Non, les touchers vaginaux ne sont pas indispensables à chaque consultation gynécologique. Non, les mammographies avant 50 ans ne sont pas utiles. Le Dr Teddy Linet, auteur de Mon guide gynéco nous donne les clés d'une consultation efficace et bienveillante.
La visite chez le gynéco est un moment d'angoisse pour un grand nombre de femmes. Dénudées, les pieds dans les étriers... Elles doivent supporter cette hantise de l'examen, tout en abordant les sujets les plus intimes. Dans "Mon guide gynéco," paru en poche aux éditions Pocket fin janvier 2016, le Dr Teddy Linet et la sage-femme Agnès Ledig, donnent les clés pour aborder sereinement ces visites gynécologiques et dédramatiser.
Le saviez-vous ? Tous les examens gynécologiques habituellement pratiqués lors des consultations ne sont pas indispensables
. Vous êtes ainsi en droit d'affirmer votre choix de refuser un examen qui vous semble inutile. Par exemple, expliquent les auteurs, le toucher vaginal systématique -en l'absence de symptômes- n'a pas d'intérêt pour dépister les cancers, une infection sexuellement transmissible ou encore un fibrome. En revanche, il est utile en cas de pose d'un dispositif intra utérin ou de douleurs dans le bas ventre. Pourtant, en réalité, il est quasiment toujours pratiqué, de manière automatique, lors de chaque consultation. "De même que certains gynécologues proposent des frottis tous les ans ou tous les deux ans, parfois avant 25 ans, parfois après 65 ans… alors que les autorités sanitaires recommandent de les espacer tous les trois ans seulement", commente le Dr Teddy Linet, gynécologue-obstétricien.
Quant aux examens supplémentaires, comme les mammographies, il n'est pas toujours simple de s'y retrouver. D'un côté, le dépistage organisé du cancer du sein est régulièrement remis en cause. De l'autre, certains gynécologues les proposent à leurs patientes,
dès 40 ans, et en l'absence de facteurs de risques. "Grâce au dépistage précoce du cancer du sein, mis en place dans les années 2000, la mortalité par cancer du sein a diminué. Mais aujourd'hui, il n'est plus prouvé qu'il sauve des patientes, explique le Dr Teddy Linet. Dépister précocement a de moins en moins de sens car la majorité des patientes sont guéries grâce aux traitements plus performants". Reste que pour certaines femmes, se faire dépister, c'est se rassurer. "Il faut peser les avantages et inconvénients avec la patiente. Certaines femmes auront besoin d'être rassurées par un examen régulier, d'autres non. En l'absence de facteurs de risques, le dépistage devrait désormais être discuté, mais pas imposé de manière systématique." "En outre, en dehors des recommandations actuelles (une mammo tous les deux ans, à partir de 50 ans), et en dehors des contextes particuliers (hérédité, antécédents...), faire une mammographie avant 50 ans n'a pas démontré son intérêt, assure le gynécologue. Mais que répondre à ces gynécologues qui proposent spontanément des mammographies à partir de 40 ans ? "Les patientes ne doivent pas hésiter à poser des questions, à demander des précisions et des preuves sur l'intérêt de tel ou tel examen. Elle ne doivent pas hésiter à dire : Est-ce que cette mammographie est utile pour moi ? Quels sont, pour moi, les risques d'une exposition à des radiations ?"
Soigner, pas imposer. E
t pourtant, si les patientes devraient davantage s'affirmer, force est de constater qu'elles ont plutôt tendance à taire leurs interrogations. "C'est qu'elles craignent de ne pas être prises au sérieux par le corps médical, commente Teddy Linet. L'exemple le plus flagrant, ce sont les femmes qui n'osent pas dire qu'elles oublient de prendre la pilule de peur de se faire réprimander." Evidemment, remettre en cause la parole du gynécologue, c'est remettre en cause sa pratique. Certains gynécologues n'hésiteront pas d'ailleurs à moquer les informations trouvées sur Internet, comme si elles n'étaient pas crédibles. "On a d'un côté le médecin en position de force et, de l'autre, la patiente qui se sent en position d'infériorité." Désinformation et manque de respect peuvent ainsi venir ternir les relations entre les femmes et leurs médecins. Or soigner, ça n'est pas imposer. "Même si les choses évoluent, la maltraitance est une réalité, c'est à dire qu'il y a encore des médecins maltraitants avec leurs patientes dans leur façon de travailler, en particulier parce qu'ils n'acceptent pas de se remettre en question et de se mettre à la place de leurs patientes. Pour répondre à leurs angoisses, il faut une relation de partenariat. Il faut que les femmes puissent être écoutées, libres de s'exprimer, sans craindre d'être jugées."
Depuis 2009, les sages-femmes sont habilitées à assurer le suivi gynécologique de prévention (dépistage du cancer du col, examen des seins, prise en charge des pathologies bénignes telles que les mycoses vaginales). |
Car se taire, c'est mettre de côté des sujets pourtant indispensables. Les sujets tabous sont encore nombreux. De la sexualité dont on parle plus volontiers après la consultation, sur le pas de la porte, aux problèmes d'incontinence urinaire ou de périnée, il y a tant de sujets que les femmes ont honte d'aborder, parce qu'ils touchent à leur intimé. De même que de ne pas questionner son médecin peut être source d'incompréhension. Nombreuses sont les femmes qui pensent que la pratique du "stop-pipi", qui consiste à serrer son sphincter en pleine miction pour arrêter le jet d'urine, est efficace pour prévenir les fuites urinaires et tonifier le périnée. Mais, c'est en réalité faux : cette pratique peut au contraire aggraver le problème. Côté
contraception, il y a aussi cette idée bien ancrée et parfois véhiculée par les gynécologues, comme quoi le stérilet ne pourrait pas être posé chez les femmes n'ayant jamais eu d'enfant, et surtout, qu'il rendrait… stérile. Logique, mais faux !
"Je constate aussi que les femmes sont très angoissées dès qu'il s'agit d'hormones. En raison des polémiques sur les traitements hormonaux de la ménopause puis autour des pilules de 3egénéraiton, il y a une forte méfiance vis-à-vis des hormones, mais qui n'est plus justifiée. Le problème, c'est qu'on a jeté le bébé avec l'eau du bain. Résultat, on constate un abandon de la pilule pour de mauvaises raisons", observe Teddy Linet. Cette désaffection pour la pilule contribue à véhiculer des idées reçues : la pilule diminuerait la libido et augmenterait le risque de cancer. "Ce sont des angoisses très fréquentes mais pas justifiées, il faut donc prendre le temps d'expliquer et de rassurer car l'information passe très mal."
Alors, la clé d'une consultation bienveillante, pendant laquelle on pourrait discuter librement n'est-elle pas de bien choisir son spécialiste ? Homme ou femme, gynécologue ou sage-femme... Il ne faut pas hésiter à prendre son temps avant de trouver le bon."On ne peut pas savoir à l'avance si le feeling va passer... Mais ce n'est pas normal de sortir d'une consultation avec des doutes ou sans avoir de réponses à ses questions, alors, il faut changer et encore changer, jusqu'à trouver le professionnel qui soit capable d'écouter, sans juger."
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