Maladies rénales : des parcours de soin souvent chaotiques
Selon une étude menée par l'association Renaloo, les patients dialysés ou greffés, s’estiment mal informés en matière de choix thérapeutiques. Et l’accès à la dialyse à domicile est loin d’être évident.
En amont de la journée mondiale du rein du 10 mars prochain, l'association de patients Renaloo tire la sonnette d'alarme sur la prise en charge des personnes vivant avec une maladie rénale. Elle dévoile en effet les conclusions d'une enquête menée auprès de plus d'un millier de patients dialysés ou greffés. Et ce n'est pas brillant : un patient sur trois estime ne pas avoir participé au choix de son traitement. Et plus d'un patient sur deux (55%) déclare avoir été mal ou pas informé sur la possibilité d'être greffé sans passer par la dialyse, alors que "la greffe préemptive est reconnue comme la meilleure stratégie de traitement, aux plans médical, humain et financier", rappelle l'association Renaloo. Autre constat, les patients connaissent mal la dialyse à domicile : 1 sur 2 s'estime mal ou pas informé sur la possibilité de faire de l'hémodialyse à domicile et plus de 40 % sur la dialyse péritonéale à domicile.
La dialyse, plus lucrative. Il se dégage ainsi deux lacunes importantes dans la prise en charge de ces patients. D'abord, le manque d'information quant aux bénéfices de la greffe précoce comparativement à la dialyse. Bien que la greffe constitue le meilleur traitement, en efficacité mais aussi en qualité de vie, et qu'il représente un moindre coût financier, c'est la dialyse qui continue à être privilégiée en France. Contrairement à ce que l'on observe chez nos voisins. "Seuls 45% des patients dont les reins ne fonctionnent plus sont greffés en France, contre environ 55% au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Espagne et jusqu'à 70% en Norvège", précise Renaloo. Ce problème, déjà évoqué lors des Etats Généraux du Rein en 2013, avait également été soulevé par la Cour des Comptes. Dans un rapport, publié en septembre dernier, celle-ci avait dénoncé la complexité d'un système où la dialyse constitue une activité rentable pour les établissements de soin, alors incités à la privilégier par rapport aux autres traitements. Au détriment des malades donc, mais aussi des comptes de la Sécurité sociale.
Et la dialyse à domicile ? L'autre problème, c'est le manque d'information des patients vis-à-vis de la dialyse à domicile. Il faut savoir que la dialyse prend environ une demi-journée, trois fois par semaine. C'est beaucoup, surtout pour les personnes qui travaillent, d'autant que peu de structures proposent des dialyses le soir. Conséquence : certains patients peuvent perdre leur emploi, ce qui a un impact en termes de revenus bien sûr, mais aussi en termes de qualité de vie. Mais pour l'heure, la dialyse à domicile concerne moins de 8% des patients en France, contre 20 à 30 % en Suède, aux Pays-Bas ou au Canada. Malgré tout le potentiel de la dialyse à domicile, et la volonté des patients d'en bénéficier (1 patient dialysé souhaiterait essayer), il existe encore de nombreux freins. "Cet état des lieux doit amener les pouvoirs publics et les autorités de santé à repenser les parcours des patients afin qu'ils puissent avoir accès, aux bons moments, aux traitements les plus adaptés à leur santé mais aussi à leurs vies", analyse Yvanie Caillé, directrice de Renaloo. Celle-ci réclame que les données épidémiologiques et cliniques des établissements de santé (registre REIN), provenant des patients traités par dialyse ou greffe, soient accessibles en toute transparence. "Cette transparence est nécessaire pour que les patients puissent être informés des pratiques des établissements, mais aussi pour que les autorités de santé puissent mieux évaluer les dysfonctionnements qui existent et apporter des solutions adaptées", poursuit-elle.
Gérard Bapt, député de Haute-Garonne, a adressé le 17 février 2016 une lettre ouverte à Marisol Touraine, afin de l'alerter sur ces questions. Il y propose notamment la transparence des données du registre REIN par établissement ainsi que l'inscription dans le Code de la santé publique de l'obligation pour les professionnels de santé d'informer de manière complète et objective les patients sur toutes les modalités de traitements, dialyses et greffes.