Peur de la mort : comment vaincre la thanatophobie ?

La peur de la mort est normale et légitime. Mais poussée à l'extrême, elle peut être pathologique.

Peur de la mort : comment vaincre la thanatophobie ?
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Avoir peur de la mort est une angoisse assez saine et légitime. Elle permet de rester prudent dans son quotidien et de se fixer des limites, sans quoi on se mettrait perpétuellement en danger. "C'est important de penser à la mort de temps en temps, tant que ça ne devient pas envahissant, cela permet de mettre en lumière le caractère précieux de la vie", pose d'emblée Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne. Mais lorsqu'elle est poussée à l'extrême, la peur de la mort peut devenir pathologique, névrotique et handicapante. C'est ce qu'on appelle la thanatophobie.

C'est quoi la thanatophobie ?

"Il s'agit d'une peur irraisonnée et irrationnelle de la mort, que ce soit celle de ses proches (peur de la mort) ou de la sienne (peur de mourir)", indique l'experte. Cette peur provoque de manière importante des perturbations dans la vie de la personne concernée (sociales, professionnelles, familiales, psychiques, physiques), comme par exemple :

  • une impossibilité de laisser ses enfants seuls,
  • une incapacité de prendre certains types de transports,
  • une incapacité à avoir des couteaux chez soi,
  • une impossibilité de partir en voyage ou de faire certaines activités...

Le thanatophobe évite tout ce qui pourrait entraîner ou accélérer la mort. Il n'y a souvent que chez lui qu'il se sent en sécurité. "La peur de la mort n'est pas simplement la peur de perdre la vie, c'est aussi la peur de ne plus exister, de ne pas réussir à se projeter positivement, des souffrances qui peuvent précéder la mort, d'être envahi de regrets ou de remords, de ne plus être en lien avec ses proches, d'être confronté à l'inconnu (le monde d'après, l'au-delà, le néant...), d'être oublié, de ne pas avoir réussi sa vie, d'être seul, de perdre son autonomie, de devenir "rien", de ne plus pouvoir maîtriser sa vie...", liste notre interlocutrice. 

Quelles sont les causes et les facteurs de risque ?

"La peur de la mort peut toucher toute personne en âge d'avoir conscience de son caractère propre c'est-à-dire irrémédiable, définitif et inévitable donc elle peut être visible dès 7-8 ans, âge auquel on a accès à la pensée abstraite", répond Aline Nativel Id Hammou. Néanmoins, certaines personnes sont plus à risque d'avoir peur de la mort, comme :

  • Les personnes présentant une pathologie chronique avec un risque de mort aléatoire ou certain (cancer avec un pronostic vital engagé, pathologies cardiaques, maladies incurables...).
  • Les personnes ayant vécu un événement traumatique en lien avec la mort comme un accident, le décès d'un proche, un incendie, une scène de grande violence, un attentat...
  • Les personnes qui ont été conditionnées par un tiers (parent qui a lui-même peur de la mort et qui transmet sa peur).
  • Les personnes qui ont un tempérament anxieux.
  • Les personnes qui souffrent de troubles psychiques ou psychiatriques. 
  • Les personnes qui sont dans un état dépressif.
  • Les personnes qui accompagnent un proche en soins palliatifs par exemple.
  • Les personnes qui éprouvent des difficultés à vivre l'instant présent, qui sont toujours dans l'anticipation.
  • Les personnes souvent exposées à des images et/ou des contextes de mort (certaines professions du secteur médical, judiciaire, funéraire...).
  • Les personnes âgées. "On a tendance à oublier que ce n'est pas parce qu'on est âgé qu'on se sent prêt à mourir", souligne-t-elle. 
  • Les adolescents. 

Quels sont les symptômes de la peur de la mort ?

"La peur de la mort peut s'exprimer par des mécanismes de défense et différentes manifestations qui peuvent être très variables selon les individus, leur personnalité, le contexte", indique la psychologue. La peur de la mort peut se traduire par :

  • Une grande exigence envers soi et envers les autres (rigidité généralisée, attitude intransigeante ou intolérante).
  • Des TOC.
  • Une hypocondrie.
  • D'autres phobies (peur de la foule, peur de l'avion, peur de tomber malade...) qui peuvent être très handicapantes.
  • Des pensées négatives pouvant aller jusqu'à la dépression.
  • Des troubles du sommeil (insomnies, cauchemars, terreurs nocturnes...).
  • Une impossibilité d'aller dans un cimetière, un hôpital, des établissements de soins...
  • Des troubles du comportement avec des conduites agressives envers soi-même ou les autres, ou des mises en danger (conduire très vite, aller dans des endroits dangereux ou interdits au public, adopter des conduites à risque (drogues)...).
  • Des troubles alimentaires.
  • Un trouble anxieux généralisé.

Quelles solutions pour vaincre sa peur de la mort ?

La perspective de la mort est inéluctable. En revanche, il existe des solutions pour mieux la supporter et l'envisager plus sereinement. 

Faire un travail thérapeutique avec un psychologue, un psychiatre, un médecin ou débuter une thérapie dite "corporelle" (sophrologie, acupuncture, kinésiologie...). En parler à quelqu'un est bien souvent salutaire. "On recommandera particulièrement les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) pour analyser progressivement ses comportements, ses pensées et ses émotions afin d'objectiver sa peur, les thérapies analytiques pour verbaliser sa peur, ou l'hypnose pour comprendre l'origine de la peur", conseille la psychologue. Cette prise en charge psychologique peut être, selon les cas, accompagnée d'une prescription de médicaments anxiolytiques pris ponctuellement pour soulager les symptômes anxieux.

Lire les grands philosophes qui ont travaillé sur la thématique de la mort (Platon, Epicure, Sartre, Heidegger, Hegel, Schopenhauer...) et/ou se renseigner sur la thérapie existentielle créée par Irvin Yalom, un psychiatre et psychothérapeute. Il propose un exercice pratique qui consiste à imaginer son enterrement et à le décrire le plus précisément possible. "Cela permet de faire le point sur ses priorités, ce qui est important pour nous (est-ce de voir que l'on manque à ses proches, est-ce de voir qui sera présent le jour des obsèques, que vont-ils penser de moi et retenir de mon existence, est-ce que j'aurais l'impression d'avoir des regrets ?) et de faire émerger des prises de conscience", explique la psychologue.

► Faire un arbre généalogique qui contient des informations sur les membres de sa famille (nom, âge, dates de naissance, de décès, de divorce, indications sur les maladies, les métiers...)) pour comprendre l'ensemble des événements marquants dans sa famille. Cela peut aider à identifier la cause de certains vécus difficiles et permettre de mieux nous en libérer. Le génogramme peut servir d'outil de base lors d'une psychothérapie. Une meilleure connaissance du passé peut aider à mieux appréhender l'avenir. Faire des albums photos permet aussi de figer de manière concrète les moments, les souvenirs, les visages... Enfin, l'écriture thérapeutique sous forme d'atelier collectif ou en séance individuelle peut aider à verbaliser ses angoisses, à décrire ce que l'on ressent et à prendre du recul sur ce qui nous terrorise. 

Opérer un changement actif dans sa vie : "L'idée est de faire le point sur les différents domaines de sa vie comme le couple, la famille, le travail, les amis, pour savoir ce qui produit de l'inconfort et/ou de la souffrance et pour en changer les modalités. C'est l'occasion de faire régulièrement des bilans de vie complets pour éviter les regrets, les remords et les sources de culpabilité", précise Aline Nativel Id Hammou. Cela peut passer par la concrétisation d'un projet (un grand voyage, un nouveau métier, un changement de voie, une nouvelle formation, l'achat d'un bien immobilier, faire de l'humanitaire...), renouer avec un proche perdu de vue, se rendre utile via une association...

Selon ses croyances, se tourner vers une religion ou une spiritualité peut aussi aider à se libérer de ses angoisses, se projeter sur l'après avec plus de sagesse et de quiétude, et de mieux aimer la vie, y compris dans sa finitude. Enfin, oser parler de la mort avec ses proches (il vaut toujours mieux affronter sa peur que la fuir) et pourquoi pas mettre en œuvre des démarches administratives (faire un testament, ses directives anticipées, une demande de crémation ou d'assurance décès, démarches en lien avec le don d'organe...). "Cela peut permettre de mieux gérer nos angoisses de mort, de nous rassurer, d'abréger certains doutes et de reprendre le contrôle sur sa peur. Cela marque une sorte de maîtrise sur sa fin de vie, ce qui peut être très structurant pour la personne qui a peur de la mort", conclut notre experte. 

Merci à Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne.

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