Inquiétude autour de la prescription du psychotrope Abilify
L'Agence du médicament demande aux médecins de ne plus prescrire aux enfants autistes de l'Abilify. Ce psychotrope utilisé hors AMM est accusé d’amplifier les idées suicidaires des jeunes patients.
[Edit du 06/04/2016] L'Agence du médicament (ANSM) vient de lancer une mise en garde contre la prescription à des enfants autistes de l'Abilify et de ses génériques. "A la demande de l'ANSM, une lettre aux professionnels de santé a été envoyée en mars 2016 par les laboratoires commercialisant une spécialité à base d'aripiprazole en France", indique le communiqué. Il y est rappelé "les indications approuvées en France et en Europe ainsi que les précautions d'emploi liées au risque de suicide". Dans le communiqué, l'ANSM précise également avoir interrogé les laboratoires "sur les mesures qu'ils pourraient prendre" pour réduire les risques liés à un usage pour des pathologies non autorisées. Un suivi national a par ailleurs été mis en place.
L'association Vaincre l'autisme a demandé en février dernier dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, l'ouverture d'une enquête sur la prescription grandissante de l'Abilify à des enfants et adolescents autistes. L'association a également demandé la suspension préventive immédiate de la prescription de ce médicament en cas d'autisme.
Des témoignages "alarmants". L'Abilify, dont la substance active est l'aripiprazole, est un médicament indiqué dans les cas de schizophrénies et de troubles bipolaires dont le traitement ne doit pas durer plus de 12 semaines chez les jeunes de plus de 13 ans. Mais cet antipsychotique serait aussi prescrit à des enfants et adolescents autistes pour stabiliser leurs humeurs. Or, cette prescription se fait hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Le président de l'association Vaincre l'autisme, M'Hammed Sajidi, a expliqué dans la lettre adressée à la ministre que d'après ses informations, "ce traitement est donné à un nombre croissant d'enfants, dont les plus jeunes ont à peine 5 ou 6 ans". Celui-ci fait d'ailleurs état de témoignages "alarmants". Parmi eux, le cas de Yassine, un jeune autiste de 13 ans qui s'est défénestré en 2015. Sa famille attribue son suicide à l'Abilify qui a été "préconisé par son médecin référent et prescrit par ses médecins traitant", explique le courrier. Le jeune homme s'est ainsi vu prescrire ce médicament sur une période plus longue que celle "préconisée sur toutes les notices et sans aucune information au sujet des effets indésirables de ce psychotrope utilisé sur de nombreux enfants autistes".
Une surveillance rapprochée des patients à risque. Dans un précédent point d'information, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) rappelle que "la sécurité et l'efficacité de ce médicament n'ont pas été établies" dans le cadre de l'autisme, "notamment chez les patients de moins de 18 ans". De plus, "les risques de comportements suicidaires sont des effets connus et mentionnés dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et qui nécessitent une surveillance rapprochée des patients" à risque. L'ANSM rapporte par ailleurs qu'au niveau international "depuis la commercialisation de l'aripiprazole en 2002, 7 cas de suicides et 137 cas de comportements/idées suicidaires ou de tentatives de suicide ont été rapportées chez des enfants et adolescents âgés de 3 à 17 ans".