4 médicaments anti-Alzheimer déremboursés : le Conseil d'Etat confirme
Depuis le 1er août 2018, quatre médicaments contre la maladie d'Alzheimer ne sont plus remboursés car ils présenteraient "un intérêt médical insuffisant pour justifier leur prise en charge". Le Conseil d'Etat vient de confirmer cette décision.
[Mis à jour le 18 décembre 2019 à 10h18] Le Conseil d'Etat a confirmé la décision du ministère de la Santé de dérembourser quatre médicaments prescrits aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer, depuis le 1er août 2018. Selon un arrêté du ministère de la Santé. il s'agit des médicaments Aricept® (donézépil), Ebixa® (mémantine), Exelon® (rivastigmine) et Reminyl® (galantamine), ainsi que de leurs génériques, qui traitent les symptômes de cette pathologie se traduisant par une dégénérescence du cerveau et des pertes de mémoire. Et alors qu'ils étaient jusqu'alors pris en charge à hauteur de 15% par l'Assurance maladie, ces médicaments ne sont plus soumis à un remboursement. C'est donc aux patients de payer l'intégralité de leurs traitements.
Cette décision fait suite à l'annonce de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, le 1er juin 2018, qui s'était appuyée sur l'avis de la Haute Autorité de Santé (HAS). La raison ? Ces médicaments auraient "un intérêt médical insuffisant pour justifier leur prise en charge", et pourraient donner lieu à des "effets indésirables potentiellement graves", selon la commission en 2016. Lundi 16 décembre 2019, le Conseil d'Etat confirme que le ministère de la Santé n'a "pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en jugeant insuffisant le service médical rendu par ces spécialités [...] et en décidant de les radier pour ce motif de la liste des médicaments remboursables".
Quelles conséquences sur les patients ?
L'annonce du déremboursement de ces médicaments "anti-Alzheimer" fut un véritable coup dur pour de nombreux patients. D'autant plus qu'environ deux tiers des patients prenaient au moins l'un des médicaments préalablement cités au moment de l'annonce du déremboursement. De ce fait, un patient sur cinq a décidé d'arrêter de prendre ces médicaments suite au déremboursement, apprend-on dans un sondage* réalisé par l'association France Alzheimer entre le 9 octobre et le 16 novembre 2018. La raison ? Le coût trop important de ces traitements. En effet, "l'arrêt du remboursement implique une augmentation alarmante du reste-à-charge pour les familles", déplore l'association. Par ailleurs, pour 52% des patients, l'arrêt brutal de ces traitements ont entraîné un aggravation précipitée des troubles liés à la maladie. Autre conséquence de ce déremboursement : la rupture du lien thérapeutique entre patient et leur médecin. En effet, seulement 55% des patients ayant arrêté leurs traitement ne comptent pas baisser les bras et continuent à consulter leur médecin spécialiste. En revanche, un peu plus d'un tiers des patients ont avoué ne plus rendre visite à leur médecin.
Le déremboursement suscite la colère des malades et des professionnels de santé
En juin 2018, dans une lettre ouverte adressée à Agnès Buzyn, 194 neurologues, gériatres et psychiatres spécialistes des maladies neuro-dégénératives, ainsi que sept associations de patients avaient exprimé leur désarroi concernant le déremboursement de ces médicaments. "Une décision qui remet en cause des années de travail et d'implication dans la prise en soin de ces maladies graves, ainsi que le bénéfice de plusieurs plans gouvernementaux successifs", dénonçaient-ils dans leur lettre. Ces professionnels de santé remettent surtout en cause l'argument majeur déployé par la ministre et la HAS sur l'inefficacité et le potentiel risque de ces médicaments. Mais est-ce que cela a été prouvé par des études scientifiques ? "Non", d'après les signataires de la tribune : "ni la littérature scientifique, ni les signaux de pharmacovigilance (tant nationaux qu'européens) n'apportent de preuve convergente de cette hypothétique dangerosité, lorsque ces médicaments sont utilisés dans le respect des contre-indications". Et si ces traitements étaient réellement dangereux, "ce n'est pas un simple déremboursement qu'il convenait de mettre en œuvre, mais une procédure de retrait du marché, en missionnant l'ANSM pour initier cette procédure, et pour la porter au niveau européen devant l'EMEA", avancent-ils. Inquiets des répercussions que cette décision va avoir sur de nombreuses personnes malades et leurs familles, ainsi que sur la recherche clinique, ils demandent au gouvernement "de revenir sur cette décision qui dessert la prise en soins actuelle et future des malades en étant susceptible d'altérer la confiance que portent les patients, leurs familles et les professionnels dans les processus de décision en matière de santé".
Une décision jugée "infondée et dangereuse"
Suite à cet arrêté ministériel, l'association France Alzheimer (et maladies apparentées) regrette ce déremboursement, jugeant cette mesure "infondée, inadaptée et dangereuse". "Cette décision, c'est aussi remettre en cause le travail des professionnels de santé, des neurologues, des médecins qui, depuis plusieurs années, prescrivaient ces médicaments à leurs patients, conscients des bienfaits sur ces derniers", déplore Joël Jaouen, président de France Alzheimer dans un communiqué. Selon lui, le déremboursement entraînerait une grande disparité entre les familles les plus aisées et les plus démunies, compte tenu du reste à charge extrêmement élevé (près de 1 200 euros par mois). Par ailleurs, bien qu'ils ne "guérissent certes pas cette maladie", qui en France concernent entre 800 000 et 1,2 millions de personnes, ces médicaments auraient des effets positifs sur les symptômes de malades, comme le prouvent plusieurs études menées par des neurologues et les témoignages de nombreux patients.
* Sondage réalisé entre le 9 octobre et le 16 novembre 2018 auprès de 2 547 personnes, dont 2 463 proches aidants et 84 personnes malades.