Laurie-Anne Sapey-Triomphe, une chercheuse sur la piste de l'autisme
Elle vient de recevoir la bourse annuelle L'Oréal-Unesco pour ses travaux en neuro-sciences. La jeune chercheuse Laurie-Anne Sapey-Triomphe nous parle de sa thèse passionnante sur l'autisme.
Laurie-Anne Sapey-Triomphe est l'une des 20 doctorantes lauréates de la bourse scientifique L'Oréal-Unesco. Chaque année depuis 2007, de jeunes chercheuses talentueuses sont ainsi récompensées via ce programme dont l'objectif est d'ouvrir les métiers de la science aux femmes et de promouvoir la parité hommes/femmes dans les postes à responsabilité.
Sa féminité, Laurie-Anne ne l'a toutefois jamais ressentie comme un frein. "En biologie, il y a des problèmes de sexisme comme partout, mais contrairement à certaines disciplines, comme les mathématiques ou l'informatique, on a la chance d'avoir la parité hommes/femmes, affirme-t-elle. En revanche, il est vrai que j'ai constaté lors de conférences qu'il y a toujours plus d'hommes que de femmes sur scène. Je pense que c'est lié à un effet générationnel. Dans 30 ans, cela devrait évoluer, je suis optimiste…"
Bac S, prépa Bio, puis Ecole normale supérieure spécialité neurosciences… Même si son parcours fait rêver, ce n'est pas par vocation que cette jeune femme de 27 ans s'est tournée vers les sciences. " Je ne suis pas issue d'une famille de scientifiques, on m'a surtout encouragée à faire mes choix en fonction de ce qui me plaisait. En fait, je ne me suis pas mis de barrière, ma philosophie était de me dire que tout est possible." Au cours de ses études, elle se passionne pour de nombreuses disciplines : les sciences, mais aussi le journalisme ou encore l'enseignement.
"Je ne porte pas de blouse blanche !"
"J'ai eu du mal à choisir... Mais au final, si j'ai choisi les sciences, c'est justement pour pouvoir combiner plusieurs disciplines à la fois : être chercheur, contrairement à l'idée que l'on peut parfois s'en faire, c'est être amené à rédiger, à enseigner, à vulgariser… mais aussi à voyager et à pratiquer l'anglais dans le cadre de congrès à l'étranger. C'est une matière très complète et qui m'apporte en tout cas un certain équilibre. Les gens ont souvent à l'esprit le biologiste qui passe sa vie derrière sa paillasse… mais ce n'est pas que cela, d'ailleurs je ne porte pas de blouse blanche !"
Son sujet de prédilection, ce sont les neurosciences. "Cela me plaît de comprendre comment fonctionne le cerveau et comment une toute petite modification peut causer des troubles importants comme la maladie d'Alzheimer." C'est cette curiosité, des rencontres avec des professeurs inspirants, puis avec des patients au cours de ses stages, qui l'ont amenée à faire de l'autisme son sujet de thèse. "L'autisme est un trouble du développement cérébral mal expliqué, où plusieurs théories s'affrontent, il reste tellement de choses à découvrir…"
Cette thèse justement, comment la résumer en quelques mots ? "L'objectif de ma thèse est de comprendre comment les personnes autistes perçoivent le monde extérieur et se créent des représentations propres." Et l'hypothèse de la chercheuse, c'est que les personnes autistes ont en fait une hypersensibilité qui influence leurs perceptions et leurs représentations mentales. Au sein du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, à l'Université de Lyon 1, elle a mené six études (enquêtes, expériences comportementales, études en IRM), dont les résultats soulignent une perception atypique dans les troubles du spectre de l'autisme. " Par exemple, lorsqu'une personne sourit, on perçoit une image principale (une forme en croissant), que l'on interprète de manière globale, donc positivement. En revanche, une personne autiste a plus de mal à le décoder parce qu'elle a mémorisé chaque type de sourire de façon indépendante. Ainsi, lorsqu'une personne lui sourit, elle a besoin d'un temps pour interpréter son sourire, ce qui peut être déstabilisant. "
Mieux comprendre cette hypersensibilité pourrait améliorer la description des troubles du spectre autistique (TSA), tout en ouvrant la voie à des prises en charge et accompagnements plus adaptés et intégrant mieux ces personnes au niveau social et professionnel. Par exemple, les thérapies comportementales. "J'ai remarqué que lorsque j'explique à une personne autiste qu'elle perçoit les choses différemment, cela provoque une prise de conscience, qui l'aide à moduler ses réactions. Par ailleurs, les recherches de Laurie-Anne Sapey-Triomphe pourraient sans aucun doute aider à sensibiliser le grand public aux problématiques de l'autisme. Les proches pourraient jouer sur cette hypersensibilité en diminuant la quantité d'informations qu'ils communiquent, par exemple en bougeant moins lorsqu'ils parlent."
La suite ? "J'envisage de faire un post-doctorat à l'étranger, peut-être en Californie, pour découvrir de nouvelles techniques et d'autres approches pour mieux comprendre l'autisme..."