Pourquoi voyons-nous moins en vieillissant ?
Savez-vous pourquoi la vision décline avec l'âge ? D'après une étude de l'Institut de la vision, la perte d'efficacité des cônes, cellules de la rétine qui captent la lumière, serait en cause.
Lorsque la rétine - membrane interne de l'œil - reçoit un signal lumineux, elle le transmet au nerf optique. Puis, le nerf optique le traduit en un message nerveux. |
La vue baisse avec l'âge... mais pourquoi ? D'après les conclusions de l'équipe Vieillissement visuel et action de l'Institut de la Vision, le problème viendrait de la rétine. Les chercheurs ont observé "la capacité d'absorption des photons (particules élémentaires de la lumière) par les cellules photoréceptrices de la rétine (nommées "cônes")", indique l'Inserm dans un communiqué du 21 mars 2019. Ils ont alors constaté qu'en vieillissant, les cônes absorbaient quatre moins de photons.
Un mécanisme peu souvent étudié
Il a déjà été prouvé que les qualités optiques de l'œil diminuaient avec le temps. On sait ainsi qu'à un âge avancé :
- le cristallin (partie transparente de l'œil à l'arrière de la pupille) est susceptible de devenir plus opaque (c'est ce qu'on appelle la cataracte),
- les muscles qui ajustent la taille des pupilles ont tendance à s'affaiblir,
- la pupille se rétrécit, la quantité de lumière arrivant sur la rétine est moins importante.
- le processus qui consiste à transformer cette lumière en "images formées" dans le cerveau diminue ce qui altère la vision.
A travers cette expérience, les chercheurs de l'Institut de la vision ont voulu analyser un mécanisme de la vision "rarement exploré".
Pour étudier le vieillissement visuel, ils ont mis au point des tests de perception des contrastes lumineux, qu'ils ont fait faire à deux groupes de vingt sujets possédant tous une bonne acuité visuelle. Le premier groupe était composé de sujets jeunes (26.5 ans en moyenne) et le deuxième, de personnes âgées (75.9 ans en moyenne). Ces tests consistaient à discerner plusieurs barres horizontales ou verticales sur un fond uni, puis brouillé par des taches. "Les épreuves étaient conçues de manière à pouvoir séparer l'impact respectif des quatre étapes du traitement de la lumière : d'abord l'efficacité optique de l'œil, puis l'absorption des photons par les cônes, ensuite le "bruit" – ou signal parasite – émis par les neurones du nerf optique, et enfin le traitement par le cerveau", précisent les auteurs. Résultats :
- Les sujets âgés ont eu plus de difficultés à distinguer les formes, dans toutes les conditions d'éclairement et quelles que soient les caractéristiques du motif à reconnaître (nombre de formes, espacement des barres).
- Les cônes (les éléments réceptifs de la rétine qui permettent de capter les rayonnements) des sujets âgés absorbent quatre fois moins de photons que les cônes des plus jeunes et ce, "à éclairement égal et sans que les qualités optiques de l'œil soient en cause"
"Il faut trouver la cause de cette perte d'absorption avant de penser à des voies thérapeutiques"
"La question de la perte de cônes avec l'âge reste débattue, mais nulle part il n'est décrit une perte suffisamment importante pour expliquer une telle baisse de l'absorption des photons. Nous pensons donc qu'ils deviennent moins efficaces avec l'âge", indique Rémy Allard, l'un des chercheurs de l'étude. Autre hypothèse qui pourrait expliquer cette perte d'efficacité : "Les cônes pourraient être moins bien alignés du fait de la perte des bâtonnets, ces cellules plus grosses qui les soutiennent". Les chercheurs sont actuellement en train de vérifier cette hypothèse avec le Centre hospitalier national ophtalmologique des Quinze-Vingts (Paris). "Nous avons trouvé quelque chose d'intéressant. Il faudra toutefois trouver la cause de cette perte d'absorption avant de penser à des voies thérapeutiques", indique pour le moment Rémy Allard.
Les travaux intitulés "Healthy aging impairs photon absorption efficiency of cones. Invest Opthalmol Vis Sci, iovs.arvojournals.org/ISSN: 1552-5783, février 2019" ont été réalisés dans le cadre de la chaire de recherche SilverSight, dirigée par Angelo Arleo et soutenue par l'ANR, qui s'inscrit dans le partenariat académico-industriel Institut de la Vision (Inserm, CNRS, Sorbonne Université)/Essilor International.