Marc Levy : "Face à Alzheimer, c'est toute une vie qui s'évapore"

Marc Levy : "Face à Alzheimer, c'est toute une vie qui s'évapore"

Parrain de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), Marc Levy s'engage pour faire avancer la recherche sur la maladie d'Alzheimer, qui touche près de 900 000 Français. Importance de la mobilisation, manque de moyens des pouvoirs publics, rapport personnel à la mémoire et à l'oubli... Le romancier français se confie au Journal des Femmes.

A l'occasion de la Journée mondiale de la maladie d'Alzheimer le 21 septembre prochain, Marc Levy s'engage aux côtés de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM). Près de 900 000 personnes sont atteintes de cette affection neurodégénérative, 4e cause de mortalité en France, et 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année dans l’Hexagone. Pourtant, il n'existe à ce jour aucun traitement pour la guérir. Voilà pourquoi la recherche pour améliorer la prise en charge et travailler sur de nouvelles pistes de traitement est essentielle. Tout au long de la campagne de la FRM qui se déroule du 9 au 22 septembre, avec pour point d'orgue l'événement "Une journée pour se souvenir" le 21 septembre, le célèbre romancier français, perpétuellement inspiré par la quête d'identité et la préservation de la mémoire, est l'un des porte-paroles de la FRM pour sensibiliser le grand public à cette terrible maladie aux effets irréversibles. Il nous raconte son combat et ses convictions. 

Le Journal des Femmes : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle de parrain pour la Fondation pour la Recherche Médicale ?

Marc Levy : Le rôle de parrain consiste à faire mieux connaître la Fondation pour la Recherche Médicale qui, malgré son importance dans la société, reste encore trop peu connue du grand public, et plus particulièrement à communiquer sur les projets qu'elle soutient. La Fondation pour la Recherche Médicale finance, chaque année, 400 nouveaux projets de recherche concernant toutes les maladies. La FRM valide les projets les plus cohérents et qui auront le plus de chances de se concrétiser. A cela viennent se greffer des campagnes portant sur des thématiques précises comme, cette année, la maladie d'Alzheimer et plus globalement, les maladies cérébrales dégénératives dont la définition précise reste encore très incertaine. La FRM lance aussi des campagnes sur des thématiques précises comme, cette année, celle sur la maladie d'Alzheimer et plus globalement, sur les maladies cérébrales dégénératives. À travers cette campagne, la FRM essaye de mobiliser des moyens pour mieux comprendre comment la maladie progresse dans le cerveau et comment faire avancer la recherche sur cette pathologie qui affecte 900 000 personnes en France et qui en affectera de plus en plus puisque nous vivons de plus en plus vieux.

"C 'est une maladie terrifiante pour ceux qui en souffrent et pour leur famille."  

Pourquoi s'être engagé particulièrement pour la maladie d'Alzheimer et les maladies dégénératives du cerveau  ?

Marc Levy : La maladie d'Alzheimer nous concerne tous ! Il y a des maladies dont les causes sont identifiables, or en ce qui concerne la maladie d'Alzheimer, on ignore encore pourquoi elle se développe. Pour 900 000 personnes malades, on compte plusieurs millions de personnes (amis, famille...) dont les vies sont impactées. C'est une maladie terrifiante pour le patient, et pour son entourage. Elle peut se déclarer bien plus tôt que l'on imagine. Vieillir est une chose, mais si nos souvenirs disparaissent, si l'on ne peut plus se souvenir de ceux qu'on aime si tout ce que l'on a fait de notre existence s'efface, alors que reste-t-il de notre vécu ? Obtenir des moyens pour lutter contre cette maladie est absolument essentiel pour permettre de prévenir et guérir ce qui, à terme, deviendra un des grands fléaux de l'humanité. Donner des moyens à la recherche  sur les maladies dégénératives du cerveau comme Alzheimer, c'est protéger notre avenir, mais aussi ce que nous sommes et avons été. 

Quels sont les enjeux actuels de la recherche contre la maladie d'Alzheimer ?

Marc Levy : Le rôle de la FRM consiste, de façon assez brillante, à motiver des équipes de chercheurs, à les fédérer, mais aussi à faire travailler ensemble des scientifiques œuvrant dans différents domaines. Le développement du traitement d'une maladie naît souvent de la rencontre de chercheurs issus de différents domaines. Trouver un remède à une maladie requiert de combiner la connaissance, les résultats obtenus par les médecins et chercheurs travaillant dans différents domaines de la médecine, par exemple la cardiologie, la génétique, la neurologie ou encore de l'hématologie.

"Si l'on veut s'en sortir, la société civile doit s'investir et pallier les limites de l'Etat."

D'abord, c'est le diagnostic qui est très important, car il permet de prendre en charge précocement la maladie, d'en retarder ses effets et de prévenir ses conséquences. Mais, ce que nous espérons tous, c'est le remède et la guérison. Et pour cela, il faut des financements qui sont extrêmement difficiles à trouver. Nous vivons dans un monde étrange où dépenser des sommes folles pour organiser un G7 et assurer la sécurité de ses participants ne semble poser aucun problème, en revanche, lever 5 millions d'euros pour lutter contre une maladie qui touche 1 million de personnes nécessite une énergie mobilisatrice incroyable. C'est ainsi, hélas. Alors si l'on veut s'en sortir, c'est à nous, simples citoyens de pallier les limites de l'État. Et en cela, les fondations comme la FRM jouent un rôle essentiel. Parce qu'elles sont fédératrices, parce qu'elles apportent une caution scientifique sur la nature des projets de recherche, parce que les fonds levés permettront d'aboutir à une meilleure détection des maladies, à des diagnostics plus fiables et plus précoces, et évidemment à terme à des traitements.  

Pourquoi et comment peut-on soutenir les travaux de recherche de la FRM ?

Marc Levy : La recherche médicale a besoin d'argent. C'est une évidence. La vitesse à laquelle la recherche progresse dépend des moyens qui lui sont donnés. L'équation est simple : recherche médicale = nombre de labo + nombre de chercheurs + le temps qu'ils consacrent à la recherche. Les chercheurs, même s'ils dédient leur vie à sauver les nôtres, ont besoin comme tout un chacun de se loger, de se nourrir, ils ont aussi besoin de matériel, d'équipements de pointe. Et comme nous vivons dans une époque où malheureusement, les pouvoirs publics ne subviennent plus de loin aux besoins de la recherche. Il faut que l'on se prenne nous-mêmes en main. Notamment, en participant civiquement à la hauteur de nos moyens aux grands projets de  la recherche, comme ceux soutenus par la FRM. Les dons sont donc essentiels.

"Quand un parent s'efface devant nous, on ne peut pas en faire le deuil."

Quel est votre rapport aux souvenirs, à la mémoire et à l'oubli ?

Marc Levy : L'enfance, l'adolescence, l'âge adulte... Tout au long de notre parcours de vie, nous nous construisons une identité. La maladie d'Alzheimer ou d'autres maladies dégénératives du cerveau viennent nous en déposséder. La mémoire du vécu, de nos émotions sont autant d'éléments qui  nous définissent notre existence, ce que nous sommes, à nos yeux et aux yeux de ceux qui nous aiment. Lorsque nous nous retrouvons en face d'une mère ou d'un père qui ne nous reconnaît plus, c'est notre enfance qui s'étiole, et toute une part de vie qui s'évapore, volée par la maladie. Lorsque l'on perd un parent, on parvient, avec beaucoup de difficultés certes, à en faire le deuil. Mais quand ce parent s'efface devant vous, on ne peut pas en faire le deuil. Les souvenirs nous sont essentiels, la mémoire est au cœur de nos préoccupations, sinon pourquoi autant de gens passent leur temps à photographier et poster leur vie sur les réseaux. À quoi bon tout cela si c'est pour qu'à un tournant de la vie , ils ne sachent même plus qui ils sont en se regardant dans le miroir ? 

"Tout mon travail d'écriture est centré sur la quête identitaire"

Dans quelle mesure les problématiques liées à la maladie d'Alzheimer vous influencent-elles dans votre travail de romancier ?

Marc Levy : L'écrit et la mémoire sont intimement liés. Tout mon travail d'écrivain est centré sur la question de la quête identitaire et donc de la mémoire. Plusieurs de mes romans ont pour thème la filiation, la transmission, la relation que nous entretenons avec nos parents. Parmi les valeurs qui nous sont chères, pour ne citer que liberté, égalité, fraternité, il y en a une qui me paraît essentielle : le droit à la dignité tout au long de notre vie, y compris à la fin de celle-ci . Et si nous menons, pour préserver ces droits, des combats politiques et sociétaux, paradoxalement, nous ne parlons quasiment jamais du combat scientifique. Je rêve qu'on en parle davantage. Si l'on avait investi en 2009 dans la recherche le quart de ce que nos états ont investi dans les banques pour soutenir l'économie, un grand nombre de maladies pourraient être soignées aujourd'hui. Je fais partie des utopistes qui pensent qu'on vivrait mieux en ayant guéri la maladie d'Alzheimer et le cancer, qu'en ayant relevé ou abaissé les taux d'intérêt. Mais ça, je le sais, c'est une pensée d'utopiste et de naïf...

Du 9 au 22 septembre 2019, la Fondation pour la Recherche Médicale se mobilise cette année encore pour récolter des fonds et faire avancer la recherche sur la maladie d'Alzheimer. Actuellement, aucun traitement existe pour guérir de la maladie d'Alzheimer. Toutefois, de nouvelles pistes de recherche sont prometteuses et suscitent beaucoup d'espoir.  A l'occasion de la Journée Mondiale de lutte contre la maladie d'Alzheimer, le samedi 21 septembre 2019, la FRM lance la 2e édition d'Une Journée pour se souvenir. Tout au long de cette journée, les chaînes de télévision françaises rediffuseront un souvenir ancré dans la mémoire des téléspectateurs : un ancien spot publicitaire qui a marqué les esprits du grand public, suivi d'une courte vidéo de sensibilisation et d'appel aux dons. L'objectif ? Faire prendre conscience aux Français épargnés par la maladie de la chance qu'ils ont de pouvoir encore se souvenir. Pendant près de 15 jours, le grand public pourra donc en savoir plus sur la maladie d'Alzheimer et soutenir les travaux de recherche les plus innovants. 
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