Des conséquences physiques et psychologiques considérables en cas d'inceste
Louise, 32 ans, a été victime d'inceste entre l'âge de 9 ans et 17 ans. Elle raconte son calvaire, les conséquences sur sa santé, les difficultés pour se reconstruire et sa volonté de se battre pour que son père soit reconnu coupable.
[Mise à jour, 14/05/2018] L'association AIVI, qui défend les victimes de l'inceste, souhaite que ce fléau de santé publique soit enfin considéré comme un crime, et non comme un délit. Alors qu'un amendement vient d'être déposé au gouvernement pour mettre en place un Plan Inceste, l'association rappelle que l'inceste est encore tabou en France. En effet, les chiffres sont frappants puisque 4 millions de personnes en ont été victimes au cours de l'enfance (une femme sur cinq et un homme sur dix). Par ailleurs, 83 % des victimes d'agression sexuelle disent n'avoir jamais été protégées (ni par la police, ni par leurs proches) et à peine 1% des agresseurs sont condamnés pour viol. Les conséquences à long terme sont elles aussi terribles : une victime sur deux a des conduites addictives, quatre sur dix ont fait une tentative de suicide et le risque de cancer est augmenté de 21% à l'âge adulte chez les mineurs qui en sont victimes. Pour Louise, aujourd'hui âgée de 34 ans, tout a commencé alors qu'elle n'avait que 9 ans. Ses parents étant divorcés, elle se rendait en vacances chez son père. "J'ai été violée tous les soirs, à chaque vacances scolaires pendant 8 ans", confie la victime au Journal des Femmes*.
Des impacts sur la santé, à long terme
Selon les résultats d'une étude américaine réalisée en 2014 (étude ACE), plus les traumatismes dans l'enfance se cumulent, plus les conséquences à l'âge adulte sont graves. L'inceste étant un acte souvent récurrent, les répercussions sont à la fois psychologiques et physiques. "Quand vous avez une fragilité et que vous avez subi des traumatismes répétés (qui durent souvent des années), vous déclenchez des maladies", explique Gérard Lopez*, psychiatre et membre du comité scientifique de l'AIVI. Ainsi, 8 victimes d'inceste sur 10 ont vécu plus de 4 traumatismes durant leur enfance. Pour ces personnes, le risque de tabagisme est doublé, le nombre de tentatives de suicide est multiplié par 15, et de manière générale, on note une augmentation considérable de cas d'obésité, de dépression, de consommation de drogues et d'alcool, ou encore de MST... Ces conséquences sur la santé sont d'ailleurs confirmées par Louise. "J'ai développé une maladie de Verneuil, j'ai été opérée 16 fois, et suite à des problèmes d'obésité, je viens de me faire opérer pour mettre un bypass car je pesais 114 kg et que je n'arrivais pas à maigrir", explique-t-elle. Quelques années avant, la jeune femme a même fait une tentative de suicide.
Comment se reconstruire psychologiquement ?
Louise, a occulté ce traumatisme pendant des années, en étant dans le déni, "pour survivre". A l'âge de 17 ans, elle fait une dépression, se fait suivre psychologiquement. Et si elle ne s'est jamais confiée à son entourage, c'est tout simplement parce que le sujet est tabou au sein de la famille, mais surtout par crainte que la situation n'empire davantage, car son père la menaçait en ce sens. "En janvier 2014, tous ces souvenirs remontent à la surface. C'est toute une vie qui s'effondre (bien qu'elle était déjà très fragile)", témoigne-t-elle. Elle finit par porter plainte contre son père en octobre 2014 et espère aujourd'hui mettre un mot sur ce traumatisme en qualifiant tout simplement son bourreau de "Coupable". Pour Hélène Romano*, psychologue et membre du comité scientifique de l'AIVI, nommer l'inceste et parvenir à dire que l'on en a été victime, permet de déculpabiliser et de se reconstruire. Elle parle d'ailleurs de "génocide identitaire" car "l'inceste est un poison et les victimes vivent hors du temps avec ce traumatisme qui continue d'être actuel, même 30 ans après". En effet, les conséquences psychologiques vont plus loin puisque chaque événement et étape de la vie (adolescence, grossesse, accouchement...) est fragilisé. D'ailleurs, les victimes d'inceste ont souvent peur de devenir parent, ne se sentant pas capable de protéger leur enfant. D'autant que l'inceste touche directement la filiation. "Lorsque nos propres parents nous trahissent, comment faire alors confiance aux adultes ?" Par ailleurs, "dans les cas où le père commet un acte incestueux envers son enfant, ce dernier est contraint de porter le nom de son agresseur tout au long de sa vie". Il faudrait donc permettre à ces victimes de changer de nom, précise la psychologue.
Qu'en est-il de l'entourage ?
Pour Hélène Romano, auteure de l'ouvrage "Quand les mères ne protègent pas leur enfant", l'entourage est souvent au courant de ce qu'il se passe. Mais différents profils existent : la mère qui n'est réellement pas au courant et qui ne voit pas le mal-être de son enfant, celle qui n'a pas voulu voir, ou celle qui aide son enfant et le défend. Parfois, ce sont des personnes extérieures (cousins, fils du conjoint...) qui dénoncent la situation incestueuse. "Et lorsque les mères, même 50 ans après les faits, demandent encore à leur enfant de se taire sur ce qu'il s'est passé, elles tuent psychiquement la victime". Il est donc indispensable de leur faire comprendre que leur enfant a besoin que leur mère retrouve ses capacités protectrices, même des années plus tard.
* Propos recueillis en décembre 2015 par le Journal des Femmes.