Pourquoi on a tant de mal à quitter un groupe WhatsApp (alors que ça nous épuise mentalement d'y rester)
Les groupes WhatsApp imposent une immédiateté. Si on ne répond pas de suite, si on reste en retrait, on est oublié ou mal vu... Cette contrainte crée un rapport addictif jusqu'à saturer notre cerveau.
On crée des groupes WhatsApp avec sa famille, ses collègues, plusieurs cercles d'amis… Aussi pratiques soient-elles, ces conversations peuvent se révéler envahissantes et épuisantes. Selon une étude américaine menée par le Secure Data Recovery et relayée par le HuffPost, 42% des Américains estiment que le fait d'appartenir à un groupe WhatsApp représente un travail supplémentaire et 66% d'entre eux se sentent dépassés par ce flot ininterrompu de notifications, de messages et d'emojis. Toujours selon l'étude, un Américain passe en moyenne 26 minutes par jour à lire les messages et à y répondre. Chronophage, n'est-ce pas ?
"On se comporte avec notre téléphone comme un alcoolique avec un verre de vin"
Avec WhatsApp, on est contraint à la perpétuelle immédiateté de l'échange. Le sigle "vu" informe les autres membres du groupe de l'heure de notre dernière connexion, nous sommant de répondre. Or, cette obligation permanente à la sociabilité nous épuise et suscite de l'anxiété. "Certes, on est des êtres sociaux mais à l'instar des autres instincts et besoins humains, la sociabilité n'est pas un besoin constant et elle ne doit pas le devenir. C'est comme si on nous contraignait à manger, à dormir ou à avoir des rapports sexuels alors qu'on n'en ressent pas le besoin", commente Véronica Olivieri-Daniel, psychologue clinicienne à Paris.
Cette contrainte à la continuité engendrée par les groupes WhatsApp crée un rapport addictif, alors même que le smartphone en soi est déjà un objet addictif. "Aujourd'hui, on se comporte avec notre téléphone comme un alcoolique avec un verre de vin, on se dit "ce sera le dernier", "j'arrête pendant le week-end". C'est devenu un outil dont on dépend et comme toute dépendance, on en abuse et cela déborde du besoin que l'on peut en avoir. Le fait que le téléphone soit un réceptacle permanent de notre univers social rend la chose d'autant plus insupportable", continue-t-elle.
Quitter un groupe WhatsApp "réveille notre peur du rejet"
Lorsque l'on quitte un groupe WhatsApp, un message est automatiquement envoyé aux autres membres du groupe, ce qui réveille notre peur du rejet. "Comme dans la société, si on ne parle pas, si on reste en retrait, on est oublié plus que rejeté. Le fait de se soustraire d'un groupe WhatsApp implique donc de ne plus exister dans cet univers social abstrait. Si on ne répond pas, si on ne participe pas, on ne nous invitera plus", indique la spécialiste.
C'est exactement comme dans un univers social normal lorsqu'on nous invite à une fête et qu'on refuse toujours, au bout d'un moment on ne nous invite plus. La seule différence réside dans le fait que ce n'est pas un vrai échange qui fait appel aux cinq sens mais un échange immédiat, éphémère, non sensoriel et qui s'inscrit dans la continuité. "Être celui qui ne répond pas revient à être sorti du groupe et revenir à l'intérieur de celui-ci demande un peu de courage parce qu'on a été absent jusqu'alors. Ce sentiment d'épuisement provient de toute forme de contrainte à quelque chose dont on n'a pas besoin en permanence", précise la psychologue clinicienne.
Comment éviter de faire un "burn-out" WhatsApp ?
Certaines personnes se sentent tellement asphyxiées par ces conversations omniprésentes qu'elles n'ont pas d'autres choix que de les quitter. Pourtant, en pratique, cela peut se révéler difficile à assumer tant on a peur du regard des autres. Pour limiter l'emprise, il convient :
- d'identifier les conversations qui méritent d'être suivies à nos yeux car il est inutile de maintenir un dialogue avec des gens à qui on n'a rien à dire dans la vraie vie
- se contenter de répondre à la question initiale qui a été posée
- de mettre le groupe en silencieux voire le quitter complètement pour les plus téméraires quand les 250 notifications suivantes ne nous concernent pas.
"Quand on est sur une place publique, ce qui se passe à l'autre bout de la place ne nous concerne pas. Eh bien là, c'est la même chose ! On participe à un groupe mais tout ne nous est pas adressé. Si on reste par simple peur de l'exclusion, on se contraint à une chose pour laquelle on n'éprouve pas de désir", illustre Véronica Olivieri-Daniel.