Des milliers d'opérations non justifiées pour le cancer de la thyroide
Le cancer de la thyroïde n’échappe pas au sur-diagnostic. Selon une vaste étude, les progrès réalisés ces 20 dernières années en matière de dépistage ont engendré des sur-diagnostics et donc des sur-traitements.
Le cancer de la thyroïde est-il sur-diagnostiqué ? C'est la question que se pose ce jour Le Parisien, qui relate une étude inquiétante du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC-IARC) publiée mi-août dans le New England Journal of Medicine. L'étude révèle en effet que 560 000 personnes de 12 pays développés ont fait l'objet d'un sur-diagnostic de cancer de la thyroïde durant ces vingt dernières années, dont 46 000 en France. La raison principale ? Les progrès réalisés en matière d'imagerie, d'abord, avec la multiplication des échographies de la thyroïde dans les années 80, puis des cytoponctions visant à déceler des anomalies toujours plus petites. Et de fait le nombre de petits nodules repérés grâce au dépistage systématique a augmenté. Et le problème du sur-diagnostic, c'est qu'il engendre des sur-traitements évidemment lourds : opération, traitement à l'iode radioactif puis hormones de synthèse à vie… Donc une qualité de vie amoindrie. Selon le Pr Martin Schlumberger, endocrinologue à Gustave-Roussy (Villejuif), interrogé dans les colonnes du quotidien, "sur les 10 000 cancers de la thyroïde diagnostiqués chaque année, seuls 4 000 méritent d'être traités tout de suite". Certains spécialistes internationaux tirent aussi la sonnette d'alarme. Selon eux, il faudrait sortir les carcinomes papillaires de la classification des "cancers" et proposer à la place un suivi régulier des patients.
Vers une prise en charge personnalisée. Pour autant, le sur-diagnostic reste un problème complexe. Comme le souligne le cancérologue Alain Toledano au Parisien, si tous les petits cancers ne deviennent pas gros, "les gros ont tous, par définition, commencé petits". En outre, chaque patient réagit différemment : si certains pourraient être prêts à prendre le risque d'une surveillance pour échapper à des traitements sévères, d'autres en revanche, plus angoissés, préféreraient sans doute se débarrasser à tout prix de tout risque pour éviter de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ces questions de sur-diagnostic, auxquels n'échappent pas le cancer du sein ou de la prostate, interrogent cependant les pratiques médicales. Établir un risque, opérer ou pas, prescrire une chimiothérapie ou pas, attendre et surveiller… Et si demain, la médecine évoluait pour devenir plus personnalisée ? Selon Alain Toledano, l'enjeu c'est de "sélectionner". Une fois la tumeur diagnostiquée, il faut pouvoir mesurer le risque de rechute, un "risque personnel pour tel patient, avec sa tumeur aux caractéristiques particulières", précise-t-il. Afin de choisir, avec le patient, le traitement le plus adapté.