L'arrêt de travail pour une IVG médicamenteuse n'est pas justifié selon le syndicat des gynécologues

Selon la secrétaire générale du Syndicat des gynécologues, les IVG médicamenteuses ne justifient pas d'arrêt de travail. Mieux, elle conseille même aux femmes de la réaliser "un jour férié" ou de "poser un jour de congé". Retour sur la polémique.

L'arrêt de travail pour une IVG médicamenteuse n'est pas justifié selon le syndicat des gynécologues
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Les compétences des sages-femmes viennent d'être élargies par un décret publié le 5 juin. Nouveauté : elles peuvent désormais assurer les vaccinations de l'enfant et de son entourage, mais aussi et surtout, pratiquer l'IVG médicamenteuse. Une mesure qui s'inscrit dans la continuité des décisions prises par Marisol Touraine depuis 2012, pour améliorer l'accès à l'IVG, via une information accessible et un parcours de soins facilité. 

Mais ce décret a fait réagir le Syndicat des Gynécologues Obstétriciens de France (le Syngof). Celui-ci s'est ainsi fendu d'un communiqué de presse très critique vis-à-vis de cette évolution, qui de fait, ouvre aux sages-femmes le droit à la prescription d'un arrêt de travail (d'au moins 4 jours) à la suite d'une IVG. "Le Syngof fait remarquer que tout arrêt de travail relève d'une situation pathologique et que toute situation pathologique relève d'une prise en charge médicale par un médecin [...] La prescription d'un arrêt de travail, renouvelable une fois, apparaît comme les prémices d'une médecine pleinement exercée par une profession qui ne l'a jamais apprise, avec les risques que cela comporte pour les patientes."

Arrêt de travail après IVG : pas légitimes ? Le Docteur Elisabeth Paganelli, secrétaire générale du Syngof, a par ailleurs publié un commentaire sur la page Facebook du Syngof au sujet de ces jours d'arrêt de travail. La gynécologue, y explique qu'elle n'a "jamais prescrit 4 à 8 jours d'arrêt de travail pour une IVG médicale". Selon elle : "soit il y a une complication et la patiente a du être vue aux urgences gynécologiques pour hémorragie, et l'arrêt de travail est prescrit pour complications ; soit tout se passe bien et on propose à la patiente de choisir le jour de l'expulsion un jour férié avec un adulte, si possible le compagnon ou une amie, ou de poser un jour de congé". Et précise que "cela lui évite de donner un arrêt de travail à son employeur et de craindre de devoir s'expliquer avec ses collègues."  Selon elle, il s'agit là du "vrai" contexte de l'IVG en ville, celui qui "permet aux femmes de poursuivre au mieux leurs activités sans arrêt de travail et leur permet au mieux l'anonymat de l'acte." Mieux, la gynécologue termine sa publication par des propos des plus choquants : "si on considère que la femme est l'égale de l'homme au sein du travail et qu'elle puisse enfin être payée comme l'homme et avec égalité, il faut que les professionnels de santé évitent les arrêts de travail injustifiés à leurs patientes."

Des propos "graves". Il n'en fallait pas davantage pour enflammer les réseaux sociaux. La journaliste et médecin Marina Carrère d'Encausse a vivement réagit via une tribune sur le site de France Télévision sur "ces propos qui n'ont pas été tenus par un homme sexiste ignorant tout des femmes et de l'IVG, mais par une femme, médecin, gynécologue", écrit-elle, avant de poursuivre :"Ces propos sont graves, car ils font état d'une méconnaissance médicale de cette interruption volontaire de grossesse par l'absorption de médicaments (et qui peut être pratiquée à la maison). Or, à la suite de cet acte, les femmes peuvent, durant plusieurs jours, avoir mal, saigner, voire expulser de gros caillots de façon imprévisible ; elles ont même le droit de vivre difficilement cet acte sur un plan psychologique. Il peut être donc justifié de s'arrêter." Quant aux propos tenus au nom d'une volonté d'égalité entre les hommes et les femmes au travail, la journaliste signale : "faut-il rappeler qu'aucun homme n'a jamais demandé d'arrêt de travail pour une IVG..."

Clara De Bort, Directrice d'hôpital, a également rédigé une tribune "coup de gueule" dans L'Obs. Elle relève des propos paternalistes et rabaissants - mais communs et si faciles - pour les sages-femmes. Quant aux attaques concernant le jour de congé que les femmes seraient censées prendre après une IVG, elle écrit : "quand on a décidé d'avorter, on peut en avoir envie TOUT DE SUITE, ne vous en déplaise. On peut aussi tout simplement ne pas vouloir attendre le week-end, et préférer évacuer dès le lendemain, quand l'aîné est à l'école, le second à la crèche, voire le compagnon au boulot." Et de poursuivre : "Nous avons combattu le "délai de réflexion" préalable imposé aux femmes, mais voilà qu'il revient insidieusement en délai de négociation. Négociation avec le gynéco d'une part et avec l'employeur d'autre part."

La question de l'anonymat. Rappelons qu'en cas d'IVG, comme tout autre acte impliquant un arrêt de travail, le motif est uniquement communiqué à l'Assurance maladie. Le secret médical permet d'assurer la discrétion aux salariés. 

Mea culpa ? Face à la polémique, le Syngof a mis en ligne sur son site un 2e communiqué "IVG médicamenteuse : Stop à la polémique". Cette fois, il se félicite "que l'IVG médicamenteuse de ville puisse être réalisée par une représentation plus étendue du personnel médical, ce qui permet aux femmes d'y accéder dans les meilleurs délais et conditions". Et ajoute, sans plus de précisions, que "l'arrêt de travail est étudié au cas par cas." 

EN VIDEO : la campagne d'information nationale sur le rôle et les compétences des sages-femmes, lancée le 22 juin.