Les sismologues en alerte : un tsunami au coeur de l'océan capturé pour la première fois

Le satellite de la NASA fait un véritable cadeau : en combinant ses données avec celles des bouées océaniques et des sismographes, les scientifiques peuvent désormais créer des systèmes d'alerte bien plus précis.

Les sismologues en alerte : un tsunami au coeur de l'océan capturé pour la première fois
© puttipongsong - 123RF - Photo d'illustration

Le monde de la sismologie et de la prévention des catastrophes naturelles vient de connaître un bouleversement majeur. Pour la première fois, des chercheurs ont réussi à capturer une image haute résolution d'un tsunami en pleine propagation au milieu de l'océan. Cette prouesse technique, réalisée par le satellite SWOT de la NASA à la suite d'un séisme important, n'est pas qu'une simple photo. Elle révèle une structure énergétique complexe, modifiant les modèles physiques utilisés depuis des décennies pour prévoir l'arrivée des vagues destructrices sur nos côtes. C'est une information vitale car mieux comprendre la vague à son origine est la clé pour sauver des vies à l'approche du littoral.

"Je considère les données SWOT comme une nouvelle paire de lunettes, a déclaré Angel Ruiz-Angulo, auteur principal de l'étude et professeur à l' Université d'Islande . Auparavant, nous ne pouvions observer le tsunami qu'à des points précis de l'immensité de l'océan". Les modèles considéraient que les vagues majeures traversaient l'océan comme un seul bloc, sans se fragmenter. L'image de SWOT, qui cartographie la hauteur de la surface de la mer sur une bande de 120 km de large, montre tout le contraire : un réseau entrelacé d'énergie. Ce phénomène, appelé "dispersion", signifie que l'énergie des vagues se répartit entre les vagues de tête et les vagues de queue. En intégrant cet effet dans les prévisions, les scientifiques pourront mieux évaluer la vitesse, la hauteur et le moment d'impact des vagues lorsqu'elles approchent des ports et des plages.

Le phénomène a été observé suite à un séisme majeur de magnitude 8.8 survenu en juillet dernier dans la zone de subduction des Kouriles-Kamtchatka, le long de la côte orientale de l'Extrême-Orient russe, selon l'étude publiée dans la revue The Seismic Record. En haute mer, il n'y a pas de dégâts humains ou matériels. Les tsunamis ne sont dangereux qu'à l'approche des côtes, où la diminution de la profondeur de l'eau provoque l'élévation spectaculaire de la vague. En plein océan, un tsunami n'est qu'une petite ondulation (souvent de moins d'un mètre) de très longue période, indétectable à l'œil nu depuis un navire.

Cette visualisation représente le front du tsunami d'après les données de hauteur de la surface de la mer de SWOT © NASA/JPL-Caltech

La modélisation de la NASA montre une hauteur de vague de 45 centimètres. "Une vague de 45 centimètres peut paraître insignifiante, mais les tsunamis sont des vagues qui se propagent du fond marin jusqu'à la surface de l'océan. Ce qui ne mesure que 30 à 60 centimètres en haute mer peut se transformer en une vague de 9 mètres dans les eaux moins profondes du littoral". La zone Kouriles-Kamtchatka fait partie de la "Ceinture de feu du Pacifique" et est une région historiquement sujette à des séismes et tsunamis majeurs. Le risque d'autres tsunamis de cette ampleur est donc permanent.

Cependant, le satellite de la NASA fait un véritable cadeau : en combinant ses données avec celles des bouées océaniques et des sismographes, les planificateurs peuvent désormais créer des systèmes d'alerte bien plus précis. L'objectif n'est pas d'éliminer le risque, mais de le prévoir avec une exactitude sans précédent. Un tsunami généré dans l'océan Pacifique, comme celui des Kouriles-Kamtchatka, n'a généralement aucun impact direct et significatif sur les côtes de l'Europe.