L'ophtalmologie : un secteur menacé
Le nombre d'ophtalmologistes ne cesse de diminuer tandis que la population française augmente et vieillit. Voici l'étonnant paradoxe auquel doit faire face le gouvernement. Déserts médicaux, démédicalisation de la filière visuelle, confusion des genres entre médical et commercial : le point sur cette situation préoccupante.
Plus de 100 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, telle est l'estimation du Syndicat National des Ophtalmologistes Français (SNOF). Ces délais de prise en charge qui explosent sont la conséquence d'une population vieillissante, dont les besoins augmenteront de 30% d'ici 2025, et du nombre de praticiens en chute libre (à l'inverse, moins 30% d'ici 2025). L'avenir de la filière semble d'autant plus menacé qu'un ophtalmo sur deux n'est pas remplacé lors de son départ à la retraite : 240 chaque année contre seulement 120 internes en médecine formés à cette spécialité. Selon un sondage SNOP/IFOP (janvier 2013), 93% des Français estiment que cette situation risque de conduire aux déserts médicaux. Pour faire face à cette pénurie, une délégation des tâches s'impose : une collaboration avec les orthoptistes (spécialiste du dépistage, de la rééducation et de la réadaptation oculaires) est envisagée.
En face, les opticiens-lunetiers souhaitent profiter du marché potentiel qui s'ouvre à eux : ils demandent qu'on les autorise à dépister certaines pathologies oculaires ainsi qu'à renouveler les ordonnances de lunettes et de lentilles correctrices, sans que leurs clients aient besoin de prendre rendez-vous avec leur ophtalmologiste. Une proposition de loi visant à faire reconnaître l'optométrie dans ce sens a d'ailleurs été déposée. Les risques ? Une démédicalisation de la filière visuelle au péril de la santé des Français ainsi qu'une confusion des genres entre prescription et vente. A l'occasion du 119e congrès de la Société Française d'Ophtalmologie (SFO), qui s'est tenu du 11 au 14 mai dernier, le SNOF a souhaité rappeler que les ophtalmologistes désirent avant tout garantir la santé oculaire des Français, qu'il s'agisse de soins ou de dépistage. Les ophtalmologistes militent ainsi pour un renforcement de la filière des orthoptistes, formés en faculté de médecine, qui prendraient en charge les examens de base tels que les tests d'acuité visuelle, de motilité oculaire ou de dépistage. Les médecins ophtalmologistes se concentreraient ainsi davantage sur l'exécution des actes chirurgicaux, plus techniques.
Vers la suppression d'un contrôle ophtalmologique pour se procurer des lentilles ?
Le gouvernement envisage de publier un arrêté (projet de loi DDADUE) visant à supprimer la prescription médicale pour se procurer des lentilles de contact pour les plus de 16 ans. L'avis médical ne deviendrait alors que facultatif. En avril dernier, les représentants des ophtalmologistes et des opticiens ont été convoqués en urgence par le Ministère de la Santé afin de donner leur avis sur le sujet. A cette occasion, une ambiguïté a pu être soulignée. L'arrêté stipule en effet que "lors de la première délivrance de lentilles correctrices à un patient, le professionnel vérifie que l'adaptation des lentilles correctrices a été réalisée préalablement par un professionnel de santé habilité". Un "professionnel de santé" qui pourrait aussi bien être un opticien, un orthoptiste ou un ophtalmologiste, a fait remarquer, Jean-Bernard Rottier, Président du SNOF, lors du 199e congrès de la SFO. Il a par ailleurs insisté sur le fait que "la lentille reste un produit médical" et qu'un contrôle chez l'ophtalmo permet d'éviter des complications.
EN VIDEO : mais où sont passés les ophtalmos ? Réponse par le Syndicat National des Ophtalmologistes de France (SNOF)
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