Comment mieux dormir malgré l'eczéma ?

L'eczéma atopique se manifeste par une peau sèche, poreuse et hypersensible. Lors des poussées, des plaques rouges apparaissent, sèches, suintantes, accompagnées de démangeaisons et de brûlures qui se réveillent le soir, la nuit. Pourquoi ? Quelles solutions ? Conseils du Dr Angèle Soria, dermatologue à Paris.

Comment mieux dormir malgré l'eczéma ?
© Shao-Chun Wang - 123RF

L'eczéma atopique (ou dermatite atopique) est une maladie chronique de la peau causée par différents facteurs associés, provoquant des anomalies de la barrière cutanée. Résultat, la peau est excessivement sèche et perméable à toutes les agressions extérieures "en particulier aux allergènes et aux irritants pouvant être appliqués sur la peau" explique Dr Angèle Soria, dermatologue. Le soir, c'est encore pire.

Pourquoi on se gratte plus le soir ?

"Le soir, physiologiquement, chez tout le monde, il existe un prurit dermatologique, lié au déshabillage. Tout le monde se gratte plus le soir après avoir ôté ses habits," poursuit le Dr Soria. Mais "pour les personnes souffrant de dermatite atopique, en se grattant le soir, elles aggravent l'inflammation de leur peau, et se gratte plus encore". Le cycle infernal est enclenché. "La démangeaison est une sensation dont la perception dépend du système nerveux. Dans la peau (derme et épiderme), existent des terminaisons nerveuses qui sont des capteurs. La perception du prurit active de nombreuses zones du cerveau, comme le besoin de se gratter. La démangeaison appelle la démangeaison." Ainsi ces personnes "peuvent se gratter la nuit jusqu'au sang. Au matin, leur drap sera taché et ils auront mal dormi. Chez ces patients qui ont des insomnies, la maladie n'est pas ou est mal contrôlée." L'inconfort peut être accentué la nuit par la transpiration et l'anxiété liée à la peur de mal dormir. Le moment du coucher peut être redouté. La dimension affective et émotionnelle étant loin d'être négligeable. Le prurit est alors perçu par les patients comme plus intense, la nuit ou en cas de déprime, d'anxiété ou de stress.

Il faut "s'accorder du temps pour appliquer les traitements locaux".

Quels conseils avant le coucher ?

Si le soir et la nuit sont redoutés par les personnes souffrant de dermatite atopique, la dermatologue recommande fortement de consulter pour "réévaluer le traitement car la maladie n'est alors pas contrôlée. Le traitement n'est peut-être pas le bon ou n'est pas suffisant." Enfin il faut "s'accorder du temps pour appliquer les traitements locaux" souligne le Dr Soria. Elle conseille :

  • Prendre une douche fraîche et courte.
  • Sous la douche, utiliser un savon surgras pour ne pas décaper la peau, et ne pas savonner tout le corps, que les plis et bien se rincer.
  • Ne pas sécher en frottant sa peau.

Une formule en baume hydrate plus qu'une crème.

  • "Hydrater tout le corps, tous les jours, même si les problèmes ne sont pas visibles à l'oeil. L'hydratation représente 50% du traitement. Elle permet de restaurer les anomalies de la peau et d'éviter l'évaporation de l'eau de la peau. Une formule en baume hydrate plus qu'une crème, indique le Dr Soria. Si le froid soulage, il est possible de "mettre sa crème hydratante au réfrigérateur avant de l'appliquer. Même s'il n'y a aucune étude pour prouver son efficacité", les patients s'en trouvent soulagés.
  • Si ce rituel douche-hydratation du soir ne suffit pas, "il existe la technique du "wet wrapping", ou enveloppement humide, qui soulage beaucoup des formes modérées à sévères d'eczéma", reconnait la dermatologue. "Cette technique a été beaucoup développée pour les enfants atteints de dermatite atopique mais peut être efficace chez l'adulte sur tout le corps ou sur certaines zones. Le patient applique sa crème hydratante sur tout le corps, ou sa crème anti-inflammatoire, puis met un pyjama ou des bandes humides (pas trempées, juste humides) et enfile par-dessus un pyjama sec ou des bandes sèches avant d'aller dormir. Cette technique peut être appliquée à une zone du corps très atteinte. La technique est contraignante mais elle soulage en phase aiguë et la peau ainsi recouverte n'est plus accessible au grattage."
  • Dormir dans une pièce fraîche, car la transpiration peut accentuer l'eczéma.

En complément des traitements thérapeutiques habituels, l'Association Française de l'Eczéma donne quelques astuces "pour sortir de l'engrenage incessant : démangeaisons, plaies, énervement, stress... Appliquer du froid sur la peau pour calmer rapidement les démangeaisons. Chacun sa méthode : la bombe d'eau thermale, la cuillère, le sac de glace, l'éventail, le galet réfrigéré, ou le tee-shirt passé quelques heures au frigo. Couper les ongles courts et mettre des moufles aux plus petits pour limiter les lésions. Limiter le stress et essayer de se relaxer avec des activités adaptées : le yoga, la méditation... Changer les draps toutes les semaines. Laver le linge à 60°, sans adoucisseurs, et le rincer deux fois. Eviter les lits superposés. Couper les étiquettes des vêtements."

Existe-t-il de nouveaux traitements à essayer ?

Les traitements de l'eczéma atopique ont été longtemps limités. Il en existe plus aujourd'hui mais aucun pour restaurer la barrière cutanée défaillante et guérir de la maladie. Parmi "les médicaments en développement, en crème ou par voie orale, les médicaments pharmacologiques classiques, notamment les inhibiteurs des molécules JAK ou JAK-inibiteurs (tofacitinib, ruxolitinb, cerdulatinib) qui ont l'avantage de ne pas créer d'atrophie cutanée comme la cortisone en crème, ou baricitinib, upadacitinib, abrocitinib en comprimés qui semblent être très efficaces et bien tolérés. Par ailleurs, de grands espoirs reposent sur les médicaments biologiques (biothérapies). Il s'agit de médicaments (des anticorps) qui parviennent à la fois, à cibler avec précision et à bloquer la molécule ou la cellule "clé" qui intervient dans l'activité de la maladie. En injection, le dupilumab (qui cible les molécules IL-13 et IL-4), est efficace et bien toléré. Il est disponible depuis le printemps 2019. D'autres biothérapies devraient être disponibles : les anticorps qui ciblent la molécule IL-13 (tralokinumab et lebrikizumab), le fezakinumab qui cible l'IL-22 et le tezepekumab qui cible la TSLP. Même si toutes les molécules ne seront pas efficaces chez tous les patients, un arsenal thérapeutique varié devrait être accessible pour soulager les patients" indique le Pr Jean-David Bouaziz, dermatologue à l'hôpital Saint-Louis à Paris à l'Association française de l'eczéma. Le Dr Soria rappelle que chaque patient doit "être acteur de sa maladie et trouver des solutions qui entrent dans son quotidien. Il faut pour cela que les soins soient simplifiés au maximum et que le patient adhère au traitement qui lui est proposé, que ça lui semble réalisable."

Merci au Dr Angèle Soria, dermatologue au Service de dermatologie et d'allergologie de l'Hôpital Tenon à Paris.