Les prothèses mammaires responsables d’un lymphome rare
Des cas rares de cancers ont été identifiés chez des femmes porteuses d’implants mammaires. Pour l’heure, Marisol Touraine appelle les femmes à ne pas se les faire retirer. Et les autorités sanitaires poursuivent leurs investigations.
Après le scandale des prothèses PIP en 2010, c’est une nouvelle affaire qui sème de nouveau le doute sur les prothèses mammaires. En effet, Le Parisien révèle ce mardi que 18 cas d’une nouvelle forme de cancer, le lymphome anaplasique à grandes cellules, ont été signalés, depuis 2011, à l’Agence du médicament (ANSM) chez des femmes porteuses d’implants mammaires. Une situation "préoccupante" selon François Hébert, le directeur général adjoint de l’ANSM, interrogé par Le Parisien, et d’autant plus que "le nombre de cas déclarés s’accélère au cours des dernières années". En effet, si le premier cas avait été notifié en 2011, deux ont ensuite été signalés en 2012, quatre en 2013 et onze en 2014. "Une personne est par ailleurs décédée." Même si cette forme de lymphome est "extrêmement rare" et de "bon pronostic", ainsi que le précise l’Institut national du cancer (Inca) dans un avis publié ce jour, il existe bien un lien entre la survenue de ce cancer et le port d’un implant mammaire.
Dans la matinée, Marisol Touraine a tenu une conférence de presse, au cours de laquelle elle a confirmé la survenue de ce cancer rare, précisant que c’est dans le cadre de la surveillance nationale des cas de lymphomes, mis en place en France dès 2009 (LYMPHOPATH), que ces 18 cas ont été détectés. Alertée, il y a quelques semaines, par le dernier bilan des autorités sanitaires, faisant état de 9 nouveaux cas de lymphomes anaplasiques à grandes cellules en l'espace d'un an, la ministre a alors demandé immédiatement à l’Inca de réunir des experts afin d’actualiser les recommandations en vigueur. Publiées le 4 mars dernier, elles ont ensuite été adressées aux professionnels de santé concernés. Par ailleurs, l’Agence du médicament a mis en place un groupe d’experts afin d’investiguer sur le rôle des prothèses dans l'apparition de ce cancer et la Haute autorité de santé (HAS) a été saisie pour élaborer de nouvelles recommandations sur les indications et contre-indications relatives à la pose d’implants mammaires.
Marisol Touraine rassurante mais vigilante. Suite aux révélations du Parisien, la ministre de la Santé a tenu à rassurer les 400 000 femmes porteuses de prothèses. Pour l’heure, elle ne leur recommande pas de les faire retirer et "aucune prothèse ne fait l’objet d’une interdiction de commercialisation." Soulignant que les femmes ne devaient pas "céder à une inquiétude excessive", la ministre a toutefois précisé que l’information aux femmes serait "renforcée". "Pour les femmes porteuses d'implants, les experts précisent qu'il est important qu'elles soient régulièrement suivies, même en l'absence de symptôme particulier, afin notamment de vérifier que l'implant ne se dégrade pas", préconise ainsi l'Institut national du cancer. "S'il faut prendre des mesures, si on doit les interdire, on le fera", affirme encore François Hébert. "Dans un premier temps, il a été décidé que les femmes qui se font poser des implants mammaires doivent être obligatoirement averties de ce nouveau risque, même s'il est faible".
Que sait-on de ce lymphome ? Selon les experts, il existe une grande variabilité temporelle entre la pose de la prothèse mammaire et le diagnostic de lymphome : "en moyenne entre 10 et 15 ans", avec des cas survenant de 2 ans après la pose de la prothèse et jusqu' à 37 ans, ont-ils précisé ce matin. Le lien entre lymphome et prothèses mammaires est "établi" et "indiscutable", a confirmé Dominique Martin, Directeur Général de l'ANSM. Mais pour l’heure, les scientifiques manquent d’informations pour expliquer ce qui déclenche la survenue de ce cancer. Une inflammation se produisant à la surface de l’implant pourrait être en cause. Par ailleurs, la nature du revêtement de la prothèse pourrait être également une piste : dans 80 % des cas de lymphome, les femmes étaient porteuses d’implant de type "texturé" (contrairement aux implants "lisses"). Ces types de prothèses sont aussi majoritaires sur le marché Français.
Le laboratoire Allergan visé ? Des experts doivent maintenant se réunir afin d'expliquer quel peut être le lien entre les prothèses et la survenue du nouveau lymphome, constaté également dans d’autres pays et notamment aux Etats-Unis. "Au total, 173 cas ont été publiés dans le monde, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y ait que 173 cas", soulignait ce matin, la Directrice de l'Inca, Agnès Buzyn, avant de préciser que les experts ont recommandé que "ce nouveau type de lymphome identifié soit reconnu par l'OMS dans la nouvelle classification des lymphomes." Par ailleurs, sur les 18 cas de lymphome, 14 impliquent un même fabricant de prothèses, à savoir, l’américain Allergan. "Oui, il y a un signal fort sur la marque Allergan, nous ne le nions pas et nous le prenons en compte et il sera exploré par le groupe de scientifique qui va se réunir dans les prochains jours, confirmait de son côté Dominique Martin, pendant la conférence de presse. Simplement, la plupart des 18 cas que nous connaissons étaient des femmes qui portaient plusieurs prothèses, dont éventuellement une prothèse Allergan, mais pas seulement." La situation est donc "compliquée à analyser", a-t-il encore précisé. "Nous lançons des investigations pour regarder précisément et scientifiquement le lien entre les lymphomes et ce que seraient les caractéristiques particulières de ces prothèses. Et s’il s’avère que c’est lié à une marque particulière, nous prendrons les mesures qui s’imposent." La question de l'interdiction formelle des prothèses mammaires devrait se poser rapidement. Une réunion doit se tenir d'ici la fin du mois à l'Agence nationale de sécurité du médicament.
400 000 Françaises portent actuellement des implants mammaires, dont 83% pour des motifs esthétiques et 17% pour une chirurgie de reconstruction, notamment à la suite d'une mastectomie. Dans les 18 cas français de lymphomes anaplasiques à grandes cellules, huit femmes avaient un implant à visée esthétique et dix, un implant posé dans le cadre d’une reconstruction mammaire liée à un cancer du sein.