Scandale des dispositifs médicaux : certains implants mammaires retirés du marché
Implants mammaires, prothèses de hanche, valves cardiaques, bandelettes urinaires… Les dispositifs médicaux implantés dans le corps ne font pas l'objet de contrôles suffisamment rigoureux avant d'être mis sur le marché.
[Mis à jour le 19/12/18] Fin novembre 2018, le magazine Cash Investigation révélait d'inquiétantes failles dans le contrôle des implants médicaux en Europe. Dans le cadre du Consortium international de journalistes d'investigation (ICIJ), les 250 journalistes de cette grande enquête surnommée "Implant Files" se sont ainsi intéressés à la réglementation européenne et à la multiplication des défaillances liées à certains dispositifs médicaux, que ce soient des prothèses (mammaires, de hanche, d'épaule...), des valves cardiaques, des pacemakers ou des pompes à insuline. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, que les journalistes ont longuement interrogée, consentait également qu'une "catégorie d'implants était insuffisamment régulée" et évoquait même "une zone d'inquiétude". La ministre tenait quand même à "rassurer les Français, parce que face à ce scandale européen, les risques ne sont pas équivalents dans tous les pays. La France avait d'ailleurs "mis en place énormément de choses, par exemple l'obligation d'enregistrer tous les dispositifs médicaux depuis vingt ans. Nous sommes quasiment le seul pays en Europe à avoir une évaluation pratiquement de tous les dispositifs médicaux implantables depuis des années", poursuivait-elle.
Que sont les implants médicaux ?
Un dispositif médical est, par définition, un instrument, un appareil, un équipement ou encore un logiciel destiné, par son fabricant, à être utilisé chez l'Homme à des fins, notamment, de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement, d'atténuation d'une maladie ou d'une blessure. Il s'agit de produits implantés dans le corps humain, quelle que soit leur fonction. Les implants regroupent ainsi les pompes à insuline, les pacemakers, les prothèses mammaires ou encore les valves cardiaques.
Pourquoi ces dispositifs médicaux posent-ils problème ?
Ces produits, à l'inverse des médicaments dont la mise sur le marché implique que les bénéfices et les risques soient étudiés en amont, ne sont pas testés. L'enquête "Implant files", qui révèle ce scandale, dénonce notamment la facilité avec laquelle des fabricants peuvent obtenir le droit de commercialiser des dispositifs médicaux en Europe. Il leur suffit en effet d'obtenir un "marquage CE" auprès d'un organisme certificateur privé de leur choix et rémunéré par leurs soins. Un label CE, qui tient compte de la performance mécanique ou physique, mais pas de l'efficacité médicale. C'est seulement lorsqu'un fabricant souhaite faire rembourser son dispositif médical par l'Assurance maladie, que ce celui-ci est soumis à des contrôles par la Haute autorité de santé (HAS) et par le comité économique des produits de santé (CEPS). Les autorités nationales de santé en Europe ne peuvent intervenir qu'a posteriori, quand un dispositif médical est déjà sur le marché. Encore faut-il avoir un système efficace de signalements en cas de défaillances de certains de ces produits, ce qui est loin d'être toujours le cas. En effet, il n'existe pas pour l'heure de bases de données européennes pour les dispositifs médicaux. Un projet baptisé Eudamed, est censé voir le jour en 2020, mais les États membres et les industriels sont en désaccord sur le degré d'informations à divulguer.
Quelle est la situation en France ?
Suite à ces révélations, l'ANSM a pris plusieurs décisions. Depuis le 17 décembre 2018, "les dispositifs médicaux des gammes Microcell et Biocell de la marque Allergan ne disposent plus du marquage CE", un marquage censé être renouvelé tous les 5 ans et qui permet de les vendre en France et en Europe, indique l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans un communiqué du 18 décembre 2018. Ces implants mammaires texturés et expandeurs tissulaires ne peuvent donc plus être commercialisés en France et en Europe. Par ailleurs, l'Agence du médicament a demandé à la société de rappeler tous les produits disponibles dans tous les établissements de santé et a invité les professionnels de santé à utiliser à la place des implants mammaires à enveloppe lisse. Au moins jusqu'à ce qu'un comité d'experts se réunissent les 7 et 8 février 2019. Si à ce stade, l'ANSM n'a pas identifié de risques immédiats pour la santé des femmes porteuses des implants concernés, elle devra prendre une décision sur l'utilisation des implants mammaires à enveloppe texturée en chirurgie esthétique et reconstructrice à l'issue de cette audition.
Par ailleurs, dans le cadre de surveillance des dispositifs, les implants de renfort destinés au traitement du prolapsus génital et de l'incontinence urinaire féminine sont désormais inspectés par l'ANSM. Le 22 janvier 2019, les patients et les professionnels de santé (urologue, gynécologue, médecins généralistes...) se réuniront pour évaluer l'intérêt de ces dispositifs dans le traitement du prolapsus génital et/ou de l'incontinence urinaire féminine, ainsi que les risques liés à leur utilisation. A l'issue de cette rencontre, des recommandations sur l'usage de ces produits, adaptées à la situation de la France, seront émises.
Enfin, l'ANSM invite les patients et les médecins à signaler "les éventuels effets indésirables" des dispositifs médicaux tels que les implants mammaires et ceux utilisés notamment pour traiter la descente d'organes et l'incontinence urinaire chez la femme. Ces effets secondaires peuvent être déclarés sur le portail des signalements. Pour le moment, 53 cas de femmes atteintes de lymphome anaplasique à grandes cellules ont été comptabilisés en France. Il est précisé par ailleurs qu'"en 2020, tous les implantables devront avoir fait l'objet d'essais cliniques, selon le nouveau règlement européen qui est une vraie avancée", a relevé à l'AFP Dominique Martin, directeur général de l'ANSM.
Que faire si vous portez un dispositif médical ? Pas d'inquiétude si vous n'avez rien remarqué d'anormal. Rassurez-vous. C'est seulement si vous remarquez des effets indésirables, qu'il faut contacter votre médecin et le signaler sur le portail de signalement des événements sanitaires indésirables. Le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) rappelle dans un communiqué diffusé le 28/11 que la grande majorité des patientes porteuses de prothèses vaginales pour cure de prolapsus ou d'incontinence urinaire sont soulagées de leur pathologie initiale et ne présentent pas de complications. "Il est inutile, voire nocif, d'envisager dans ces conditions de réaliser l'ablation de ces dispositifs", précise ces spécialistes. |
- Consulter le dossier "Dispositif médical" du ministère de la Santé.
- L'ANSM rappelle aux patients et aux professionnels de santé de déclarer toute suspicion d'effets indésirables sur le portail signalement-sante.gouv.fr.