Les enfants épileptiques sont souvent discriminés
En France, 100 000 enfants sont atteints d'épilepsie. Diagnostic, difficultés, recherche… Le point avec le Pr Sylvie Nguyen, neuropédiatre au CHRU de Lille.
Deuxième pathologie neurologique en France, l'épilepsie touche près de 600 000 personnes dans l'Hexagone. Parmi elles, 100 000 sont des enfants. Cette maladie d'origine cérébrale est liée à des décharges anormales et excessives d'influx nerveux dans le cerveau, et se traduit notamment par des crises imprévisibles, soudaines et souvent très brèves. Il en existe des formes très diverses et certaines sont d'ailleurs spécifiques de l'enfance. Pour le Pr Sylvie Nguyen, neuropédiatre au CHRU de Lille, "il est essentiel d'avoir un diagnostic précis pour déterminer le type d'épilepsie. Un avis auprès d'un neuropédiatre afin de préciser le diagnostic peut être demandé". En fonction de leur type d'épilepsie, les enfants sont ainsi suivis soit par un neurologue ou un médecin généraliste pour les formes les plus faciles à traiter, soit par un neuropédiatre pour les formes plus complexes, et ce de manière ponctuelle ou régulière. "Le problème est qu'il y a peu de neuropédiatres en France. Or, un enfant épileptique peut être bien diagnostiqué s'il a accès aux professionnels. Malheureusement, tous les enfants n'ont pas la chance d'habiter une région où il y a des spécialistes de l'épilepsie", affirme le Pr Nguyen.
La plupart des enfants épileptiques (70 à 75%) bénéficient d'un traitement médicamenteux, avec plus ou moins d'effets indésirables selon les enfants. Mais dans 30% des cas, l'épilepsie est considérée comme pharmaco-résistante. Dans ce cas-là, si les crises sont liées à une région focalisée du cerveau, une chirurgie de cette zone est alors réalisée. De plus, un régime cétogène, c'est-à-dire sans sucre, peut également être prescrit à l'enfant.
Le problème de l'épilepsie est l'idée que l'on s'en fait. "La majorité des enfants épileptiques, c'est-à-dire ceux qui ont des formes légères de la maladie avec des crises irrégulières, vont à l'école. C'est variable, mais cela se passe souvent très bien. En général, les enseignants et les camarades de classe sont informés de la maladie et personne ne s'affole. C'est par ailleurs plus facile lorsqu'il y a plusieurs enfants touchés par la maladie dans une même école. Il faut toutefois savoir que la plupart des enfants épileptiques font peu de crises en classe. Cela arrive à la limite une fois dans l'année", note le Pr Nguyen. En fait, leur principale difficulté réside dans l'apprentissage. Ce sont parfois des enfants qui vont avoir tendance à être plus agités, moins attentifs, etc., en classe que les autres écoliers. Mais ce n'est pas la seule difficulté. "La perception par l'entourage a également un rôle important. Ces enfants sont souvent discriminés lorsqu'il s'agit de participer à des activités sportives, à des voyages scolaires…" Et ces discriminations sont partout. Dans le Gard, une directrice de crèche avait par exemple expulsé en janvier 2016 une petite fille de 2 ans qui souffrait d'épilepsie. Le courrier de l'établissement reçu par les parents indiquait qu'il était trop compliqué de s'occuper de leur fille, à cause de sa maladie, rapportait l'AFP. Pour la neuropédiatre, "ce type de situation arrive partout et a lieu plus ou moins ouvertement. Pour expliquer un refus, certaines personnes assurent qu'elles n'ont pas de place, tandis que d'autres mettent clairement en cause la maladie. Ainsi, les parents ont souvent des difficultés importantes à trouver un mode de garde".
Traitements, consultations, hospitalisations… Comme tous les parents d'enfant malade, les parents d'enfant épileptique sont confrontés quotidiennement à la maladie. S'ils peuvent être inquiets de l'avenir, "il faut qu'ils continuent à s'occuper de leur enfant, qu'ils le laissent grandir pour le laisser s'épanouir. Il ne faut pas que l'enfant ressente leurs angoisses". Mais les parents doivent aussi gérer le regard des autres et notamment la peur que génère la maladie dans l'entourage. C'est pour cela qu'il est essentiel d'informer et d'expliquer la maladie aux proches et à l'entourage de l'enfant. C'est ainsi important qu'ils soient en contact avec la famille. Pour le Pr Nguyen, "le problème de l'épilepsie est l'idée que l'on s'en fait".
Quel avenir pour l'épilepsie ? Le ministère de l'Education nationale a constitué en septembre dernier un comité de pilotage, auquel participe la Fondation française pour la recherche sur l'épilepsie (FFRE), afin de réaliser un document intitulé "Accueillir et accompagner un élève atteint d'épilepsie". Emmanuelle Allonneau-Roubertie, directrice générale de la FFRE précise que celui-ci doit être adressé prochainement à l'ensemble des enseignants de France. Par ailleurs, plusieurs recherches sur l'origine de l'épilepsie, sur de nouveaux traitements ayant par exemple moins d'effets secondaires, etc., sont actuellement menées. "On manque aussi de données épidémiologiques sur l'épilepsie. Un travail est ainsi en cours afin d'avoir une vision plus objective du nombre d'enfants épileptiques dans l'Hexagone et de leur évolution. Un annuaire des spécialistes de l'épilepsie à destination des parents est également en cours de réalisation".