Coralie, 24 ans, diabétique : "Gérer sa glycémie est un métier"

Depuis 15 ans, Coralie a un diabète. Une maladie qui l'oblige à compter au quotidien les glucides qu'elle ingère. Pourtant, cette jeune femme ne se sent pas si différente. Elle travaille dans la mode, sort avec ses amis et profite de sa vie d'étudiante. Soins, régime alimentaire, vie sociale, regard des autres... Voici les confidences d'une diabétique.

Coralie, 24 ans, diabétique : "Gérer sa glycémie est un métier"
© Coralie Alabert - DR

Comme plus de 3 millions de personnes en France (selon les derniers chiffres de Santé publique France), Coralie est diabétique. Depuis l'âge de 9 ans, piqûres d'insuline, anxiété et restrictions alimentaires rythment son quotidien. A presque 24 ans, cette femme, décomplexée et bonne vivante, assume sa maladie. Fin 2017, elle décide de créer un compte Instagram dans lequel, elle partage ses tribulations, avec Podie - surnom qu'elle a donné à sa pompe à insuline, "sa petite machine qui la fait vivre" comme elle dit - ses expériences et ses idées, toujours positives et engagées. Rencontre.  

Enfant et adolescente, quel était votre rapport à la maladie ?

J'ai su que j'avais un diabète de type 1 lorsque j'avais 9 ans. Tout ce dont je me souviens, c'est que que mes goûters ont changé du jour au lendemain. Surtout que comme toutes les petites filles, j'étais très gourmande et j'adorais les bonbons, les gâteaux et autres douceurs. Tout cela m'a été interdit. Je me suis retrouvée à l'hôpital pendant un mois, ma maman me faisait des injections d'insuline tous les jours et je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Mon diabète a eu un impact sur toutes les habitudes de ma famille qui suivait le même régime alimentaire que moi. A partir du collège, j'étais dans le déni. Pour moi, je me sentais tout à fait "normale" et je ne voulais pas parler de mon diabète. Adolescente, j'ai très mal vécu ma maladie. J'avais peur d'être en hypoglycémie devant mes camarades de classe - car les symptômes sont très forts (suées, tremblements...) - et de devoir, en plein cours, cesser toute activité. Je faisais alors exprès d'être en hyperglycémie en permanence : c'est-à-dire que je n'ingérais pas suffisamment d'insuline et tout le sucre présent dans mon sang ne se transformait jamais en énergie. J'étais donc devenue très faible. Puis à 19 ans, lors de mon stage de 1ère année, j'ai fait un malaise à cause de la fatigue liée à mon hyperglycémie chronique et je me suis retrouvée à l'hôpital. Ce fut un véritable déclic et j'ai compris que je faisais n'importe quoi avec mon corps. Depuis ce jour, je suis passée à la pompe à insuline, beaucoup moins contraignante que mes piqûres que, bien souvent, je faisais "au pif". 

Quelles sont les contraintes des soins au quotidien ?

"Être diabétique nécessite de faire des calculs tous les jours !"

Pour moi, il était hors de question de choisir une pompe à insuline externe avec tubulure (un gros fil qui est relié à l'estomac), très lourde et absolument pas discrète. Heureusement, un nouveau produit était disponible en France, de plus petite taille et beaucoup plus pratique : la pompe à insuline OmniPod. Il s'agit d'un petit réservoir à coller directement sur la peau, relié à une télécommande programmée, qui délivre de l'insuline à une dose qui me convient. Le patch doit être retiré et décollé au maximum tous les trois jours. Pour pouvoir bénéficier de ces patchs et connaître ses besoins en insuline, il faut réaliser une insulinothérapie fonctionnelle. Un stage lors duquel j'ai appris à compter les glucides contenus dans mes repas. Cette étape est indispensable pour pouvoir connaître la dose d'insuline que je dois m'injecter. Il faut savoir que le diabète nécessite de faire des calculs tous les jours, à chaque repas ! Et si cela est relativement facile à la maison, c'est tout de suite plus compliqué lorsqu'on mange au restaurant par exemple.

J'aime bien comparer les diabétiques à une boîte de vitesse : les personnes normales sont en mode "automatique" car elles ont leur pancréas qui auto-régule la glycémie, alors que les personnes diabétiques sont en mode "manuel" car elles doivent en permanence réajuster leur dose d'insuline dans le sang. Mais pas que. Le stress influe beaucoup sur notre taux de sucre dans le sang. Ainsi, quand je suis au travail, je suis parfois obligée de me réinjecter de l'insuline pour éviter d'être en hyperglycémie. D'ailleurs, je ne peux jamais me séparer de ma pompe à insuline. Je l'emmène en vacances, en soirée, au travail... Elle voyage autant que moi ! Et si elle ne fonctionne plus, j'utilise un stylo à insuline qui permet de faire une injection d'insuline à l'aide d'une aiguille. Mais cela reste exceptionnel. 

Selon vous, qu'est-ce qui est le plus dur à gérer dans votre vie professionnelle ?

Dans le monde du travail, il y a la même exigence que l'on soit diabétique ou pas. Et c'est normal, nos supérieurs ne peuvent pas comprendre exactement nos ressentis en cas d'hypoglycémie ou d'hyperglycémie. Donc ils veulent qu'on soit opérationnel peu importe l'état de notre glycémie ! Mais parfois, on est tellement focalisé sur notre taux de sucre dans le sang qu'on manque d'attention, on se déconcentre facilement et on perd pied. Ça peut donc vite partir en pensées négatives voire en crise d'angoisse ! En plus d'avoir un métier comme tout le monde, on travaille également au service de notre pancréas. Gérer sa glycémie est un métier à part entière !

Avez-vous des restrictions alimentaires ? Pouvez-vous tout manger ?

"J'ai le droit de tout manger"

J'ai le droit de tout manger, des bonbons, des gâteaux, des glaces... A condition que je mette la bonne dose d'insuline pour compenser le montant de sucre que j'ai ingéré. Toutefois, c'est très difficile de maintenir cet équilibre. Le pic d'action de l'insuline est à deux heures, c'est-à-dire qu'il faut ajuster sa quantité d'insuline deux heures après avoir mangé. Autrement dit, si je suis en hypoglycémie, je dois manger du sucre. En revanche, si je suis en hyperglycémie, je dois corriger ma glycémie en injectant une autre dose d'insuline. 

Peut-on faire du sport ?

Théoriquement, une personne diabétique peut tout à fait pratiquer une activité sportive. Néanmoins, il faut trouver le bon rythme. Toute nouvelle activité nécessite une expérimentation. Personnellement, j'ai longtemps tenu un carnet sur lequel j'inscrivais la durée de l'exercice physique et la dose d'insuline que je m'injectais en parallèle, ainsi que mes observations. Une fois que l'on a trouvé l'activité, la durée et le dosage qui nous conviennent, on peut faire du sport sans problème. Il faut tout de même beaucoup de patience et de vigilance pour éviter les accidents. Attention, ce n'est pas parce qu'on est diabétique qu'on doit faire du sport à outrance ou tous les jours. Il faut que ça reste un plaisir avant tout. Le meilleur conseil que je puisse donner à un diabétique est de se laisser le temps d'expérimenter un sport, de noter ses ressentis, ses réactions et surtout, de ne pas vouloir aller trop vite.

Comment gérez-vous votre diabète en voyage ?

Beaucoup de personnes arrêtent la pompe lorsqu'ils partent en vacances, car ils n'ont pas envie que leur patch soit visible aux yeux de tous. Ils préfèrent utiliser des stylos à insuline, plus discrets. Ce n'est pas mon cas. En contrepartie, cela demande de l'adaptation. Par exemple, lorsque je vais à la plage, j'ai tendance à déplacer mon patch et le coller dans le bas du dos et légèrement recouvert par mon maillot de bain, pour garder l'insuline à l'ombre et  éviter d'avoir les traces de bronzage. On est obligé de trouver des astuces au quotidien. 

Appréhendez-vous d'être maman ?

Oui, même si j'ai envie d'avoir des enfants. Mais si je veux tomber enceinte, il faut absolument que mon hémoglobine glyquée, c'est-à-dire mon taux de sucre sur les trois derniers mois, soit inférieure à un seuil prédéfini par mon diabétologue. Si mon taux de sucre n'est pas stable, il y aurait trop de risques de complications pour le bébé. A cela s'ajoute le risque que son enfant soit diabétique... Le jour où je serais maman, je veillerais à ce que ma glycémie soit toujours parfaite et j'aurais un suivi extrêmement régulier. De toute manière, il faut une autorisation de la part de son diabétologue pour envisager une grossesse sans risque.

Aujourd'hui, quel regard portez-vous sur votre diabète ?

Grâce à l'Association Type1Family, j'ai rencontré d'autres diabétiques que je vois régulièrement. On partage nos doutes, nos ressentis, nos astuces, on boit des cafés... Et on se sent plus forts ensemble. Il y a vraiment une belle énergie qui se dégage de ces rendez-vous positifs et solidaires ! Depuis que j'ai créé ma page Instagram (@CocoandPodie), je me rends compte que je suis une vraie militante de la cause (rires). Si j'ai eu beaucoup honte de ma maladie étant plus jeune, maintenant je clame haut et fort que je suis diabétique dès que j'arrive quelque part !

Finalement, ce qui est le plus fatigant au quotidien, c'est toute la partie invisible du diabète : la pollution mentale, le stress, l'anxiété provoquée par des situations qui, a priori, sont simples et agréables (un repas au restaurant, une séance de running...). De temps en temps, je craque. Il m'arrive de sortir des clous et de ne pas respecter le protocole exact de la pompe à insuline. Il faut bien profiter de la vie ! Toutefois, il faut toujours garder en tête la notion d'équilibre. Oui, on peut tout à fait faire des excès, mais le lendemain, il faut savoir compenser et remettre sa glycémie à plat.

Du 4 au 9 mars 2019, c'est la Semaine du diabète au féminin, organisée par le groupement de pharmaciens Espace Diabète. L'occasion de donner la parole aux femmes qui vivent avec cette maladie et ses complications au quotidien. Ces témoignages sont à retrouver sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram et YouTube) du collectif. Par ailleurs, lors de cette semaine dédiée au diabète, les 500 pharmaciens du réseau Espace Diabète offriront des dépistages pour toutes les clientes, proposeront des suivis et partageront leurs conseils aux patientes diabétiques. Plus d'infos sur le site d'Espace Diabète.