Un fonds d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine

L'Assemblée nationale a donné son feu vert à la création du fonds d'indemnisation pour les victimes de l'antiépileptique Dépakine.

Un fonds d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine
© SIPA PRESS

La création de ce fonds d'indemnisation avait été annoncé en août dernier par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, à la suite de la publication d'une étude de l'Assurance maladie, selon laquelle plus de 14 000 femmes ont été exposées à la Dépakine entre 2007 et 2014.

L'objectif de ce fonds, voté par les députés mardi 15 novembre, est d'indemniser les dommages imputables au valproate de sodium, la molécule contenue dans la Dépakine ainsi que dans ses formes génériques. "Ce sont des femmes, leurs enfants, leurs familles qui sont directement touchées, des femmes qui parfois n'ont d'autre choix que de prendre de la Dépakine", a expliqué la ministre de la Santé Marisol Touraine, affirmant que "l'Etat prend ses responsabilités" pour "réparer les conséquences du passé".

Comment demander une indemnisation Concrètement, ce dispositif devrait faciliter les procédures d'indemnisation. L'amendement stipule que "toute personne s'estimant victime d'un préjudice à raison d'une ou plusieurs malformations ou de troubles du développement imputables à la prescription avant le 31 décembre 2015 (...) peut saisir l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam)." Selon l'AFP, un comité d'expert sera chargé de statuer sur "l'imputabilité" des dommages et le cas échéant, transmettra le dossier au comité d'indemnisation, pour qu'il se prononce "sur la responsabilité des professionnels ou établissements de santé, de l'exploitant ou de l'État au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire, dans un délai de trois mois", les personnes ou entités dont la responsabilité est reconnue ayant alors un mois pour faire une offre d'indemnisation. En cas d'offre insuffisante ou en l'absence d'offre, l'Oniam indemnisera directement les victimes puis se retournera devant le ou les responsables.

Réactions. Dans un communiqué, l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (Apesac) s'est félicitée du dispositif proposé. Selon sa présidente Marine Martin, "l'indemnisation doit être versée en premier lieu par le laboratoire qui reste le principal responsable". Elle est cependant "réservée sur la possibilité d'une indemnisation par l'Etat en cas de refus de Sanofi-Aventis France". Le laboratoire Sanofi qui commercialise depuis 1967 la Dépakine a indiqué dans un communiqué, être "prêt à répondre aux demandes d'expertises médicales qui seraient organisées dans le cadre de ce dispositif". L'amendement adopté "ne préjuge en rien des responsabilités des différents acteurs qui pourraient être concernés", a ajouté le laboratoire, tout en se disant "conscient des difficultés des familles concernées par ces situations".

Scandale sanitaire. Rappelons que la Dépakine expose à deux types de risques : risque de malformation congénitale (environ 10 % des cas) et risque de troubles neurocomportementaux, dont l'autisme (risque augmenté de 30 à 40 %).

Mais le problème, c'est le défaut d'information vis-à-vis de ces risques. De fait, les risques de malformation congénitale pour le fœtus étaient connus depuis les années 80. Quant à l'impact délétère sur le développement cognitif et comportemental des enfants exposés in utero, il est attribué avec certitude dès la fin des années 2000. Pourtant, il faut attendre 2010 que les risques soient explicitement mentionnés dans les notices. L'ANSM a quant à elle attendu juin 2015 pour renforcer les conditions de prescription et de délivrance de ce médicament, avec notamment la mise en place d'un "accord de soins" signé par la patiente. 

Entre 2007 et 2014, 14 322 femmes enceintes ont été exposées à la Dépakine, selon une étude réalisée par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la Caisse d'assurance maladie (CNAMTS). Début 2016, l'Inspection générale des affaires sociale (Igas) avait fait état de 450 malformations congénitales à la naissance entre 2006 et 2014. L'Igas avait dénoncé l'"inertie" des autorités sanitaires françaises et du laboratoire Sanofi, qui commercialise le produit, et précisé qu'à partir de 2003-2004, l'accumulation des signaux justifiait des mesures d'information des autorités sanitaires nationales et de l'agence européenne à l'attention des médecins et des patientes.