Les neurologues préviennent : compter son nombre d'heures de sommeil est une très mauvaise idée
L'orthosomnie décrit l'obsession d'avoir un sommeil "parfait". Vous ne pouvez pas résister à l'envie de connaître votre quantité de sommeil profond, lent, paradoxal ? Vous êtes visiblement concerné...
4h30 de sommeil léger, 1h30 de sommeil profond, 45 minutes de sommeil paradoxal... Chaque matin, c'est le même rituel : vous consultez votre poignet pour voir votre "score de sommeil" sur votre montre connectée. Vous vous sentez peut-être reposé, mais l'application vous dit que ce n'est pas suffisant. Vous souffrez peut-être d'orthosomnie. Ce terme, popularisé par une étude des Universités de Rush et Stanford, décrit l'obsession d'avoir un sommeil "parfait", obsession souvent alimentée par le fait d'avoir une montre connectée qui donne beaucoup d'informations... peut-être trop finalement ? Ironiquement, l'outil conçu pour améliorer le repos peut devenir une source majeure d'anxiété. Les spécialistes du sommeil alertent depuis plusieurs années contre cette dérive qui toucherait, 3 à 5% de la population.
L'orthosomnie transforme le sommeil, un processus biologique naturel et complexe, en une performance à atteindre. La quête du chiffre idéal mène à une véritable anxiété de performance nocturne. Si la montre indique un mauvais score de sommeil, l'inquiétude monte, ce qui augmente l'anxiété pour la nuit suivante et crée à terme un cercle vicieux où la peur de mal dormir engendre l'installation d'une insomnie chronique (appelée "insomnie psychophysiologique"). Mais ce n'est pas tout. Ces dispositifs ne sont que des outils d'estimation. Ils mesurent les cycles de sommeil et le rythme cardiaque à travers les mouvements, ce qui est très différent d'un diagnostic médical réalisé en laboratoire.
Le recours excessif à ces données peut masquer ou retarder la consultation d'un vrai spécialiste pour un trouble sous-jacent qui nécessite un diagnostic formel (comme l'apnée du sommeil ou le syndrome des jambes sans repos). Comme le soulignent les chercheurs dans la revue Journal of Clinical Sleep Medicine, s'appuyer sur des données imprécises pour modifier ses habitudes peut perturber encore plus le sommeil. Sur le long terme, un sommeil de mauvaise qualité peut rendre irritable, augmente les symptômes dépressifs ou anxieux et le risque de maladies cardiovasculaires.
Les spécialistes du sommeil sont formels : le meilleur indicateur de la qualité de votre repos, c'est votre ressenti subjectif le matin au réveil. Dans son livre "La solution sommeil : pourquoi votre sommeil est brisé et comment le réparer", le Dr Chris Winter, neurologue et spécialiste du sommeil, met en garde contre la confusion entre la fatigue et le "mauvais score". On peut se sentir en pleine forme malgré un sommeil court, ou être épuisé après huit heures si la qualité est mauvaise. C'est le corps qui sait, pas l'algorithme.
Pour vaincre l'orthosomnie et bien dormir, le Dr Winter et d'autres experts recommandent de se concentrer sur l'hygiène du sommeil (régularité des heures de coucher et de lever, obscurité dans la pièce du sommeil, fraîcheur), et non sur les pourcentages affichés par la montre. De faire confiance à son ressenti. "Si vous vous sentez alerte et fonctionnel dans la journée, vous avez bien dormi, peu importe ce que dit l'application". Enfin, si la montre représente un stress, il faut la mettre en mode "ne pas déranger" ou dans un tiroir et ne s'en servir que pour connaître l'heure.
