Accidents médicaux : la Cour des comptes dénonce une gestion laxiste

Le dispositif d'indemnisation des accidents médicaux se voulait simple et rapide. Les résultats sont très loin de ces objectifs.

Accidents médicaux : la Cour des comptes dénonce une gestion laxiste
© ROMUALD MEIGNEUX / SIPA

Depuis 2002, les victimes d'accidents médicaux sont en droit de demander une réparation, sans avoir à démontrer l'existence d'une faute d'un professionnel de santé. Ce droit à l'indemnisation, financé par la solidarité nationale, constitue ainsi un progrès considérable. Il offre la possibilité aux victimes d'obtenir une réparation à l'amiable, gratuite, rapide et équitable des préjudices subis, même en l'absence de faute, pour tout accident médical d'une certaine gravité, tout en préservant à tout moment sa possibilité de faire valoir ses droits devant la juridiction compétente.

Les délais de traitement des dossiers s'allongent. Quinze ans après sa promulgation, la Cour des comptes a cherché à apprécier si les objectifs ambitieux fixés par ce texte avaient été atteints. Dans son rapport 2017, elle constate que "son exercice est très éloigné des objectifs initiaux" et s'avère particulièrement "décevant" en raison, notamment, du nombre limité de bénéficiaires. "Le dispositif se révèle peu attractif, comme en témoigne la montée des actions contentieuses directes sans passer par la procédure amiable, et peu performante, notamment au regard des délais de présentation de l'offre d'indemnisation". Le nombre d'offres de réparation intégrale ne dépasse pas 13 % des avis reçus au bout de douze mois, le délai légal de quatre mois n'étant quasiment jamais respecté.

Échec du dispositif d'indemnisation. La Cour des comptes n'est pas tendre avec l'Oniam, l'établissement public censé faciliter l'indemnisation à l'amiable des victimes. L'organisme, qui rejette 8,5% des avis favorables d'indemnisation des commissions régionales, est de plus en plus contesté : entre 2011 et 2015, le taux de contestation de ces décisions est passé de 11 % à 17 %. "Les graves défaillances de gestion de l'Oniam pèsent lourdement sur son bon fonctionnement au détriment des victimes et de l'intérêt public dont la protection était au cœur de ses missions", constate la Cour dans la conclusion du rapport. Les résultats sont "décevants", enfonce-t-elle et laissent les victimes dans le "désarroi, sinon l'amertume".

Retard dans l'indemnisation des victimes du Médiator. La Cour souligne par ailleurs qu'"en l'état actuel de sa gestion, il serait aventureux de confier [à l'Oniam] la mission d'indemniser les victimes de la Depakine dont l'ampleur et les enjeux seraient encore plus importants que dans l'affaire du Mediator". Elle détaille ainsi que sur les 9 000 dossiers déposés par des victimes du Médiator®, le taux d'avis positifs est de 32 % en moyenne, même s'il a augmenté en 2015 pour atteindre 41 %. Comme nous l'avait expliqué Irène Frachon, lors d'une précédente interview, "il y a eu énormément de gâchis au départ du fait que le processus d'indemnisation via l'Oniam a beaucoup dysfonctionné. Les patients étaient très mal accompagnés et le collège d'experts était très opposant à l'indemnisation. Tout était fait pour que ça n'aboutisse pas. C'était vraiment épouvantable… Il a fallu pratiquement quatre ans pour que le processus s'améliore lentement..." Depuis, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a prévu la faculté de ré-ouvrir les dossiers de rejet concernant des valvulopathies. Selon l'Oniam, la mission qui devait s'achever initialement fin 2015 pourrait être prolongée de ce fait jusqu'à la mi-2017.

La Cour formule une série de recommandations. Pour remédier à ces dysfonctionnements, la Cour développe en conclusion de son rapport une série de 10 recommandations. Par ailleurs, le gouvernement est "pleinement mobilisé pour réformer l'Oniam et renouveler sa gouvernance" et les "dysfonctionnements" identifiés ont fait l'objet d'une réponse immédiate, assure le Premier ministre dans sa réponse jointe au rapport.

Comment se passe une procédure d'indemnisation ?

Dans chaque région, une ou plusieurs commissions de conciliation et d'indemnisation (CCI) sont chargées de faciliter le règlement amiable des litiges. Au nombre de 23, elles sont regroupées en sept pôles implantés sur quatre sites (Bagnolet, siège de l'ONIAM, Bordeaux, Lyon et Nancy). En pratique, la victime dépose sa demande auprès de la CCI la plus proche de son domicile. Pour les dossiers jugés recevables, la commission désigne un expert ou un collège d'experts chargé de collecter les éléments probants, d'entendre les parties et de rendre un rapport. Elle émet ensuite un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages pour chacun des préjudices. L'avis est ensuite transmis à la victime ainsi qu'à l'assureur quand l'accident est fautif et à l'Oniam en cas d'aléa thérapeutique. L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis doit être présentée selon la loi par l'Oniam dans un délai de quatre mois et liquidée au plus tard un mois après l'acceptation de l'offre.

Si l'accident résulte d'une faute, assureurs et victimes peuvent se mettre d'accord sur la base de l'avis de la CCI. En l'absence d'accord, l'Onima se substitue à l'assureur et assure donc l'indemnisation. Dans tous les cas, la victime peut ainsi espérer une indemnisation un an après le dépôt de son dossier.

A noter que pour obtenir une indemnisation, les victimes peuvent aussi saisir les juridictions civiles. À tout moment, la victime peut ainsi engager un contentieux devant le juge administratif si l'accident s'est produit dans un établissement public de santé, devant le juge judiciaire dans le cas contraire.