On trouve 8 fois plus de supercentenaires dans ces deux départements français -et voilà pourquoi

Un chiffre impressionnant. Savez-vous combien il y a de personnes centenaires en France aujourd'hui ? 31 000 selon un état de la population publié récemment par l'Ined, soit trente fois plus qu'il y a 50 ans. "L'augmentation du nombre de centenaires depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale est spectaculaire. Autour d'une centaine en France en 1900 et encore limité à 200 en 1950, le compte s'établissait déjà à plus de 1 000 en 1970 pour atteindre plus de 8 000 en 2000. En moins de 25 ans ce nombre a encore presque quadruplé, dépassant 31 000 au 1er janvier 2024" détaille l'institut. Sous l'hypothèse d'une poursuite des tendances actuelles de la mortalité, l'Insee projette plus de 200 000 centenaires en 2070. Parmi ces centenaires, les années récentes ont vu s'imposer une nouvelle classe d'âges, les "105 ans ou plus" dont le nombre était estimé à près de 2 000 au 1er janvier 2023. Mais aussi les "110 ans ou plus" c'est-à-dire ceux que l'on appelle les "supercentenaires". "Dépasser cet âge reste un événement rare" souligne l'Ined "mais sa fréquence s'est à son tour fortement accrue dans les dernières décennies".

Une probabilité plus grande de devenir centenaire en France

Selon les dernières chiffres disponibles pour la France, 39 personnes sont décédées à 110 ans ou plus en 2022. Parmi elles, une "écrasante" majorité de femmes (38/39). Cette augmentation du nombre de supercentenaires en France et la prépondérance féminine se retrouve dans plusieurs pays du monde. Mais la France reste mieux placée par exemple que l'Angleterre-Galles. En 2020, le rapport du nombre de supercentenaires décédés à l'effectif des géné­rations 1906-1910 est de 2,4 pour un million alors qu'en France il s'élève à 6,9 pour un million. "Cet avantage à plus de 110 ans de la France rejoint les conclusions de Natalie Blanpain sur la probabilité plus grande de devenir centenaire en France comparée à 15 autres pays européens" souligne l'institut. Parmi les quatre personnes au monde reconnues comme ayant vécu plus de 118 ans, à côté d'une Américaine et d'une Japonaise, figurent deux Françaises : Jeanne Calment, la doyenne de l'humanité avec 122 ans et 5 mois, et plus récemment Lucile Randon, décédée en 2023 à près de 119 ans (118 ans et 11 mois).

Si on se penche plus précisément sur le territoire français, l'analyse de l'Ined fait ressortir des disparités concernant les supercentenaires. Globalement, d'un département à l'autre, en France hexagonale, on compte environ 5 supercentenaires pour un million d'habitants... sauf dans deux départements où on en compte 39 soit "près de 8 fois plus" souligne l'Ined. Ces deux territoires où on vit donc bien plus longtemps qu'ailleurs en France sont la Guadeloupe (44 supercentenaires) et la Martinique (36 supercentenaires). Cette différence par rapport à la France hexagonale "est d'autant plus surprenante que la Guadeloupe et la Martinique ont des espérances de vie à la naissance sensiblement inférieures à celle de l'Hexagone (en 2022, 83,5 ans pour les Guadeloupéennes et 82,8 ans pour les Martiniquaises contre 85,2 ans dans l'Hexagone)" note l'Ined.

Quel est leur secret de longévité ? Le climat ? Le mode de vie ? Deux hypothèses sont énoncées par l'Ined : le fait que ces populations soient essentiellement constituées de descendants d'esclaves ayant souffert de la traite négrière, "a pu conduire à une sélection des plus robustes et, ce faisant, peut-être celle de gènes de la longévité". Les remontées généalogiques effectuées pour la moitié des supercentenaires montrent qu'ils descendent tous d'esclaves. Deuxième possibilité, "le hasard de peuplement initial et son évolution dans un milieu insulaire" comme observé dans d'autres îles (Sardaigne, Ikaria en Grèce, Okinawa au Japon). Des études génétiques sont maintenant nécessaires pour confirmer ces différentes options.