Pourquoi l'infarctus progresse chez les femmes ?
Les hospitalisations pour infarctus du myocarde ont progressé de près de 5% par an chez les femmes entre 45 et 54 ans, observe l’Institut de veille sanitaire (InVS). Précisions de Claire Mounier-Vehier, Présidente de la Fédération française de cardiologie.
Ce 8 mars, l'Institut national de veille sanitaire (InVS) consacre son bulletin épidémiologique hebdomadaire au cœur des femmes. Intitulé "Les femmes au cœur du risque cardio-vasculaire", il souligne tout particulièrement la progression du nombre d'hospitalisations pour un infarctus du myocarde chez les femmes de 45 à 54 ans : elle est passée de + 3% par an entre 2002 et 2008 à + 4,8% par an entre 2009 et 2013. "C'est beaucoup !, commente Claire Mounier-Vehier, Présidente de la Fédération Française de Cardiologie. Et cela confirme "l'urgence de bouleverser nos cultures sociétales, qui considèrent encore que les femmes jeunes sont protégées des maladies cardiovasculaires par leurs hormones."
Le nombre d'hospitalisations pour infarctus progresse par ailleurs aussi chez les hommes jeunes, même s'il est moins marqué (de l'ordre de +2% par an entre 45 et 64 ans). Et même si on observe une progression des femmes hospitalisées pour infarctus, en valeur absolue, "il y a encore aujourd'hui 5 fois plus d'infarctus chez les hommes que chez les femmes", précise la cardiologue au JournalDesFemmes.com. Mais il faut agir aujourd'hui car demain ou plus tard, on pourrait avoir autant d'hommes que de femmes."
Pourquoi cette progression chez les femmes ? Si les femmes font davantage d'infarctus, c'est parce que "leur mode de vie a évolué depuis près de 30 ans, explique Claire Mounier-Vehier. De fait, "elles ont aujourd'hui adopté les mêmes comportements à risque que les hommes : elles fument, elles boivent de l'alcool, elles sont plus stressées..." Et parmi ces facteurs de risque, le tabac est "l'ennemi public numéro 1". Rappelons que selon le dernier Baromètre santé de l'Institut national de la prévention et de la santé (Inpes), la France comptait 34 % de fumeurs occasionnels chez les 15-75 ans en 2014, la plaçant ainsi à un niveau largement supérieur à celui de nombreux autres pays occidentaux. De plus, même si en 2014 le tabagisme reste plus fréquent chez les hommes (38 %) que chez les femmes (30 %), l'écart est en train de se réduire.
Au-delà du mode de vie, les femmes sont exposées à des facteurs de risque hormonaux, qui peuvent avoir un impact négatif sur leur cœur, tout au long de leur vie. Contraception, grossesse et ménopause sont ainsi des périodes à risque pour les femmes. Même si elles n'ont pas été étudiées par l'InVS, ces données hormonales, par exemple le mode et la durée de contraception ou encore la prise de traitements hormonaux à la ménopause, sont très intéressantes. "Il aurait été intéressant de pouvoir les commenter", observe la cardiologue.
Enfin, "cette augmentation chez les femmes, comme chez les hommes, peut s'expliquer par une évolution dans le diagnostic de l'infarctus du myocarde. Aujourd'hui, grâce aux examens biologiques – dosage de la troponine –, on peut diagnostiquer un infarctus qui n'aurait pas été visible sur l'électrocardiogramme. Le diagnostic est donc devenu plus sensible."
Encore trop de préjugés : les femmes doivent s'informer. Pour mieux sensibiliser les femmes, la Fédération Française de Cardiologie s'est récemment associée à la réalisatrice Maïwenn, pour faire passer, le temps d'un clip court mais percutant, un message simple : les maladies cardiovasculaires touchent aussi les jeunes femmes. Il faut encore rappeler que l'infarctus des femmes ne ressemble en rien à celui des hommes. La douleur dans la poitrine, celle qui irradie le bras gauche et la mâchoire, elle parle à tout le monde. Mais, il s'agit de la description d'un signe clinique typiquement masculin. Car chez les femmes, l'infarctus peut se traduire par d'autres signes, comme "des douleurs gastriques, des nausées, une fatigabilité à l'effort ou une fatigue inhabituelle… En fait, tout symptôme anormal et bizarre, dans un contexte de facteurs de risque (hypertension, terrain familial, tabac...) doit alerter et déboucher sur un appel au 15", insiste Claire Mounier.
Pour aller plus loin, la cardiologue propose de s'inspirer de ce qui a été fait aux Etats-Unis avec le Go Red For Women. "Grâce à une mobilisation forte des pouvoirs publics, des campagnes d'information et des programmes de recherche ont été lancés. Et on a observé une régression des infarctus chez les femmes en l'espace de 10 ans. On essaie aussi d'aller dans ce sens en France. Il faut aussi poursuivre la formation des professionnels et l'information, mais aussi la coordination entre professionnels de santé, gynécologues, cardiologues et médecins traitants."
Les taux de mortalité par infarctus ont par ailleurs baissé observe l'InVS (-31 % entre 2002 et 2012 chez les femmes de moins de 65 ans et -55 % chez les plus de 65 ans), ce qui souligne la qualité de leur prise en charge en France. "Les femmes sont de plus en plus nombreuses à se présenter aux urgences. Cela prouve qu'elles sont davantage informées et qu'elles connaissent mieux les symptômes de l'infarctus. C'est une bonne nouvelle et il faut poursuivre nos efforts dans ce sens !"