Qu'est-ce que le Truvada, ce traitement préventif qui suscite tant d'espoirs ?

Grâce à ce traitement, à prendre avant un rapport sexuel à risque, le risque d’être contaminé par le VIH devient très faible. Les résultats de l'essai clinique Ipergay pourraient bousculer les politiques de prévention en matière de sida.

Qu'est-ce que le Truvada, ce traitement préventif qui suscite tant d'espoirs ?
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La Croi ou "Conference on retrovirus and opportunistic infections", ce rassemblement autour de spécialistes de la virologie, qui se tient en ce moment à Seattle, va sans doute faire parler d’elle. Ce soir, les résultats définitifs de l’essai clinique Ipergay sont en effet dévoilés. Ils confirment que chez des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, très exposés par leurs pratiques sexuelles au risque d'infection par le VIH, la prise d'un traitement antirétroviral préventif au moment des rapports sexuels diminue de 86 % le risque d'infection. Le Pr Jean-Michel Molina (Hôpital Saint-Louis, Paris) qui a coordonné l'étude souligne toutefois que 34 % des participants ont contracté au cours de l'étude une autre infection sexuellement transmissible, comme la gonorrhée, la syphilis, l'hépatite C ou l'infection à Chlamydiae. Il ajoute : "Il est important de ne pas relâcher les politiques de prévention qui ont fait leur preuve : utilisation systématique du préservatif, dépistages réguliers du VIH et des autres IST, et leur traitement", souligne-t-il. Par ailleurs, soulignons que ces résultats ne sont pas transposables tels quels à d’autres populations, notamment hétérosexuelles.

Mené par l'Agence française nationale de recherche contre le sida (ANRS), cet essai clinique, débuté en février 2012, avait pour objectif d’évaluer l'efficacité préventive du Truvada, un traitement préventif contre l’infection VIH, ciblé pour la communauté homosexuelle. Dans le cadre de cet essai clinique, des hommes homosexuels ont donc été recrutés (plus de 400 volontaires) afin de prendre ce médicament uniquement au moment d’une exposition à un rapport sexuel risqué, donc c’est-à-dire lors de rapports sans préservatif. Les participants étaient répartis en deux groupes : l'un recevant le Truvada, l'autre un placebo. Mais en octobre dernier, l’essai s’est arrêté après que les auteurs de l’étude aient constaté une très forte différence d’efficacité entre les deux groupes. Le comité scientifique de l’étude a alors pris la décision de faire bénéficier du médicament à tous les participants pendant au moins un an. L’objectif étant de confirmer le bénéfice du traitement sur le long terme, ainsi que sa tolérance. Il s'agit en effet d'un traitement lourd, avec des effets indésirables.

Pas question de remplacer le préservatif. Le traitement n’est pas destiné à remplacer le préservatif, mais à venir apporter une stratégie préventive supplémentaire aux personnes qui ne se protègent pas suffisamment dans un contexte de relâchement des pratiques. En somme, cette nouvelle approche permet de protéger des publics qui n'auraient, de toute façon, pas utilisé de préservatif. Rappelons que chaque année, 6400 personnes découvrent leur séropositivité en France, dont 43 % chez les gays et dans 99 % des cas par voie sexuelle. Le débat aujourd’hui, c’est donc de savoir si la stratégie reste uniquement centrée sur le préservatif ou s’il faut élargir à d’autres moyens préventifs. "Il est prioritaire et urgent de développer de nouveaux moyens de prévention en particulier pour les groupes les plus exposés au risque d'être infectés lors de rapports sexuels : c'est le cas des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes qui représentent 42 % des nouveaux cas", précisait l'ANRS en octobre dernier.  

Pour le moment en France, le médicament, utilisé comme traitement par les personnes séropositives, n'a pas d'autorisation de mise sur le marché pour un usage préventif. Le European AIDS Treatment Group (EATG) et AIDES, première association de lutte contre le sida et les hépatites en Europe, ont d'ores et déjà réagi via un communiqué de presse, par lequel ils appellent Gilead, la société qui fabrique le Truvada  à "présenter une demande à l'Agence européenne des médicaments (EMA) pour un changement d'indication thérapeutique, afin que son utilisation pour prévenir le VIH soit approuvée." Viendra ensuite la question d'un éventuel remboursement du traitement en indication préventive. Aujourd'hui, le Truvada est un traitement coûteux (près de 500 euros la boîte). Nul doute que la question de son remboursement pour une utilisation préventive, et alors que le préservatif, plus efficace en matière de protection est aussi beaucoup moins cher, fera débat.