De l'innovation dans les traitements du cancer
Du 3 au 7 juin dernier, des oncologues du monde entier se sont réunis à Chicago pour l'un des plus grand rendez-vous mondial annuel sur le cancer. Décryptage des dernières avancées.
Lors d'une conférence de presse organisée à l'institut Curie, le Pr Christophe Le Tourneau, oncologue et responsable de la médecine de précision, est revenu sur les sujets marquants de l'édition 2016 de l'ASCO (American Society of Clinical Oncology), le grand rassemblement mondial sur le cancer.
Définition : immunothérapie |
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L'immunothérapie repose sur des traitements qui ne visent pas directement les cellules tumorales, mais les cellules du système immunitaire du malade. Il est ainsi stimulé, afin qu'il reconnaisse les cellules cancéreuses et les détruise. |
Immunothérapie : porteuse d'espoir... Premier fait important pour le Pr Le Tourneau, l'efficacité de l'immunothérapie sur un groupe de patients atteints d'un mélanome a été confirmée. Trois ans après le début du traitement, 40% des patients ont vu leur survie augmenter. "Avec le recul disponible aujourd'hui, on peut imaginer que cette survie va se prolonger longtemps", estime le médecin. Des résultats tout aussi intéressants ont été obtenus avec d'autres cancers, tel que le cancer de la vessie, du poumon, ou encore des glandes surrénales. Pour ces derniers, le taux de réponse atteignait alors 10 à 20%. Bien que ces chiffres soient inférieurs à ceux obtenus avec le mélanome, le Pr Le Tourneau précise que ces résultats demeurent positifs car les patients répondent longtemps au traitement, et leur espérance de vie est "véritablement" prolongée.
... mais pas si simple que ça. Cependant, Christophe Le Tourneau l'avoue, l'immunothérapie qui semblait être une solution miracle est plus compliquée à mettre en place qu'il n'y paraissait. En effet, l'immunothérapie ne fonctionne pas chez tout le monde, et pas pendant un temps indéfini. Aujourd'hui, l'une des priorités des chercheurs, est donc de réussir à déterminer, à l'avance, quels sont les patients qui répondront à l'immunothérapie, et ceux qui n'y répondront pas, évitant ainsi d'administrer le traitement à des personnes chez lesquelles il n'aurait pas d'effet. "Cela éviterait surtout de donner un traitement inutile et potentiellement générateur d'effets secondaires aux patients. D'autant que les traitements coûtent chers", souligne le Pr Le Tourneau. Il se veut cependant, rassurant sur un point, celui des effets secondaires possible et affirme que "quand cela se passe bien, cela se passe vraiment bien", indiquant ainsi que certains patients vivent bien leur immunothérapie.
Radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapies et thérapies ciblées sont toujours en progrès. Deuxième chose importante apportée par l'ASCO, les thérapies plus "classiques" comme la chimiothérapie ou la radiothérapie, l'hormonothérapie et les thérapies ciblées continuent de s'améliorer. Dans le cas du glioblastome, une tumeur cérébrale particulièrement agressive, un essai européen a montré que l'association de la chimiothérapie à la radiothérapie était bénéfique pour les patients et leur augmentait leur durée de vie de quelques mois. Toujours du côté de la chimiothérapie, une étude révèle que la combinaison de deux molécules déjà existantes est plus efficace. "Ces deux traitements ne sont pas nouveaux, mais leur association permet de diminuer le risque de récidive", précise le Pr Le Tourneau. En matière d'hormonothérapie, un essai canadien a montré que si des femmes atteintes d'un cancer du sein hormono-sensible continuent l'hormonothérapie pendant 10 ans au lieu de 5, leur chance de survie sans rechute est augmentée. Les thérapies ciblées ne sont pas en reste. Des traitements de seconde génération sont actuellement développés afin de palier aux résistances des premières thérapies ciblées.
Et dans le futur ? Différentes approches thérapeutiques seraient en cours d'évaluation, notamment des thérapies impliquant des nanoparticules qui seraient injectées directement dans la tumeur, et permettraient d'augmenter les effets de la radiothérapie, "non seulement la radiothérapie pourrait détruire de manière encore plus efficace les cellules cancéreuses, mais cela permettrait également d'en réduire les doses, et ainsi de préserver encore plus les tissus sains", détaille Christophe Le Tourneau.
Patients connectés : quand une application augmente la durée de vie. Le Pr Le Tourneau est également revenu sur une étude particulièrement intéressante. Le Dr Fabrice Denis, oncologue à la Clinique Victor Hugo au Mans, a présenté à l'ASCO une application de suivi des patients atteints d'un cancer du poumon. L'étude a montré que les utilisateurs de l'application avait une durée de vie plus longue que les non utilisateurs. Ce résultat laisse penser qu'un meilleur suivi des patients pourrait mener à une espérance de vie plus longue.
La recherche contre le cancer avance. Pour le Pr Le Tourneau , il est important de retenir que, malgré les difficultés rencontrées avec l'immunothérapie, elle demeure un grand espoir dans le traitement du cancer. Quant aux autres traitements comme la chimiothérapie, il ne faut pas les oublier pour autant. Comme il le rappelle, l'immunothérapie n'est pas une méthode de remplacement mais un complément, "nous avons plusieurs cartouches pour augmenter la durée des patients. La recherche avance, mais nous n'en sommes pas à la trithérapie du sida."