"Grâce au sport, j'ai stabilisé ma sclérose en plaques et j'ai réalisé un rêve"
A l'occasion de la journée mondiale contre la sclérose en plaques, rencontre avec Anita Fatis, une championne de natation plusieurs fois médaillée. Déterminée et résolument optimiste, elle a fait de sa vie un combat et du sport une thérapie.
La sclérose en plaques, maladie auto-immune qui atteint le système nerveux central, touche quelque 80 000 personnes en France, en particulier les jeunes femmes. On estime en effet que la SEP survient entre 25 et 35 ans et que les femmes sont deux à trois fois plus touchées que les hommes. Aussi, l’annonce du diagnostic touche le plus souvent des jeunes femmes dans la fleur de l’âge : elles sont investies professionnellement, elles commencent à fonder une famille… Bref, du jour au lendemain, c’est leur quotidien et les projets de toute une vie qui se voient bouleversés. Mais ce destin cruel, beaucoup d’entre elles le prennent à bras le corps et choisissent d’en faire une raison de vivre. C’est en tout cas ainsi qu'Anita Fatis, maman énergique de trois enfants, voit les choses : sa sclérose en plaques lui a donné envie de se battre pour réaliser un rêve de jeune fille...
Tout commence il y a 22 ans. Anita, alors âgée de 28 ans, ressent des symptômes inhabituels : "j’avais la jambe engourdie, un bras qui ne fonctionnait pas… Moi et mes proches avons toute suite compris que quelque chose n’allait pas", décrit-t-elle. Pourtant, autour d’elle, c’est l’incompréhension, y compris du côté des médecins, qui minimisent et qui évoquent alors des troubles psychosomatiques. "On me prenait carrément pour une folle !", se souvient-t-elle. Il faut dire qu'à cette période, la sclérose en plaques était encore mal connue, on en parlait beaucoup moins. Et les forums de patients sur Internet n'existait pas. Difficile dans ces conditions de s'informer. Ce n'est donc qu'au bout de six mois d'errance et d'angoisse qu'Anita est diagnostiquée à la suite d'une IRM. Mais contrairement à ce que l'on pourrait imaginer dans ces cas-là, le diagnostic ne tombe pas comme un couperet. Au contraire, la jeune femme reçoit alors la nouvelle de manière positive : "enfin je pouvais mettre un nom sur ces symptômes et prouver qu'ils étaient bien réels. J'étais tellement contente !"
A la suite de cette première poussée, la jeune femme commence alors un long traitement à base de cortisone et suit une rééducation. Anita retrouve une vie à peu près normale. En apparence en tout cas. Car même si elle semble aller mieux, elle souffre physiquement à cause des douleurs liées à sa maladie. Elle est aussi très fatiguée et a parfois des problèmes d'élocution, ainsi que des trous de mémoire. En 2000, Anita doit affronter une deuxième poussée, qui provoque de forts engourdissements au niveau de ses jambes, d'autant plus difficiles à supporter que dans son cas, les traitements qu'on lui propose ne sont pas efficaces.
" Oui c'était difficile, mais la vie est ainsi, c'est un combat ! " Pour les proches qui la côtoient, c'est parfois l'incompréhension. Il faut savoir en effet que la sclérose en plaques est une maladie, qui le plus souvent, ne se voit pas physiquement. De plus, l'état des malades peut énormément varier d'un jour à l'autre. Pour comprendre, il faut revenir au processus à l'origine de la sclérose en plaque, qui lui est identique dans tous les cas : la gaine qui se trouve autour des nerfs du système nerveux central (le cerveau et la moelle épinière), la myéline, se trouve détruite par endroits lors de "crises". Comme si des câbles électriques étaient endomagés en quelque sorte. Ainsi, l'influx nerveux est moins bien transmis, entraînant toutes sortes de troubles selon le nerf touché. Après ces crises, la myéline peut se reformer, en tout ou partie, et les symptômes ainsi s'estomper voire disparaître, jusqu'à la prochaine crise. D’où le caractère imprévisible et capricieux de la maladie.
"Petit à petit, je me suis éloignée de certaines personnes… Mais à côté de cela, j'ai soudé encore davantage les liens que j'avais avec ma famille et les personnes chères !" C'est d'ailleurs sur eux seuls qu'Anita peut compter pour lui remonter le moral. "Entre temps les forums de patients sont arrivés, mais ce n'était pas pour moi, raconte-t-elle. Je n'avais pas envie de cotoyer des gens dépressifs alors que j'étais moi même devenue dépressive. J'étais au fond du trou mais au fond de moi, j'avais trop envie de m'en sortir !"
Et la clé pour Anita, c'est le sport. "Finalement, c'est un aspect positif de la maladie : celui de m'avoir permis de pratiquer du sport de haut niveau et d'accomplir un rêve !" Ce rêve, c'était celui de la petite fille sportive qu'elle a toujours été : "plus jeune, j'avais atteint le niveau national en athlétisme ! J'ai toujours aimé la compétition. Alors les Jeux Olympiques… Oui, c'était un rêve !"
A l'origine, c'est son mari qui a l'idée d'inscrire Anita à la piscine municipale de Thionville (Moselle) où ils vivent. "A cette période, mon état s'était aggravé, j'étais déprimée et j'avais tellement de mal à marcher que j'étais désormais en fauteuil roulant. Mais nager sans les jambes, c'est possible !" La nageuse commence alors à s'entraîner, une heure par jour, puis de plus en plus souvent. Très vite, elle perçoit les effets bénéfiques sur son corps et fait d'énormes progrès.
Un an après avoir commencé la natation, Anita se sent mieux. Moralement bien sûr, mais aussi physiquement, alors même que les médicaments n'avaient jusqu'alors pas été très efficaces dans son cas. "Mon médecin m'a encouragée car il voyait que j'allais mieux. Et non seulement, mon état s'est stabilisé mais en plus, la maladie a régressé. Evidemment, cela m'a poussé à continuer et à en faire encore plus !". Les effets du sport dans la prise en charge de la sclérose en plaques sont en effet reconnus, même si cela n'a pas toujours été le cas. Il y a quelques années, le sport était même déconseillé. Aujourd'hui, les médecins conseillent au contraire des rééducations intensives. En outre, comme on ne peut savoir comment évolue la maladie, il est très important de continuer à rester actif, mais aussi à privilégier une vie sociale et familiale et à faire des projets, malgré la SEP. Ainsi, la grossesse n'est plus contre-indiquée. Là aussi, les choses ont évolué. "Lorsque je me suis trouvée enceinte de mon 3e enfant en 1991, mon diagnostic avait déjà été posé. A l'époque les médecins m'ont clairement conseillé de me faire avorter ! Pour mon mari et moi, c'était hors de question. On a donc décidé d'affronter ensemble et on a bien fait. Oui, la grossesse a été difficile en particulier à cause de la fatigue, mais au final, quel bonheur ! Cela s'est bien passé, je n'ai même pas eu de poussée !"
En route pour les JO ! En 2008, arrivent les qualifications pour les jeux Handisport de Pékin. "C'était évidemment trop tôt pour moi et inimaginable d'y participer. En revanche, j'ai pu y assister et cela m'a donné envie ! Pour moi, c'était une évidence. Je me suis dit : les prochains, j'y serai !" Pari tenu, Anita redouble d'efforts et décroche une qualification pour les JO de Londres, où elle prend la 4e place du 200 m nage libre et la 5e place du 100 m nage libre. Une victoire qu'elle obtient non sans sacrifices. "J'en ai bavé !, avoue-t-elle. Aujourd'hui encore, la nageuse s'impose un rythme intensif, matin et soir, de 20 à 25 heures par semaine. "Ma vie, c'est manger – nager – dormir !" Mais cela en vaut la peine : "quand je nage, cela me provoque une telle montée d'adrénaline… et de colère aussi lorsque je ne suis pas contente de moi ! Alors, même si certains diront qu'il faut en payer le prix, je fonce !".
Après avoir notamment décroché deux titres de championne d'Europe cette année, Anita prépare actuellement les championnats du monde à Glasgow. Et vise les prochains Jeux Olympiques, l'année prochaine à Rio… Preuve que le sport peut non seulement stabiliser la maladie, mais aussi être un moteur pour gagner le plus beau des combats, celui de la vie !