Les fumeuses plus exposées au cancer du sein
Les femmes fumeuses, et en particulier celles qui commencent à fumer tôt, présentent un risque accru de développer un cancer du sein. Explications de Laure Dossus, chercheuse à l'Inserm.
La semaine dernière, la Haute autorité de santé (HAS) a publié de nouvelles recommandations en matière de dépistage du cancer du sein. Après avoir étudié 69 facteurs de risques présumés du cancer du sein chez la femme, elle a fait le tri. Conclusion : seulement sept d'entre eux nécessitent un dépistage précoce, en plus de la mammographie dont les femmes bénéficient tous les deux ans dans le cadre du dépistage organisé. Objectif de la HAS : mieux dépister les femmes à risque, mais aussi écarter les facteurs de risque, qui peuvent inquiéter inutilement les femmes et donner lieu à des pratiques de dépistage non adaptées. La HAS a ainsi mis de côté certains facteurs de risque, dont le tabac, estimant le risque trop modeste pour nécessiter un dépistage accru.
Pourtant, c'est une réalité, les femmes fument de plus en plus et de plus en plus tôt.
Et si le sur-risque de développer un cancer du sein n'est certes pas suffisamment élevé pour donner lieu à une surveillance accrue des femmes fumeuses, il existe néanmoins un lien entre tabagisme et cancer du sein. Et ce lien, les femmes qui fument doivent le connaître. Nous avons donc demandé à Laure Dossus, épidémiologiste à l'Inserm et co-auteure d'une vaste étude épidémiologique européenne sur l'influence du mode de vie sur la survenue des cancers du sein de faire le point sur la question.
"Dans cette étude dont les résultats ont été publiés en avril dernier, nous avons observé une augmentation du risque de développer un cancer du sein chez les femmes fumeuses", nous confirme Laure Dossus. Ainsi, fumer augmente de 16 % le risque de développer un cancer du sein. Certes, il s'agit d'un sur-risque faible mais qui n'est pas négligeable compte tenu du nombre de cancers du sein déclarés chaque année. De plus, "les femmes qui fument beaucoup, soit plus de 15 cigarettes par jour, présentent un risque de cancer du sein encore plus important", précise la chercheuse. L'étude est venue de plus confirmer des données déjà suggérées : commencer à fumer jeune, entre 16 et 26 ans, ou avant une première grossesse, augmente même le risque de cancer du sein de 22 %. "On a plusieurs hypothèses pour l'expliquer, mais il se pourrait que la grossesse entraîne une modification des cellules du sein, les rendant alors moins réceptives aux cancérigènes", précise la chercheuse.
Autre conclusion de cette étude menée sur une cohorte d'environ 100 000 femmes volontaires françaises (cohorte E3N) suivies depuis 1990 : le tabagisme passif est lui aussi délétère. L'exposition passive au tabac augmente en effet de 10 % le risque de cancer du sein. Laure Dossus explique en effet avoir constaté "une association entre l'exposition passive au tabac et le risque de cancer du sein", même si le lien est "plus difficile à mesurer" et qu'il faudra le confirmer, modère-t-elle.
Pour conclure, si fumer ne nécessite pas de surveillance accrue en matière de dépistage du cancer du sein, reste que son lien avec le cancer du sein ne fait pas de doute. Encore un argument supplémentaire pour arrêter de fumer. D'autant plus que les femmes sont de plus en plus impactées par les conséquences du tabagisme sur leur santé, qu'il s'agisse des pathologies cardiovasculaires ou du cancer du poumon, dont l'incidence continue d'augmenter chez ces dernières.
Sources :
* Cancer du sein : quel dépistage selon vos facteurs de risques ?, HAS, 19 mai 2014.
* L.Dossus et coll. Active and passive cigarette smoking and breast cancer risk, Results from EPIC cohort, Int J Cancer, 15 avril 2014.