Au-delà des crises d'épilepsie, la crainte du quotidien
Qui dit épilepsie, dit crises ? Pas seulement. Ce raccourci réducteur cache une réalité beaucoup plus complexe pour les malades et leurs proches. Passage en revue des difficultés et angoisses rencontrées.
Aujourd’hui, ce sont 600 000 personnes qui souffrent d’épilepsie en France. La moitié a moins de 20 ans et dans 75 % des cas, elle s’est installée avant 18 ans. Cette affection neurologique se caractérise par des crises récurrentes se manifestant par de brefs épisodes de tremblements involontaires touchant une partie du corps (crises partielles) ou l’ensemble du corps (crises généralisées). Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé, "ces crises résultent de décharges électriques excessives dans un groupe de cellules cérébrales." A l’occasion de la Journée internationale de l’épilepsie, revenons sur cette pathologie largement méconnue du grand public.
L’angoisse de la prochaine crise et de l'autre. Seulement 20 % des Français savent que l’épilepsie traduit un dysfonctionnement neurologique. Peu de personnes savent par ailleurs qu'il n'existe pas un unique type d’épilepsie, mais des dizaines de formes liées à des lésions neuronales très diverses, des malformations des vaisseaux sanguins ou encore des abcès situés dans le cerveau. Et si l’épilepsie peut aller jusqu’à la crise généralisée, d’autres sont moins évidentes, sans perte de connaissance. Parfois elle peut se manifester par une absence de quelques secondes, pendant lesquelles la personne s’arrête de parler et est stoppée dans ses activités. Dans tous les cas, il est important de poser le diagnostic le plus rapidement possible "car si on laisse le patient criser, sa maladie va s'aggraver, avec des modifications anatomiques définitives", décrit à l’AFP le Dr Mihaela Vlaicu, neurologue et spécialiste de l'épilepsie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Mais c’est surtout parce qu’elle peut survenir n’importe quand, n’importe où, que la crise d’épilepsie est une hantise pour les malades et pour leurs proches. Enfin, l'épilepsie est une pathologie qui fait peur et qui demeure mal comprise, voire taboue pour le grand public. Aussi, les patients, parfois stigmatisés, doivent faire face à des difficultés pour aller travailler, être scolarisé, ou tout simplement être accepté socialement, mais aussi pour faire face au regard tellement pesant des autres.
Epilepsie au féminin. Comment gérer sa vie de femme quand on est atteinte d’épilepsie ? Il faut savoir que nombre d’épilepsies débutent au moment de la puberté, une période pas simple où il faut donc aborder assez rapidement les questions de contraception et de sexualité. Avec les nouveaux médicaments, de grands progrès ont été réalisés ces dernières années et les traitements prescrits aujourd'hui n'interragissent plus avec les contraceptifs. Reste qu'il demeure indispensable de s'informer auprès de son gynécologue. La question de la grossesse se pose également pour la plupart des femmes épileptiques, non sans angoisse. Là aussi, la situation a changé : si dans les années 60, on déconseillait aux femmes d’avoir des enfants, ce n'est plus le cas aujourd’hui. Les femmes sont encouragées à vivre normalement et à devenir, même si cela nécessite une organisation particulière, des mamans comme les autres. D'abord, la grossesse doit être programmées afin que la patiente puisse en parler au préalable avec son médecin et donc prendre toutes les précautions nécessaires à son bon déroulement. Le traitement peut être ajusté avant la mise en route de la grossesse, afin d'écarter les risques pour le futur enfant. Il faut savoir, par ailleurs, que l'épilepsie ne constitue pas une grossesse à risque et que le risque de crise au moment de l'accouchement demeure exceptionnel.
Trop d’échecs thérapeutiques. Certes il existe des traitements pour contrôler les crises et stabiliser la maladie pour 70 % des épilepsies, mais parfois ces médicaments n’ont pas l’effet escompté. Les crises peuvent alors persister et/ou les patients peuvent souffrir d’effets indésirables (léthargie, modification du poids, état dépressif, difficultés d’apprentissage, etc.). 30 % des épileptiques, dits "pharmaco-résistants" présentent trop d’effets secondaires liés aux traitements classiques et se retrouvent donc en échec thérapeutique. Sur le plan individuel, cette forme d’épilepsie constitue un réel handicap, avec des conséquences socio-professionnelles majeures.
La chirurgie est une autre option thérapeutique plus "radicale" qui consiste à enlever la zone cérébrale responsable de l'épilepsie, dans le but de faire disparaître les crises. Mais tous les épileptiques ne peuvent pas ou ne souhaitent pas en bénéficier, rappelle Leila Ahddar, Présidente d’Epilepsie France, qui milite pour que les malades se voient offrir d'autres alternatives. "Le patient peut améliorer sa qualité de vie si toutes les pistes thérapeutiques lui sont proposées. Il existe à l’heure actuelle de nombreuses options qui s'avèrent, en fonction des cas, plus ou moins performantes. Par exemple, pour certains cas de patients "pharmaco-résistants" ou certaines formes d'épilepsie, la stimulation par le nerf vague peut s'avérer une bonne alternative et améliorer considérablement la qualité de vie du patient", explique-t-elle. Introduite il y a plus de 20 ans, cette technique consiste à implanter un dispositif ressemblant à un stimulateur cardiaque dans la poitrine et à le connecter par un fil à une électrode mise en place pour stimuler ce nerf au niveau du cou. Plusieurs études démontrent que 50 % des patients environ améliorent leur qualité de vie, leur humeur, ou encore leur capacité à se concentrer. Cette thérapie présente en outre de moindre effets secondaires (enrouement, toux, essoufflement). "La SNV est bénéfique et rend service à ces patients "lourds" dont la vie est liée à la maladie. C’est pour eux un gain d’efficacité par rapport à un traitement qui ne se ferait qu’avec des médicaments", confirme le Dr Elisabeth Landré (hôpital Saint-Anne).