Souffrance psychique au travail : les femmes de plus en plus concernées
Le nombre de français souffrant de maladies psychiques liées à leur travail a augmenté au cours des cinq dernières années, touchant deux fois plus de femmes que d'hommes. C'est à cette détresse qu'est confrontée Isabelle Adjani dans le poignant "Carole Matthieu", au cinéma le 7 décembre. Elle y incarne un médecin du travail bouleversé par les méthodes de management inhumaines de son entreprise.
Troubles du sommeil, état dépressif, troubles anxieux, burnout… près d’un demi-million de français serait concerné par une souffrance psychique au travail. C'est la conclusion de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) suite à une étude menée sur la période 2007-2012 à partir de données issues du Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel. C'est cette terrible réalité que doit gérer Carole Matthieu dans le film du même nom, au cinéma le 7 décembre. Ce médecin du travail, incarné avec brio par Isabelle Adjani, prête une oreille attentive aux salariés qui expriment leur mal-être.
Les femmes deux fois plus touchées que les hommes. L'étude de l'InVS, publiée le 23 juin 2015, révèle une première conclusion majeure : les femmes sont plus nombreuses à subir une souffrance psychique liée au travail que les hommes. "Le taux de prévalence de la souffrance psychique liée au travail était deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes, quelle que soit l’année", explique ainsi l’InVS. Ces pathologies concerneraient ainsi 3,1 % des femmes actives et 1,4 % des hommes. Et ça ne semble pas s'arranger : en cinq ans, leur taux a augmenté plus fortement chez les femmes (+0,8 %) que chez les hommes (+0,3%).
Essentiellement des troubles anxieux et dépressifs. Jusqu’en 2010, l’InVS a principalement relevé des "épisodes dépressifs légers" mais à partir de 2011, les maladies les plus rapportées par les médecins du travail participant à l’étude ont été des troubles anxieux et des épisodes dépressifs mixtes, alliant stress, troubles du sommeil ou de l’appétit, tristesse ou encore grande fatigue. En parallèle, la proportion de burnout – ou syndrome d’épuisement professionnel – a elle aussi augmenté sur la période d’étude.
Principaux concernés : les cadres de plus de 45 ans. La prévalence des maladies de souffrance psychique augmente avec l’âge pour atteindre un maximum entre 45 et 54 ans. Au-delà de 55 ans, le nombre de ces pathologies stagne : "les salariés les plus âgés sont plus souvent écartés de la vie active, notamment pour longue maladie ou pour incapacité ou invalidité. Cet effet irait plutôt dans le sens d’une sous-estimation des taux de prévalence", précise néanmoins l’InVS. "Il n’est donc pas exclu que la prévalence puisse augmenter encore après 54 ans." Autre facteur déterminant : la catégorie socio-professionnelle. Les cadres seraient ainsi plus touchés que les ouvriers. Toutefois, il ne semble pas exister de différence selon les secteurs d’activités : tous les domaines seraient touchés de la même manière.
Une libération de la parole. Comment expliquer cette hausse ces cinq dernières années ? Par deux facteurs, selon l’InVS. Tout d’abord, les chercheurs ont relevé "une dégradation des conditions de travail [qui] n’affectait pas de manière homogène l’ensemble des salariés, les cadres faisant partie des groupes les plus touchés", selon une étude menée par des chercheurs de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) entre 2006 et 2010. Autre raison : une plus grande couverture médiatique de ces maladies autrefois taboues aurait augmenté la sensibilisation des salariés, libérant leur parole mais aussi celle de leur médecin du travail.
Le burnout comme maladie professionnelle : l'hésitation des élus. Alors que près d’un demi-million de français seraient concernés, "la souffrance mentale liée au travail ne figure dans aucun tableau de maladie professionnelle". De plus, en 2013, "moins de 250 salariés présentant cette pathologie ont été indemnisés", souligne le bulletin de l’InVS. Alors que l’Assemblée Nationale avait ajouté le burnout à la liste des maladies professionnelles en mai 2015, le Sénat a fait retirer cet amendement le 24 juin 2015. Une commission paritaire était chargée en juillet de trouver un accord sur la question. Depuis le 7 juin 2016, les pathologies psychiques, dont le burn-out, peuvent être plus facilement reconnues comme des maladies professionnelles. Un décret permet de faire appel à l'expertise d'un médecin psychiatre à tous les stades de la procédure de reconnaissance d'une affection psychique.