Loi Claeys-Leonetti : quels droits pour les patients ?
Plus de dix ans après la loi Léonetti de 2005, quels sont les changements apportés par la loi "fin de vie" adoptée en 2016 ? Comment améliore-t-elle les conditions des malades en fin de vie ? Ce qu'il faut retenir.
La loi Léonetti-Claeys du 2 février 2016 prolonge la loi Léonetti de 2005, tout en en accordant de nouveaux droits aux personnes en fin de vie. Le texte ouvre l'accès à la sédation en phase terminale et affirme le caractère contraignant des directives anticipées. Toutefois, les mesures proposées ne vont ni jusqu’à l’euthanasie active, ni jusqu’au suicide assisté, comme c’est le cas dans d’autres pays européens. Le texte donne en outre plus de place à la parole des patients par le biais des directives anticipées.
Le patient, davantage écouté
La loi "fin de vie" réaffirme le principe selon lequel "toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée". Pour rappel, la loi Léonetti, qui régit depuis 2005 la fin de vie en France interdit déjà l'acharnement thérapeutique et autorise l'arrêt des traitements jugés "disproportionnés". Elle autorise également l'administration dans certains cas précis de sédatifs pouvant aller jusqu'à "abréger la vie". Mais la loi Léonetti étant globalement mal comprise et mal appliquée par les médecins, les deux députés ont souhaité faire évoluer la loi.
Sédation profonde et rapide. Premier nouveau droit pour les patients : la "sédation profonde et continue". Elle s'accompagne obligatoirement d'un arrêt des traitements de maintien en vie dont font désormais partie l'hydratation et l'alimentation. Et intervient en ultime recours après les autres prises en charge palliatives, pour accompagner l’arrêt de traitement, en cas de pronostic vital engagé à court terme et en cas de souffrance insupportable.
Pour quels patients ? Les patients atteints d'une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présentent une souffrance réfractaire aux traitements. Les patients atteints d'une affection grave et incurable, qui demandent l'arrêt de leur traitement, une décision qui, sans sédation, risquerait d'entraîner leur décès à très court terme et serait susceptible d'entraîner une souffrance insupportable. Le droit à la sédation profonde est enfin prévu lors de l'arrêt du traitement chez des patients hors d'état d'exprimer leur volonté, mais en situation d'acharnement thérapeutique.
Jusqu'alors la sédation était parfois utilisée dans les services de soins palliatifs dans le but de soulager le malade, même si elle pouvait avoir comme "effet secondaire" d'accélérer le décès. Pour Jean Leonetti, l’apport de sa future loi est d’en faire un droit pour le malade au lieu d’un devoir pour le médecin : "avant c’était un devoir de la société de faire en sorte qu’on ne souffre pas en fin de vie. Désormais ça devient un droit du malade de ne pas souffrir lorsque la mort approche".
Des directives anticipées pour se faire entendre. Le texte de loi donne davantage de place à la parole des patients afin que leurs volontés soient mieux entendues. Jusqu'alors les directives anticipées, qui existaient déjà dans la loi Leonetti de 2005, n'étaient valables que trois ans et pouvaient ne pas être suivies par le médecin. Désormais, elles deviennent "plus contraignantes", et même "imposées"aux médecins, sauf "en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation" et "lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale". De plus, les "directives anticipées", sont sans limite de validité mais révisables et révocables à tout moment.
En l'absence de directives anticipées, la volonté de la personne qui ne peut plus s'exprimer peut être relayée par une "personne de confiance", expressément désignée par écrit et dont le témoignage "prévaut sur tout autre témoignage". Cette désignation est également révocable à tout moment. Elle peut si le malade le souhaite l'accompagner dans ses démarches et assister aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.
Accès pour tous aux soins palliatifs. Le projet de loi "fin de vie", inscrit dans la loi l'accès aux soins palliatifs sur l'ensemble du territoire. "Il existe de grandes disparités en France vis-à-vis de l’accès aux soins palliatifs. L’accès à domicile n’existe pas, il est difficile en maison de retraite et tous les hôpitaux n’en sont pas dotés. Tout cela pour dire, qu’il y a une vraie inégalité devant la mort en France et qu'il est important de lutter contre", avait expliqué dans une interview au JournaldesFemmes.com, le député Alain Claeys.
Le parcours d'une loi qui fait débat
Pendant sa campagne pour l'élection présidentielle en 2012, François Hollande s’était engagé à "faire évoluer le droit" sur la "fin de vie et l’accompagnement vers la mort". Il proposait alors que "toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité." Une fois élu, François Hollande avait confié à Didier Sicard, l'ancien président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) le soin d'évaluer la loi dite "loi Léonetti" de 2005, dans le cadre d'une réflexion sur la fin de vie. Après la publication de ce rapport Sicard (décembre 2012), le CCNE avait émis un avis en juillet 2013. Puis, les députés Jean Léonetti (Les Républicains) et Alain Claeys (PS) avaient été missionnés par Manuel Valls afin de travailler ensemble à l'élaboration d'un texte sur l'accompagnement des personnes en fin de vie.