E-cigarette : l'interdire, même dans les bars et les restaurants ?
Oui l’e-cigarette permet de réduire les risques liés au tabac, estime le Haut conseil supérieur de la santé publique. Mais, elle devrait être interdite dans tous les lieux publics.
Depuis des mois, l'e-cigarette divise. Les études scientifiques (pas toujours fiables) s'accumulent mais sans qu'aucun consensus ne se dégage. Aucune étude randomisée solide n'a ainsi, pour l'heure, pu démontrer l'efficacité de la cigarette électronique comme aide au sevrage tabagique. Mais en même temps, la question ne peut être éludée. Ainsi, un récent rapport britannique (Public Health England, 2015) se veut encourageant dans l'utilisation de la cigarette électronique comme moyen de réduction des risques du tabagisme, mais aussi comme outil permettant de conduire à l'abstinence nicotinique. En outre, nombre d'associations françaises de tabacologie, d'usagers d'e-cigarette et de professionnels de santé demandent, depuis plusieurs mois, une clarification du statut de la cigarette électronique et l'intégration en tant qu'outil de sevrage dans le Programme national de réduction du tabagisme.
C'est dans ce contexte que la Direction générale à la santé et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives ont conjointement saisi le HCSP pour une actualisation du précédent avis, qui était resté très prudent, en particulier du fait du manque de recul sur le sujet.
Réduction du risque de cancers. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le nouvel avis du HCSP n'est pas plus tranché. Certes, il reconnait que la cigarette électronique est bien moins novice que le tabac. "Par comparaison au tabac et à son mode de consommation privilégié (la combustion), les e-liquides présentent l'intérêt d'annuler, ou de significativement réduire, les risques de survenue de graves pathologies, de cancers principalement", précisent-ils. Par ailleurs, le HCSP observe que les utilisateurs de cigarette électronique consommant conjointement du tabac, réduisent leur consommation de tabac. En effet, selon le Baromètre santé 2014, 82 % des vapofumeurs déclarent que la cigarette électronique leur a permis de réduire leur consommation de tabac (diminution moyenne déclarée de 8,9 cigarettes par jour). "En diminuant la dose de tabac consommé, la cigarette électronique peut être considérée comme un outil de réduction des risques, au moins à court terme."
Oui elle peut aider à arrêter de fumer, mais... Pour autant, peut-elle présenter une nouvelle arme de sevrage, au même titre que les substituts nicotiniques ? Sur ce point, les experts pointent un manque de données scientifiques fiables. "Comme le montre la plus récente publication Cochrane (McRobbie et al., 2014), les essais comparatifs randomisés, seule méthodologie permettant d'affirmer ou d'infirmer l'efficacité de la e-cigarette comme outil d'abstinence tabagique, ne sont pas suffisamment nombreux pour établir une preuve scientifique indiscutable. Il n'en existe que deux à ce jour (Bullen et al., 2013 ; Caponnetto et al., 2013a)", détaillent-ils ainsi, avant de préciser que les données scientifiques sur les risques liées à l'utilisation de la e-cigarette ne sont pas suffisantes. Globalement, rares sont les études permettant "d'éclairer de manière quasi-indiscutable la balance bénéfices/risques que présente la cigarette électronique."
Néanmoins, le HSCP recommande dans ses conclusions, "d'informer, sans en faire publicité, les professionnels de santé et les fumeurs que la cigarette électronique est une aide à l'arrêt du tabac et un mode de réduction des risques du tabac en usage exclusif." Sauf que, dans le même temps, elle propose d'étendre l'interdiction d'utilisation à tous les lieux affectés à un usage collectif (cafés, restaurants, discothèques, etc.). Et ainsi d'aller plus loin que ce que prévoit la loi Santé (établissements scolaires, moyens de transport). Et cela"même si les risques liés au vapotage passif sont nuls ou extrêmement limités pour les tiers" dans des espaces fermés. Selon les experts, la cigarette électronique pourrait aussi "constituer une porte d'entrée dans le tabagisme" et induire "un risque de renormalisation de la consommation de tabac".
Une position somme toute étonnante, puisque d'un côté elle encourage les fumeurs à l'utiliser pour arrêter de fumer, mais que de l'autre, elle l'assimile à la cigarette en souhaitant limiter son usage dans tous les lieux publics. La Fivape (Fédération interprofessionnelle de la vape) n'a pas tardé à réagir : "jamais le HCSP n'ose tirer les conclusions qui s'imposent : la vape est un produit nouveau qui appelle à être accompagné et aidé plutôt que d'être stigmatisé, et ce face à la première cause de décès évitable dans notre pays. Quel autre dispositif que la vape peut aujourd'hui se targuer d'avoir sorti 400 000 Français de leur tabagisme, 1 million selon les chiffres de la Commission européenne ?"
En 2014, selon le Baromètre santé 2014, 25,7 % des individus âgés de 15 à 75 ans déclarent avoir déjà essayé la cigarette électronique. Ils sont 57,3 % à l'utiliser quotidiennement, 30% de manière hebdomadaire et 12,7 % moins souvent. La consommation concomitante de tabac et de cigarette électronique prédomine : 75 % des utilisateurs de cigarette électronique sont des fumeurs réguliers et 8,4 % des fumeurs occasionnels.