"Aimer le vin, c’est aussi avoir un grain de raison" : la campagne qui pousse le bouchon trop loin
Alors que la loi Evin vient d'être assouplie, une campagne pub de la filière viticole crée déjà la polémique. Et suscite le malaise des médecins.
Signée "Le vin. Je l'aime, je le respecte", cette campagne d'information est une première pour la filière viticole. Lancée ce 6 décembre par l'association Vin & Société, elle prétend faire connaître les repères de consommation "2,3,4,0", à savoir : 2 verres quotidiens maximum pour les femmes, 3 pour les hommes, 4 en une seule occasion, 0 verre une fois par semaine. Mais en réalité, elle joue sur l'ambiguité.
Repères obsolètes. La Haute autorité de Santé n'a pas tardé à réagir : "ces seuils sont ceux qui nécessitent de déclencher une intervention médicale", précise la HAS dans un communiqué du 8 décembre. Autrement dit, il ne s'agit en aucune façon de dire qu'en-dessous de ces seuils, la consommation d'alcool serait normale, recommandée ou exempte de risque, comme le laisse penser la campagne. Et de développer : les seuils mis en avant par la HAS sont des seuils d'alerte, au-dessus desquels les risques sont avérés : dommages physiques (complications hépatiques, cardio-vasculaires et neuropsychiatriques, cancers), psychiques ou sociaux. En outre, ces seuils ne peuvent pas s'appliquer à certaines populations, remarque la HAS : ni aux moins de 25 ans, ni aux femmes enceintes, ni aux malades chroniques, ni aux personnes âgées ou encore aux personnes sous traitement médical. Selon certains experts, comme Serge Herbercg, le président du programme national nutrition santé (PNNS), ces repères sont de toute façon obsolètes. "Le programme national nutrition santé est beaucoup plus restrictif que les repères cités, qui datent de 2001. On voit qu'il y a une utilisation détournée de données scientifiques pour pousser à une consommation d'alcool qui va à l'encontre des recommandations de santé publique", souligne-t-il à l'AFP.
Faciliter la publicité autour de l'alcool. Fin novembre, les députés avaient adopté un article du projet de loi de santé, visant à distinguer la publicité sur les boissons alcooliques, strictement encadrée depuis 1991, et l'information œnologique. Un assouplissement accueilli avec satisfaction par l'association Vin & Société, son président saluant "une avancée significative", mais en revanche très redouté par les professionnels addictologues. La gueule de bois n'est pas loin.