Essais cliniques : vers une sécurité renforcée pour les volontaires
Selon une enquête de l’Igas, la responsabilité des laboratoires Biotrial et Bial est "engagée" dans l’accident survenu à Rennes lors d’un essai clinique en janvier.
C'est un accident inédit et grave qui a eu lieu au mois de janvier 2016 au cours d'un essai clinique de phase 1 mené à Rennes par la société Biotrial. Et pour cause : cet essai, portant sur un antalgique contre les douleurs et l'anxiété, avait entraîné le décès d'un homme et l'hospitalisation de cinq autres volontaires, parmi lesquelles quatre présentaient des lésions cérébrales.
Marisol Touraine a présenté ce lundi 23, lors d'une conférence de presse, les conclusions finales de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) à la suite de cet accident. "Les conditions dans lesquelles l'essai a été autorisé par les autorités sanitaires sont conformes à la réglementation en vigueur", conclut le rapport. Mais "la responsabilité des laboratoires Bial [qui produit la molécule testée, NDLR] et Biotrial [qui a conduit l'essai clinique à Rennes, NDLR] est engagée à plusieurs titres."
L'Igas pointe en particulier, comme dans son premier rapport, trois manquements majeurs du laboratoire Biotrial : le laboratoire ne s'est pas tenu suffisamment informé de l'état de santé de la première personne hospitalisée et a procédé à l'administration de la molécule testée à d'autres volontaires, alors que l'un d'entre eux avait déjà été hospitalisé la veille.
Second manquement, découlant du premier, les inspecteurs ont constaté que le laboratoire n'a pas formellement informé les autres volontaires de l'événement survenu la veille, ce qui ne leur a pas permis de confirmer de manière éclairée leur consentement à la poursuite de l'essai clinique. Enfin, selon l'Igas, Biotrial a tardé à signaler l'accident aux autorités. Dans un communiqué publié dimanche, Biotrial a toutefois contesté les conclusions du rapport de l'Igas.
La ministre de la Santé a présenté ce matin un plan d'action en quatre axes, basé sur l'intégralité des recommandations formulées par l'Igas. L'objectif étant de renforcer la sécurité des volontaires qui participent aux essais cliniques.
- Première mesure, le laboratoire rennais Biotrial doit fournir "sans délai" un plan d'action "garantissant que les manquements majeurs observés ne pourront pas se reproduire". Sans quoi, il ne sera plus autorisé à mener des essais cliniques de phase 1.
- La ministre de la Santé souhaite par ailleurs que les 90 dossiers cliniques des volontaires sains impliqués dans l'essai de Rennes fassent l'objet d'une expertise sanitaire européenne indépendante.
- S'agissant plus généralement des essais cliniques, Marisol Touraine renforce leurs conditions d'autorisation par l'Agence du médicament (ANSM), notamment lorsqu'ils ont lieu pour la première fois sur l'homme. De plus la loi va renforcer "les obligations d'information des autorités sanitaires qui pèsent sur le promoteur au moment où il dépose son projet."
- Enfin, dans l'optique d'améliorer la réglementation en matière de recherche sur volontaire sain au niveau européen, la ministre proposera notamment au HMA (Head of medicine agencies - le comité européen des agences nationales du médicament) que soient mises en place des modalités harmonisées d'évaluation et de gestion d'un accident grave comme celui de Rennes au niveau européen.
En avril dernier une expertise de l'Agence du médicament avait conclu que l'accident était lié "clairement" à la toxicité de la molécule testée, ainsi qu'aux conditions dans lesquelles s'était déroulé l'essai clinique (volontaires trop âgés, certains avec des facteurs de risque potentiel). En parallèle, une enquête est en cours au pôle de Santé publique du parquet de Paris.