Glyphosate : tout comprendre de la polémique

Nouveau rebondissement dans l'affaire du glyphosate, l'herbicide le plus vendu en Europe et suspecté d'être cancérigène. Alors que l'Union européenne a renouvelé son autorisation de mise sur le marché pour l'usage agricole pendant 5 ans, le Roundup Pro 360 est finalement interdit en France.

Glyphosate : tout comprendre de la polémique
© Kostic Dusan - 123 RF

[Mis à jour le 17/01/19] Le glyphosate est un désherbant, mais pas n'importe lequel : c'est l'ingrédient du produit phare de la firme américaine Monsanto, le Roundup. Breveté dans les années 70 et tombé dans le domaine public au début des années 2000, cet "herbicide total" (c'est-à-dire qui attaque toutes les plantes sans faire de distinction) est utilisé par des entreprises, des particuliers, sur des terrains industriels, mais aussi sur les voies ferrées. Sauf qu'en mars 2015, le glyphosate suscite l'inquiétude. En effet, il est suspecté d'être un "cancérigène probable", d'après le Centre international de recherche sur le cancer, branche de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) basée à Lyon. Revirement de situation. Quelques mois plus tard, en novembre 2015, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSAestimait qu'il était "sans danger". Un autre rapport (de mai 2016) des Nations Unies - dont fait partie l'OMS - estimait le risque cancérigène comme "peu probable". De quoi semer un peu plus le trouble dans ce dossier ! D'autant plus qu'étant bon marché, le glyphosate entre dans la composition de plus de 750 produits commercialisés par plus de 90 fabricants. Problème : des résidus de ce pesticide peuvent être retrouvés dans nos cours d'eau, mais aussi dans notre alimentation et avoir des effets sur notre santé, selon ces différentes études.

Que dit la législation française ?

Grande promesse d'Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle, le glyphosate devait être totalement interdit d'ici 2021. Le temps que l'Institut national de recherches agronomiques (Inra) étudie de possibles alternatives phytosanitaires aussi efficaces et aussi peu onéreuses que cette substance. Toutefois, en France, l'utilisation du glyphosate par les collectivités dans les espaces ouverts au public est interdite depuis le 1er janvier 2017, et celle par les particuliers est interdite depuis 1er janvier 2019. En revanche, cela est plus compliqué concernant l'usage agricole où cet herbicide est pulvérisé en masse dans les champs de colza, de blé et de maïs. Après deux ans de débats acharnés, les Etats membres de la Commission européenne ont finalement accepté lundi 27 novembre 2017 de réautoriser pour 5 ans le glyphosate, alors que l'autorisation de mise sur le marché du glyphosate devait expirer le 31 décembre. Cette décision a immédiatement suscité la colère des ONG, indignées. Mais en France, cette autorisation de mise sur le marché a été annulée. En effet, le Tribunal administratif de Lyon, a annoncé, dans une courte déclaration transmise à l'AFP, l'interdiction de la vente, de la distribution et de l'utilisation du Roundup Pro 360 depuis le mardi 15 janvier 2019, estimant ainsi que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) avait "commis une erreur d'appréciation au regard du principe de précaution"  en autorisant ce produit.

Pourquoi ne pas interdire le glyphosate dans toute l'Europe ?

Il faut dire que l'enjeu est évidemment économique : interdire le glyphosate serait catastrophique pour les entreprises qui le commercialisent. Mais aussi pour les agriculteurs qui devraient trouver des alternatives plus coûteuses pour désherber leurs terrains. Face à ce produit hyper stratégique pour l'industrie agro-alimentaire, les associations de défense de l'environnement remettent en cause l'indépendance des experts qui participent aux études. Pour Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch France : "le glyphosate présente des risques pour la santé des agriculteurs, mais aussi des consommateurs qui retrouvent cette substance dans leur alimentation. Le principe de précaution doit être appliqué et la santé publique placée au-dessus des intérêts de l'industrie chimique."  Selon Michèle Rivasi, Député européen écologiste, "la collusion d'intérêts dont pâtissent les évaluations sur le glyphosate est d'autant plus grave qu'elle déstabilise les scientifiques dans leur travail, certains d'entre eux étant victimes d'intimidation." 

Stratégies frauduleuses

Alors, pourquoi les agences européennes n'ont-elles pas suivi l'avis du CIRC qui classait en 2015 le glyphosate comme "cancérogène probable" ? Une enquête du Monde montrait comment Monsanto avait fait paraître des articles coécrits par ses employés et signés (contre rémunération) par des scientifiques pour contrer les informations dénonçant la toxicité du glyphosate. Les journalistes avaient eu accès aux documents internes (Les Monsanto Papers) que le géant de l'agrochimie avait été contraint de rendre publics à la suite de procédures judiciaires engagées aux Etats-Unis.

Le glyphosate est-il partout ? Sur France 2, le prime-time du jeudi 17 janvier 2019 est consacré au très controversé glyphosate. Présentée par Elise Lucet, l'émission "Envoyé Spécial : glyphosate, comment s'en sortir ?" est découpée en plusieurs petits reportages. Le premier "Glypho or not glypho" fait intervenir deux agriculteurs aux méthodes diamétralement opposées : l'un est conventionnel tandis que l'autre est pro bio. Pendant quelques jours, ils échangent leurs exploitation et débattent sur l'utilisation de ce désherbant. Ensuite, "Monsanto, la fabrique du doute" est consacré aux fameux "Monsanto papers", révélant ainsi comment le géant industriel a manqué de transparence concernant les dangers de son produit phare. Enfin, la dernière partie propose à une trentaine de personnes, dont 15 célébrités parmi lesquelles Laure Manaudou, Jamel Debbouze, Lilian Thuram, Lambert Wilson, de mesurer le taux de glyphosate dans leurs urines. Alors, cet herbicide est-il vraiment partout ? Suite à ces trois documentaires, un débat sur le plateau sera organisé en présence notamment du ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy.