Des insecticides néfastes pour le cerveau des enfants
Selon une étude menée par l’Inserm, une classe d’insecticides, présente notamment dans certains produits anti-poux et anti-moustiques, pourrait altérer la mémoire et la compréhension verbales des enfants de six ans.
Les pyréthrinoïdes, vous n’en avez jamais entendu parler ? Pourtant, vous y êtes confrontés tous les jours, par les fruits et légumes que vous mangez, les produits antipuces de votre chat ou de votre chien, certains shampoing anti-poux de vos enfants, ou encore les produits anti-moustiques si salvateurs pendant les soirées d’été. Il s’agit en réalité d’une classe d’insecticides, largement employée dans les domaines agricole, vétérinaire et domestique. Or, selon une étude publiée le 5 juin 2015 dans la revue scientifique Environment International et menée par deux chercheurs épidémiologistes de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) de Rennes, Cécile Chevrier et Jean-François Viel, ces composés pourraient affecter les fonctions cognitives des jeunes enfants, à savoir leur capacité à se concentrer, se souvenir d’un évènement ou accumuler des connaissances.
Les enfants plus touchés que les adultes. Pour réaliser ces travaux, les chercheurs ont étudié le taux de métabolites des pyréthrinoïdes (c’est-à-dire ce qu’il reste de ces composés après passage par le système digestif) dans les urines de 300 couples mère-enfant issus de la cohorte PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l’Infertilité et l’Enfance). Les scientifiques ont alors trouvé un lien entre ces quantités et les capacités cognitives d’enfants de six ans : plus ces substances étaient présentes, plus la compréhension verbale et la mémoire de travail diminuaient. "Bien que ces observations doivent être reproduites par d’autres études afin de pouvoir conclure définitivement, elles pointent sur la responsabilité potentielle à faibles doses […] des insecticides pyréthrinoïdes en général", explique Cécile Chevrier, responsable de ces travaux. Les enfants seraient plus exposés aux pyréthrinoïdes que les adultes à cause de "leur plus grande proximité aux poussières du sol (qui stocke des polluants), des contacts main-bouche plus fréquents et des shampooings anti-poux", selon un communiqué de l’Inserm.
Une action sur le système nerveux. Ces molécules éliminent les insectes en bloquant la communication au sein de leur système nerveux. C’est pourquoi les chercheurs ont émis l’hypothèse que ces insecticides puissent agir sur le système nerveux et son développement chez l’enfant. Selon un bulletin épidémiologique de l'Institut de Veille Sanitaire (InVS), ces pesticides pourraient aussi diminuer la fertilité féminine en jouant sur l'action des hormones, ce qui justifie leur classification comme perturbateur endocrinien.
Quelles mesures en termes d’interdiction des pesticides ? "Les conséquences d'un déficit cognitif de l'enfant sur ses capacités d'apprentissage et son développement social constituent un handicap pour l’individu et la société. Les efforts de recherche doivent se poursuivre afin d’identifier des causes qui puissent faire l'objet de mesures de prévention", souligne Jean-François Viel, co-auteur de ces travaux. En effet, cette étude relance à nouveau le débat sur l’utilisation des substances phytosanitaires (insecticides et pesticides) et, plus largement, des produits considérés comme perturbateurs endocriniens. Récemment, une étude a ainsi démontré l’existence d’un lien entre exposition aux polluants chimiques pendant la grossesse (solvants, détergents et pesticides) et malformation génitale des petits garçons. Alors que le Grenelle de l’environnement de 2008 prévoyait de réduire de moitié l’utilisation des pesticides d’ici 2018, "le recours aux produits phytosanitaires a augmenté de 5% en moyenne entre 2009 et 2013 et de 9,2% entre 2012 et 2013" reconnaît le Ministère en charge de l’agriculture sur son site internet. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) a par ailleurs lancé une large étude en 2014 visant à évaluer l'impact des expositions domestiques aux insecticides.
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