"Les Etats ont rallié une sorte de coalition mondiale de l'inaction contre Ebola"
La présidente internationale de MSF appelle les pays qui disposent de ressources et de moyens spécialisés pour répondre aux catastrophes biologiques à les déployer le plus rapidement possible dans les pays affectés par Ebola.
C'est lors d'une séance exceptionnelle organisée aux Nations Unies hier, que Médecins Sans Frontières (MSF) a dénoncé l'inaction de la communauté internationale face à la pire épidémie d'Ebola de l'Histoire. Pour limiter la propagation du virus, il suffirait que les pays qui disposent de ressources médicales, civiles et militaires pour faire face à une catastrophe biologique, les déploient dans les pays touchés par Ebola. Une telle mobilisation internationale déployée en seulement quelques jours en Afrique de l'Ouest serait efficace pour limiter la propagation du virus Ebola selon MSF.
La réponse internationale demeure inadéquate et insuffisante. Pour l'heure, les ministères de la Santé africains et les ONG sont seuls face à une épidémie d'une ampleur sans précédent. Dans un discours prononcé devant les Etats membres de l'ONU, la présidente internationale de MSF, Dr Joanne Liu, a tiré la sonnette d'alarme, dénonçant fermement le manque de ressources internationales mises en place malgré les appels à l'aide récurrents de MSF.
"L'horloge tourne et le virus Ebola est en train de gagner. Le temps des réunions et de la planification est fini. Il est maintenant temps d'agir. Chaque jour d'inaction entraîne plus de décès et le lent effondrement des pays touchés", a alerté le Dr Joanne Liu. Fin août, l'ONU et l'OMS avaient en effet qualifié l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest "d'exceptionnelle" et promis des moyens "sans précédent" pour y faire face. Mais pour l'heure, aucune action concrète n'a été mise en place. Et le temps presse. "Six mois après son début, le monde est en train de perdre la bataille contre la pire épidémie d'Ebola de l'histoire, a martelé le Dr Liu. Les dirigeants mondiaux n'arrivent pas à faire face à cette menace transnationale. [...] Les Etats ont rallié une sorte de coalition mondiale de l'inaction". La directrice de MSF en appelle désormais à la responsabilité politique et humanitaire des gouvernements qui ont les moyens d'agir. "Au lieu de limiter leur réponse à la gestion de l'éventuelle arrivée d'un malade dans leur pays, ces pays devraient saisir l'occasion d'intervenir là où c'est nécessaire : en Afrique de l'ouest", a-t-elle poursuivit.
Quels sont les besoins les plus urgents ? Dans l'immédiat, le nombre et la capacité des centres de traitement disposant de services d'isolement doivent augmenter afin de pouvoir accueillir les patients plus tôt et ainsi de diminuer de façon significative la mortalité. Du personnel qualifié doit également être déployé, ainsi que davantage de laboratoires mobiles pour améliorer les possibilités de diagnostic. Enfin, des ponts aériens doivent être établis pour transporter du personnel et du matériel vers l'Afrique de l'Ouest et dans la région, et un réseau régional de centres de traitement doit être créé pour soigner les cas suspects ou confirmés parmi le personnel médical. MSF précise qu'au moins 150 membres du personnel soignant sont morts du virus Ebola, tandis que d'autres ont trop peur de retourner au travail.
Les cadavres contagieux pourrissent dans les rues. A Monrovia, capitale du Libéria, par exemple, il faut davantage de centres de prise en charge d'Ebola, disposant de structures d'isolement adéquates et de personnel qualifié. La file d'attente des patients continue d'augmenter devant le centre géré par MSF, qui continue pourtant d'augmenter sa capacité et dispose maintenant de 160 lits. MSF estime que 800 lits supplémentaires seraient nécessaires. Les équipes MSF sont débordées et ne peuvent plus offrir que des soins palliatifs."Chaque jour, nous devons refuser des malades parce que notre centre est plein, décrit Stefan Liljegren, coordinateur MSF à Monrovia. J'ai dû dire aux ambulanciers de m'appeler avant de transporter les patients, quel que soit leur état de santé, car souvent nous ne pouvons pas les accueillir ". En Sierra Leone les cadavres, hautement infectieux, pourrissent dans les rues. Des dispositifs de gestion des cadavres doivent donc être développés et des articles d'hygiène doivent être distribués à large échelle. Avec la nécessité de mettre en place des campagnes de désinfection ainsi que de promotion de la santé et de l'hygiène au sein des populations et dans les structures de soins.
En vidéo : l'intervention du Dr Joanne Liu.