécanismes d'apparition de la maladie d'Alzheimer dans le but de la prévenir, la diagnostiquer et la traiter de la meilleure façon. |
Merci à Matt Pokora. Interview réalisée le 18 septembre 2020.