Antoine vit avec le coeur d'un autre : "Sans donneur, je ne serai pas là"

Atteint d'une maladie cardiaque génétique, Antoine a dû recevoir une greffe de coeur à 17 ans.

Antoine vit avec le coeur d'un autre : "Sans donneur, je ne serai pas là"
© Antoine Sénéchal - Journal des Femmes

L'histoire d'Antoine avec la maladie commence bien avant sa naissance, avec son père. "Mon père avait une cardiomyopathie hypertrophique, un épaississement interne du cœur. C'est héréditaire, donc dès que je suis né, j'ai été suivi par un cardiologue. J'ai eu un frère et une sœur qui ont suivi le même protocole. À la naissance de mon frère, le cardiologue a voulu revoir l'ensemble de la famille" nous raconte-t-il. Antoine a 11 ans et le diagnostic tombe : il a aussi une cardiomyopathie hypertrophique qui fatigue son cœur. À l'adolescence, son état se dégrade. "À partir de 15 ans, ça a commencé à devenir critique. L'épaississement était répandu sur la globalité du cœur, jusqu'à l'intérieur. Les médecins ont décidé de me mettre un défibrillateur en prévention mais à un moment donné, il n'aurait plus suffit." Antoine commence à ressentir les limites de son état. "Je ne pouvais plus courir sans être essoufflé, je ne pouvais plus forcer sans sentir une fatigue intense me terrasser."

À 17 ans, le cardiologue lui annonce que son cœur n'a plus que deux à trois ans à vivre

À 17 ans, la greffe du cœur devient la seule option envisageable. Son cardiologue lui annonce que son cœur n'a plus que deux à trois ans à vivre. "Les médecins m'ont laissé un peu de temps pour réfléchir, et puis ils ont vu que j'étais prêt, et tous les paramètres médicaux commençaient à être critiques. C'était une épreuve, mais je refusais de me laisser abattre. J'ai réalisé un bilan pré-greffe avec un maximum d'examens." Le but de ces examens était de vérifier la capacité d'Antoine à recevoir un cœur neuf. "J'ai ensuite été inscrit sur liste pédiatrique, ce qui m'a permis d'être greffé après seulement trois semaines d'attente." Hors liste pédiatrique, l'attente de greffe peut aller jusqu'à 2 ans.

"Je me suis surpris à parler tout bas, comme si ce cœur pouvait m'entendre"

L'opération dure 8 heures. Au réveil, Antoine a le cœur d'un autre : "C'était comme si je sentais sa présence en moi, une force calme et douce, qui m'invitait à vivre pleinement, pour lui aussi. [...] C'était plus qu'un organe en moi : c'était sa volonté d'être encore présent, à sa manière, dans ce monde. [...] Puis, le soir est arrivé, et avec lui, les questionnements. Comment rendre hommage à cet être ? Comment porter en moi cet héritage invisible mais si précieux ? Je me suis surpris à parler tout bas, comme si ce cœur pouvait encore m'entendre : "Merci. Merci pour ce que tu m'as laissé", raconte-t-il dans son livre, "La vie n'est pas un jeu".

La vie n'est pas un jeu/Antoine Sénéchal © Editions du Panthéon

Après la greffe, Antoine reste une semaine en réanimation, en chambre stérile. "J'ai ensuite fait de la marche et de la musculation pour réadapter mon corps et reprendre petit à petit une vie normale." Antoine poursuit son parcours scolaire comme ses amis. "Je me suis laissé entraîner par ce que me disaient les médecins, sans trop me poser de question. Mais je sais que pour mes parents, c'était plus compliqué." Cela fait 7 ans aujourd'hui qu'il a reçu sa greffe. Le suivi médical reste constant. "Je peux faire un rejet à tout moment. Mon risque est minime, mais c'est encore possible." Il ne sait rien de son donneur. "Je n'ai aucune information sur lui comme c'est totalement anonyme. Un faible pourcentage de greffés souhaitent connaître leur donneur, mais, personnellement, je n'y vois pas d'intérêt."

Antoine fait partie de plusieurs associations pour soutenir le don d'organes et la greffe. "Être greffé, c'est une chance. Sans donneur, je ne serais pas là, c'est pour cela que je me mobilise. C'est grâce à une personne qui a parlé du don d'organe à sa famille. Entre proches, il faut se le dire, cela peut sauver des vies."

Merci à Antoine Sénéchal, auteur de "La vie n'est pas un jeu", aux Editions du Panthéon. Propos recueillis le 5 septembre 2025.