Un essai thérapeutique vire au drame à Rennes
La ministre de la Santé a confirmé la mort cérébrale d’un volontaire qui participait à un essai clinique de phase 1, ainsi qu’à l’hospitalisation de 5 autres.
[Mise à jour, 19/01] Le patient en état de mort cérébrale est décédé. Quatre autres pourraient avoir des séquelles neurologiques irréversibles.
Selon les mots de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, il s'agit d'un "accident d'une exceptionnelle gravité" et "inédit". En effet, il a causé l'hospitalisation au CHU de Rennes de 6 volontaires participant à un essai clinique. L'un d'entre eux, en réanimation, est en état de mort cérébrale. Les 5 autres sont hospitalisés dans un service de neurologie, dans des états de gravité variables, a précisé Marisol Touraine lors d'une conférence de presse ce vendredi à Rennes.
Que s'est-il passé ? Au total, 8 personnes ont été hospitalisées au CHU de Rennes : la première le dimanche 10 janvier, puis les autres progressivement tout au long de la semaine, a confirmé la ministre. Elles participaient toutes à un essai thérapeutique de phase 1 mené par un établissement privé autorisé et spécialisé dans ces essais (Biotrial). Il portait sur un antalgique pris par voie orale pour traiter des douleurs liées aux maladies neuronales et l'anxiété, et développé par un laboratoire européen (Bial). L'essai, qui avait débuté le 9 juillet, devait inclure 128 volontaires hommes âgés de 28 ans à 49 ans. Parmi eux, seuls 90 d'entre eux ont pris le médicament. Mais "ce sont les personnes qui ont pris le médicament de manière répétée qui ont réagit", a encore expliqué la ministre, après avoir rencontré les victimes et leurs familles, particulièrement affectées et dans un état de "détresse immense".
Enquêtes judiciaires. Le laboratoire a interrompu l'essai le 11 janvier. Par ailleurs, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui a autorisé l'essai clinique début juillet, a décidé de procéder à une inspection technique sur le site et doit dès à présent identifier les volontaires qui ont pris le médicament afin qu'elles soient examinées. Dès qu'elle a été informée, Marisol Touraine, qui a fait part de "sa profonde détermination à faire toute la lumière et à établir toutes les responsabilités sur cet accident dramatique", a saisi l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) afin de mener une "inspection sur l'organisation, les moyens, et les conditions d'intervention de cet établissement dans la réalisation de l'essai clinique." Une enquête a de plus été ouverte par le parquet de Rennes et par le pôle Santé du parquet de Paris. "Nous devons tout faire pour comprendre, a martelé la ministre. Ce sont des personnes saines qui s'engagent, elles ne s'attendent pas à de tels accidents."
Etude de phase 1 : qu'est-ce que cela veut dire ? Les essais cliniques ont pour but d'évaluer l'efficacité d'un traitement. Il existe 4 phases dans les essais cliniques. Mais avant que ne démarre un essai, le traitement étudié passe par une étude préclinique qui mesure l'effet du médicament sur des cellules ou sur des animaux. Cette étape a pour objectif d'évaluer une éventuelle toxicité de la molécule. De plus, la dose de traitement valable pour l'homme est déterminée pour éviter justement toute toxicité. Si cette étape est validée, on passe à la phase 1, afin de confirmer l'absence de toxicité de la molécule sur l'homme. Les essais de phase 1 sont alors menés sur un petit groupe de volontaires sains, après agrément de l'Agence du médicament. L'essai de phase 2 se déroule ensuite sur des volontaires malades afin de vérifier l'efficacité de la molécule et déterminer la bonne dose thérapeutique pour que le médicament soit le plus efficace possible sans être toxique. Celle de phase 3 compare l'efficacité du traitement à un placebo ou au traitement habituel et est décisive pour permettre ou non la commercialisation du traitement testé. La phase 4 se déroule une fois le médicament mis sur le marché. Elle recense les effets secondaires rares ou les complications tardives afin de s'assurer que le traitement ne nuit à aucun patient et donc de réagir en cas d'effets secondaires graves qui seraient régulièrement rapportés.
Les essais cliniques sont-ils dangereux ? Même si le risque 0 n'existe pas, les accidents sont extrêmement rares en essai de phase 1. Le dernier remonte à 2006 : une personne avait été hospitalisée à Londres. La recherche doit en effet respecter un certain nombre de règles juridiques et déontologiques qui assurent qu'un essai ne peut être mis en place sans que des tests aient été faits avant et que le risque pour le patient soit minimum, avec un bénéfice réel. C'est la loi Huriet-Serusclat de 1998 (révisée en 2004) qui encadre les essais cliniques en France et assure qu'aucun essai ne sera possible si un comité de protection des personnes (CPP) ne l'approuve pas.
- Numéro d'information mis en place par l'Agence du médicament : 02 99 28 24 47