"Se sentir soignant quand le patient régresse"
Dans le nouveau film d'Alexandre Astier, "David et Madame Hansen", en salles le 29 août, Isabelle Adjani incarne une femme amnésique, triste et provocante, qui fait la rencontre de David, un ergothérapeute. Le psychiatre et psychanalyste Pierre Charazac répond à nos questions sur la prise en charge des personnes souffrant de troubles de la mémoire.
Lors de l'annonce du diagnostic d'un trouble de la mémoire, quelle est la réaction du patient ?
Les malades assurent généralement qu'ils vont très bien, qu'ils peuvent se débrouiller et s'occuper seuls de leurs affaires. Ils savent et ne savent pas en même temps ou ne veulent pas savoir. Ils sont dans le déni des troubles. La famille se défend aussi en prétextant que leur proche est capable de réciter l'intégralité du menu de son mariage. L'entourage entend mais n'accepte pas intérieurement. L'annonce du diagnostic ne se fait de toute façon pas en une seule fois mais progressivement. A chaque fois, c'est en effet un nouveau traumatisme. Il faut alors réexpliquer à la famille et au patient car la maladie évolue et les réactions aussi !
Quelles sont les aides indispensables au malade et à ses proches ?
Lorsque ce type de troubles de la mémoire est détecté, plusieurs aides sont nécessaires. Celle de base est l'intervention quotidienne, à domicile, d'un auxiliaire de vie et d'un infirmier ou aide-soignant. Dans les centres sociaux ou les résidences pour personnes âgées, il existe un accueil de jour qui permet à la personne de rompre sa solitude et de participer à diverses activités faisant intervenir la mémoire. Il y a également l'hôpital de jour qui apporte au malade des soins avec une équipe médicale. L'entrée en EHPAD (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) se fait à partir du moment où le patient présente des troubles du comportement (délires, fugues, déambulation, excitation...).
Quels moyens sont mis en œuvre en EHPAD pour prendre en charge les malades ?
Des traitements autres que les médicaments sont très importants dans la prise en charge du patient. Si la parole est riche, une psychothérapie peut être mise en place. L'ergothérapie est quant à elle essentielle et utilise différents supports tels que la lecture, la peinture ou l'écriture. Revenir sur la vie de chacun en faisant un historique permet d'entretenir la mémoire individuelle et est particulièrement utile au début de la maladie. Pour préserver la mémoire immédiate, des jeux intellectuels sont par ailleurs organisés.
Quelles sont les qualités essentielles du personnel soignant en gériatrie ?
La qualité essentielle est de savoir s'adapter aux besoins du patient âgé devenu dépendant. Concrètement, cela signifie savoir quand solliciter, stimuler ses capacités, comme c'est généralement le cas lorsque le déficit domine au niveau de la mémoire. Il faut également savoir à quel moment il a besoin d'être accompagné dans la régression. Régresser, c'est-à-dire faire marche arrière dans les acquisitions, est ce qui attend tout sujet chez qui a été porté le diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Il n'est pas toujours facile pour un soignant de se placer au niveau de son patient, surtout lorsqu'il en a beaucoup en charge. Cela lui demande une certaine souplesse comme celle d'un parent qui élèverait simultanément un enfant en bas âge et un adolescent. Apprécier la singularité et les besoins de chacun en fonction de sa personnalité, de son histoire et de son environnement est également très important.
Pierre Charazac est l'auteur de Soigner la maladie d'Alzheimer et de L'aide-mémoire de psychogériatrie aux éditions Dunod.