Implants Essure : il n'est pas justifié de restreindre leur utilisation
Alors que les implants de stérilisation définitive Essure font l'objet d'actions en justice, des experts de l'Agence du médicament font le point sur les bénéfices et effets secondaires.
En France, la contraception permanente féminine ou stérilisation médicale concerne plus d'une femme sur 10 après 40 ans, selon la dernière enquête FECOND 2013. Elle consiste en l'insertion d'un dispositif médical, l'implant Essure, dans l'utérus. Il s'agit en fait d'un ressort en titane et en nickel, qui une fois posé, provoque la fermeture définitive des trompes, empêchant dès lors le passage du sperme. La stérilisation médicale peut aussi être obtenue par une ligature des trompes, mais elle est moins proposée car plus contraignante pour les femmes. De fait, elle implique une intervention sous anesthésie générale. Depuis 2006, la méthode Essure est recommandée en première intention.
Le dispositif est néanmoins sous surveillance renforcée depuis deux ans en raison de signalements portant sur des effets secondaires notamment hémorragiques et neurologiques. C'est aussi le cas dans d'autres pays, en particulier aux Etats-Unis où plus de 5 000 effets indésirables étaient signalés en 2015 depuis la commercialisation, avec des actions en justice en 2014, portées par la célèbre avocate, Erin Brockovich. En France, deux femmes ont déposé plainte pour la première fois contre le laboratoire Bayer en décembre 2016.
C'est dans ce contexte qu'un comité d'experts indépendants (le CSST) chargé d'évaluer les bénéfices et risques liés à l'implant de stérilisation Essure a été nommé par l'Agence du médicament (ANSM). Réuni le 19 avril pour auditionner les experts médicaux ainsi que les représentantes de l'association de patientes R.E.S.I.S.T, le comité a présenté les résultats d'une étude épidémiologique réalisée par l'assurance maladie. Ses conclusions sont rassurantes. L'étude montre en effet qu'il n'y a pas de "risque globalement augmenté d'affection générale avec Essure", comparé à la ligature des trompes. De plus, les données disponibles ne remettent "pas en cause la balance bénéfices/risques favorable de l'implant Essure" et "de nouvelles conditions en termes de réglementation ne sont pas nécessaires", selon la conclusion "unanime" du comité d'experts.
Pas d'argument pour conseiller le retrait. En ce qui concerne un éventuel retrait de Essure, pour des femmes qui s'inquiéteraient des plaintes ou qui souffriraient d'effets secondaires, les experts précisent qu'il s'agit d'un acte difficile, qui doit être réalisé par un gynéco-obstétricien expérimenté afin "d'éviter les cassures et la persistance de débris restant dans la cavité péritonéale". Lors de l'audition qui s'est tenue à l'Agence du médicament, Marielle Klein et Isabelle Ellis, présidente et vice-présidente l'association de victimes R.E.S.I.S.T ont réclamé que soit mis en place "de façon urgente" un "protocole de retrait" du dispositif, évoquant en effet des cas de rupture de l'implant lors de l'opération pour le retirer. Le comité d'expert a par ailleurs précisé que "les femmes présentant des symptômes doivent consulter leur médecin pour ne pas méconnaître une pathologie sous-jacente". Quant aux femmes qui n'ont pas de symptômes (la majorité des cas), "il n'y a aucun argument à ce jour pour conseiller le retrait."
Mieux informer les femmes et les professionnels. Une information indépendante devrait être apportée aux femmes envisageant la contraception permanente sur les avantages et les risques des deux méthodes de contraception définitive (implant et ligature des trompes), afin de permettre une décision éclairée, a encore souligné le comité d'experts.
En outre, si cette étude épidémiologique a apporté de premiers éléments, le CSST considère souhaitable de poursuivre les travaux de recherche sur "les effets indésirables atypiques très rares, mais sévères". La surveillance renforcée est donc maintenue.
En France, les signalements d'effets secondaires concernant Essure sont passés de 42 en 2012, à 242 en 2015, puis 162 entre janvier et octobre 2016, selon l'ANSM. En 2015, l'ANSM avait estimé que "les complications signalées relevaient de la pratique de pose et non du dispositif" lui-même. Le Dr Thierry Harvey, nous avait précisé que la pose d'un implant Essure n'est pas un geste simple. "C'est un geste technique, qui nécessite une courbe d'apprentissage, et qui passe donc par un apprentissage sur de l'humain. De la même façon que poser un stérilet sur un mannequin en plastique ne sera jamais la même chose qu'en condition réelle, sur une vraie patiente. Et malheureusement, certains professionnels ne sont pas compétents avant d'avoir acquis cette expérience." Pour encadrer la pose des implants de stérilisation, le ministère a publié en février 2016 un arrêté pour "accélérer la mise en œuvre des recommandations de bonne pratique" destinées à la formation des professionnels de santé.