3 choses à savoir sur les troubles bipolaires
Cette pathologie psychiatrique surmédiatisée depuis quelques années reste toutefois encore obscure et taboue. Des symptômes à sa prise en charge, on fait le point sur les troubles bipolaires.
Aujourd'hui en France, 2% de la population, soit près de 1,3 million de personnes, sont atteintes de troubles bipolaires. Pour la deuxième année consécutive, l'association Argos 2001 organise une journée mondiale de sensibilisation aux troubles bipolaires, le 30 mars. L'objectif : déstigmatiser cette maladie parfois mal comprise et informer les patients et leurs proches des avancées thérapeutiques.
Etre bipolaire, ce n'est pas juste avoir des jours "avec" et des jours "sans"
Il nous arrive tous de passer d'une humeur joyeuse à une humeur morose. Ou plus généralement, de connaitre des périodes où l'on se sent porté par des projets, et d'autres où aucun d'eux ne semblent jamais vouloir aboutir. Bref, en fonction de notre état d'esprit, mais aussi des événements extérieurs (naissance, décès, promotion, chômage, etc.), il est courant de vivre des "hauts" et des "bas".
Etre bipolaire, ça n'est pas cela. Il s'agit d'une vraie pathologie psychiatrique où les personnes atteintes souffrent de réactions disproportionnées, au point d'être invalidées au quotidien. Les troubles bipolaires se caractérisent ainsi par une alternance de phases dépressives et de phases d'exaltation dites "maniaques". En phase dépressive, la personne n'a goût à rien et est parfois sujette à des idées suicidaires. A l'inverse, la phase maniaque la rend euphorique et la pousse à entreprendre des projets totalement irrationnels et irraisonnés.
Un pic de diagnostic à l'adolescence
Les troubles bipolaires apparaissent généralement avant l'âge de 35 ans, et le plus souvent à l'adolescence ou dans la vingtaine. On peut ainsi noter un pic d'apparition chez les 15-25 ans. Toutefois, il peut aussi exister des symptômes après 40 ans et pendant l'enfance.
Les troubles bipolaires sont mal diagnostiqués (il faut en moyenne 10 ans pour établir un diagnostic), ce qui retarde leur prise en charge et l'efficacité des traitements. A l'inverse, plus le diagnostic est précoce, plus le patient a de chances d'éviter les complications liées à la maladie (tentatives de suicide, addictions, ruptures familiales, etc.). "Si aucune disposition thérapeutique n'est prise lorsque les premiers symptômes apparaissent, le risque est de laisser évoluer le trouble. D'où l'importance de pouvoir le détecter le plus rapidement possible et de mettre en place des mesures thérapeutiques spécifiques", expliquait le psychiatre Christian Gay, lors d'un précédent dossier.
Oui mais quels sont les symptômes ? Pour aider les médecins traitants à mieux dépister le trouble bipolaire, et surtout au plus tôt, la Haute autorité de santé a publié des recommandations en mai 2015. Elle conseille d'abord de toujours y penser face à une personne souffrant de trouble dépressif, en particulier avant 25 ans. "Même si à cet âge les variations d'humeur peuvent être courantes et non pathologiques, il faut être attentif aux changements de comportements en rupture avec le fonctionnement habituel de l'adolescent (repli sur soi, décrochage scolaire, conduites à risque, prises de substances psychoactives,…), explique la HAS. De plus, "devant une tentative de suicide d'un adolescent ou d'un adulte jeune, il est impératif de rechercher un trouble bipolaire", précise-t-elle. D'autres signes doivent également alerter : antécédents maniaques, changement brutal de comportement, symptômes dépressifs atypiques, tentatives de suicides répétées. Mais aussi la présence d'antécédents familiaux de trouble bipolaire.
On peut avoir une vie normale, tout en étant bipolaire
Certes, on ne se sait pas guérir les troubles bipolaires. Néanmoins, il est possible de stabiliser la maladie en associant un traitement médicamenteux (stabilisateur d'humeur) et un suivi thérapeutique avec un psychologue clinicien ou un psychiatre. En outre, certaines thérapies ont prouvé leur efficacité. D'abord, les Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC), qui permettent au patient de déceler des comportements et des pensées inhabituels ou négatifs et à en réduire leur impact sur son humeur. La méthode EMDR (désensibilisation et reprogrammation par mouvement des yeux) qui permet dans certains cas d'espacer les phases de la maladie et de diminuer les doses des médicaments prescrits, est également recommandée par la Haute autorité de Santé (HAS) et considérée comme étant une méthode efficace. Enfin, l'art thérapie peut être une solution thérapeutique intéressante.
Ainsi, un certain nombre de patients savent gérer leur maladie, vivre avec et avoir une qualité de vie normale, précise l'association d'aide aux patients Argos 2001, qui organise la Journée mondiale contre les troubles bipolaires. Comme le souligne Anne Labbé, présidente de cette association, "il est clair que le patient doit s'imposer comme un véritable acteur de son rétablissement. Par ses actions et en apprenant à mieux se connaître, il va pouvoir agir positivement sur sa maladie."
Reste que la plus grande attention doit être portée à l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de troubles bipolaires. En effet, 30 à 50% des patients souffrent de déficits cognitifs (mémoire, attention, etc.), lesquels ont un impact négatif sur leur bien-être quotidien. De plus, plus de 8 patients sur 10 ont une mauvaise qualité de sommeil et plus de la moitié souffre d'insomnie. Aussi, le respect d'une bonne hygiène de vie est indispensable. "La base est de prendre soin de soi. Éviter tout ce qui peut perturber l'horloge biologique interne et faire attention à son sommeil", conseille le psychiatre Christian Gay. "Il est important d'avoir des routines de vie et de limiter les expositions aux situations de stress".
Informations pratiques sur les actions de sensibilisation et les conférences organisées en France : www.fondation-fondamental.org