Attention aux chenilles Lonomia, leur venin peut être mortel
Des nouvelles espèces de chenilles tueuses (Lonomia) représentant une "grave menace pour la santé humaine" ont été découvertes par des chercheurs en Amérique du Sud et en Guyane française. Explications.
[Mise à jour le 28 février 2023 à 18h02] Un article scientifique paru le 23 février dans le Public Library of Science (PLOS) met en garde contre les chenilles du genre Lonomia, qui constituent "une grave menace pour la santé humaine". Leur venin est mortel pour l'Homme si la prise en charge n'est pas immédiate. Ces chenilles tueuses sont répandues principalement en Amérique du Sud où plusieurs cas d'envenimation mortelle sont rapportés chaque année et en Guyane française. L'étude a mis en évidence l'existence d'une soixantaine d'espèces appartenant au genre Lonomia "et qui pourraient être responsables d'accidents graves chez l'humain" précise Rodolphe Rougerie, entomologiste et auteur de l'article publié dans le PLOS. C'est quoi la chenille Lonomia ? Où sont-elles présentes ? En France ? Quelles sont les conséquences du venin chez l'Homme ?
C'est quoi la chenille Lonomia ?
Les chenilles Lonomia appartiennent à un genre de papillon nocturne. Lonomia est un genre de chenille au sein duquel est reconnu à date une soixantaine d'espèces. Les chenilles de Lonomia vivent en colonie, par groupe de plus de 50 chenilles pour assurer leur protection. "Elles se camouflent mieux en masse sur un tronc et elles peuvent injecter davantage de venin si elles piquent ensemble" confirme Rodolphe Rougerie. Elles sont répandues principalement en Amérique du Sud où plusieurs cas d'envenimation mortelle (transmission de venin à un humain) sont rapportés chaque année. Elles sont inactives la journée, statiques sur des troncs d'arbres pour se protéger des prédateurs. "Les hypothèses font mention des oiseaux et des singes, d'où le fait que le venin est particulièrement puissant contre les primates" ajoute notre interlocuteur. Elles se "réveillent" la nuit et montent en haut des arbres pour se nourrir des feuilles. "On peut les repérer aux déjections qui s'accumulent aux pieds des arbres, poursuit l'expert. Quand elles ont fini leur développement, elles s'enterrent pour faire leur chrysalide aux pieds de l'arbre". Jusqu'ici, deux espèces appartenant au genre Lonomia étaient considérées comme responsables lors des accidents graves chez l'humain, les espèces Lonomia achelous et Lonomia obliqua. "Il s'avère qu'il existe en réalité une soixantaine d'espèces appartenant au genre Lonomia et qui pourraient être responsables des accidents concernant les Hommes" précise Rodolphe Rougerie.
Y'a t-il des chenilles Lonomia en France ?
Elles sont répandues principalement en Amérique du Sud et en Guyane française. Au Brésil, le ministère de la Santé a rapporté 1 930 cas entre 2001 et 2006 d'envenimation par les chenilles de Lonomia. En Colombie, le premier décès date de l'année 2000 et depuis, environ 10 cas par an sont signalés à l'Institut national de la santé. Des décès ont également touché le Pérou et l'Argentine. En Guyane française, trois cas d'envenimation par Lonomia ont été signalés au cours des 25 dernières années. "Nos résultats révèlent qu'il existe au moins 8 espèces appartenant au genre Lonomia présentes en Guyane française" indique Rodolphe Rougerie. "Le nombre d'espèces décrites au cours de la dernière décennie au sein du genre [Lonomia] a augmenté de 300% ce qui indique que la diversité du genre a été sous-estimée. [...] L'inflation du nombre d'espèces du genre et la découverte que d'autres espèces sont également susceptibles d'être très venimeuses suggère qu'il est peu probable que les deux espèces [à date reconnues comme responsables des accidents] soient les seules espèces impliquées dans les cas d'envenimation humaine" précisent les chercheurs de l'étude. Les chercheurs ont également remarqué que les chenilles Lonomia, à l'origine situées dans les zones forestières, se déplacent petit à petit vers les milieux urbains, près des maisons ou des plantations de palmiers à huile, ce qui pourrait en faire "un risque professionnel". Par ailleurs, la déforestation en Amérique tropicale augmente le risque d'accidents avec ces chenilles venimeuses pour les populations humaines.
Quels sont les effets du venin des chenilles Lonomia sur l'Homme ?
Les épines qui recouvrent leur corps contiennent du venin hémotoxique pour l'Homme. Il provoque un syndrome hémorragique sévère avec :
- hémorragie diffuse
- insuffisance rénale
- lésions cérébrales
- le décès dans les cas les plus graves
"L'envenimation par Lonomia obliqua peut être considérée comme un facteur de risque important pour le développement d'une insuffisance rénale aigue potentiellement mortelle, ainsi que pour le développement d'une insuffisance rénale chronique" souligne une étude publiée en 2006. Les accidents impliquant des humains proviennent lorsque la peau humaine entre en contact avec les épines qui recouvrent le corps de la chenille qui libère alors son venin. Ils surviennent généralement en journée lorsque des personnes se retrouvent en contact avec les chenilles au repos contre les arbres. "Une touriste américaine s'est envenimée au Pérou en marchant sur des chenilles du genre Lonomia. Elle s'en est sortie après une hospitalisation de plusieurs semaines" rapporte Rodolphe Rougerie. Si plusieurs cas d'envenimation mortelle (transmission de venin à un humain) sont rapportés chaque année en Amérique du Sud, aucun accident mortel n'a jamais été recensé en Guyane française.
Existe-t-il un traitement contre le venin ?
"Grâce aux informations fournies [par l'étude], les autorités sanitaires peuvent accroître la surveillance dans les zones à risque et concevoir des stratégies de réponse adéquates englobant l'énorme diversité des espèces [de chenilles tueuses]. Bien que les accidents avec des chenilles venimeuses ne soient pas (encore) considérés comme des maladies tropicales négligées, leurs schémas épidémiologiques correspondent à ceux-ci, en ce sens qu'ils affectent les communautés appauvries et font face à de grands défis en matière de diagnostic et de traitement" concluent les chercheurs qui insistent sur la nécessité de poursuivre les recherches sur le sujet. Il existe actuellement un antivenin produit au Brésil qui a fait ses preuves sur les deux sous-espèces référencées antérieurement à la publication de l'étude. Mais aucune donnée ne prouve actuellement qu'il est adapté aux nouveaux genres de chenilles Lonomia découvertes. "En Colombie, ils travaillent sur des anti venins. Pour cela, les scientifiques doivent récolter des chenilles pour synthétiser l'anti-venin, ce qui est déjà une première étape compliquée" souligne notre expert.
Merci à Rodolphe Rougerie, entomologiste, chercheur et conservateur sur les Lépidoptères (mites et papillons) au Muséum national d'Histoire Naturelle de Paris.
Sources :
- Les chenilles mortelles et venimeuses de Lonomia sont plus que les deux suspects habituels, Public Library of Science (PLOS), 23 février 2023
- Insuffisance rénale aiguë provoquée par la toxine des chenilles de l'espèce Lonomia obliqua, Toxicon, janvier 2006