Quand un médecin dit cette phrase, c'est qu'il doit changer de métier
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Quand un médecin dit cette phrase, c'est qu'il doit changer de métier

C'est une phrase à bannir du registre d'un soignant.

Pression, responsabilités, stress, charge émotionnelle, complexité des cas... Le métier de soignant est difficile et ne s'improvise pas tant l'humain y est central. La relation avec les patients comporte son lot de difficultés. Il faut savoir écouter, annoncer, expliquer, rassurer, accompagner, gérer les désaccords, les inquiétudes...

Un sujet, surtout, cristallise toutes les difficultés du métier de soignant et notamment de médecin : celui de faire face un jour ou l'autre à une situation de fin de vie ou de mort. Comme le rappelle le code de déontologie médicale, "le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage". La mort fait partie de son quotidien, c'est lui qui a la charge de rédiger les certificats de décès. Est-ce qu'il devient naturellement hermétique à la mort au fil des années ?

Non. Pour le Dr Pierre Socié, cardiologue aux Hôpitaux de Chartres (28) interrogé par L'Echo Républicain, la phrase "Si vous pleurez à chaque décès, il faut changer de métier" est à bannir du registre des médecins. Au contraire, selon ce praticien qui est aussi président d'un comité d'éthique "le jour où la mort d'un patient ne vous fait plus rien, alors, changez de métier". Le problème c'est qu'un tabou persiste sur l'impact de la mort chez les soignants : "L'impact est méconnu par les institutions et par les professionnels eux-mêmes. Ils sont tous confrontés un jour au décès d'un de leurs patients ce qui peut conduire à un traumatisme psychologique" dénonce le Pr Thibaud Damy, cardiologue, qui va proposer plusieurs conférences sur ce thème en 2025. 

"En tant que médecin et psychologue d'une équipe mobile de soins palliatifs, nous avons souvent entendu des collègues exprimer leurs difficultés dans ces situations (de fin de vie et de mort, ndlr), et ce, quelle que soit leur profession, médecins, infirmiers, aides-soignants…" partagent Stéphanie Träger et Lucile Rolland-Piègue, autrices du livre "Rester soignant devant la mort". Pour elles, "aborder le sujet de la fin de vie de façon concrète permet d'apaiser les soignants. C'est en osant échanger sur leurs émotions et questionnements qu'ils arrivent à trouver une posture professionnelle adaptée à ces situations".