"Des boules de la taille d'une balle de tennis" : Claudia est atteinte de la maladie de Verneuil

A 30 ans, la jeune femme voit sa vie handicapée par une maladie dermatologique méconnue...

"Des boules de la taille d'une balle de tennis" : Claudia est atteinte de la maladie de Verneuil
© Claudia atteinte de la maladie de Verneuil / Journal des Femmes

Le diagnostic ne lui a pas apporté le remède, mais au moins des réponses, et la volonté farouche d'aider les autres en faisant connaître la maladie : "Pendant deux ans, je suis allée de généraliste en gynécologue pour comprendre ce que j'avais", se souvient Claudia. Tout commence en 2016 par une petite boule au cœur de son intimité, au pli de l'aine, comme c'est souvent le cas, au point que Claudia s'en amuse brièvement : "Je répétais que je me transformais en homme…" Mais le nodule de la taille d'une tomate cerise grossit, devient douloureux, et finit par handicaper son quotidien : "A cette époque, je travaillais chez Mc Do et la station debout était un enfer, marcher plus encore. Je ne supportais plus aucun vêtement autre que le pantalon de jogging, qui frottait malgré tout. Même le port de la culotte était un supplice."

"Après cette première boule, j'en ai eu sur les fesses, l'anus, le gras de la fesse, puis le visage"

Les boules ou "boutons" caractéristiques de la maladie, des abcès sous-cutanés, peuvent atteindre la taille d'une balle de ping-pong, voire d'une balle de tennis, comme celles que Claudia va découvrir au fil du temps sur son corps : "Après cette première boule, j'en ai eu sur les fesses, l'anus, le gras de la fesse, puis ça a été le visage, les aisselles, le nombril." La localisation est itinérante, comme la taille, comme la durée avant résorption. Aucun médecin ne met de diagnostic sur ces nodules, terriblement douloureux : "Un généraliste a cru à des furoncles, sa pommade est restée sans effet. Un autre a pensé qu'il fallait opérer, ce que j'ai fait par deux fois, notamment pour une boule sur le visage, pour finalement en voir surgir d'autres. L'un d'eux pensait que c'était de l'acné. Personne n'avait de solution." Heureusement, contrairement à de nombreux patients, Claudia ne se lance pas dans la "chirurgie maison", réflexe qui ne peut qu'envenimer la situation si elle n'est pas réalisée en champ stérile par des médecins. Le désespoir pousse Claudia à retourner inlassablement sur Internet en quête de réponse. C'est là qu'enfin, en 2018, elle trouve : la maladie de Verneuil, du nom du chirurgien qui, en 1854, a décrit les symptômes : "J'ai imprimé la page et pris rendez-vous chez le dermatologue, que jusque-là je n'avais pas eu l'idée de consulter." Le spécialiste valide le diagnostic et lui donne un traitement antibiotique, la Tolexine Gé©. Malheureusement, après six mois de traitement, la jeune femme ne note qu'une légère amélioration, provisoire. Alors elle reste avec ses douleurs, et pas seulement physiques…

Photo de Claudia atteinte de la maladie de Verneuil
Photo de Claudia, atteinte de la maladie de Verneuil © Journal des Femmes

"Psychologiquement, c'était terrible de ne pas savoir de quoi le lendemain serait fait, et vis-à-vis des autres, terriblement handicapant", souligne Claudia, qui peut compter sur le soutien indéfectible de sa sœur, et la compréhension bienveillante de ses amies. Mais son petit copain de l'époque, lui, la quitte : "Le pli de l'aine, le pli inter-fessier, même si on prévient son partenaire, c'est compliqué. Sur le visage, c'est moche. Il ne faut pas se mentir, je sais que la maladie l'a éloigné." C'est dans un sursaut de révolte contre l'injustice que Claudia a parlé de la maladie sur les réseaux : "Faute de pouvoir la cacher, autant exorciser et être utile aux autres." Sur Instagram et sur Tik Tok*, Claudia raconte, sa "boule du moment", sauf quand c'est intime, ses humeurs, "parfois je suis triste" et la fatigue sociale : "Devenue animatrice pour enfants dans les centres aérés, les primaires et les maternelles, mon poste doit être adapté, avec une chaise de bureau à roulettes, par exemple, pour faciliter les déplacements." Son statut officiel de travailleur handicapé reconnue par la MDPH lui permet de ne plus être taxée d'absentéiste : "Avant, tous les employeurs ne comprenaient pas. Ils se disaient "une boule, et alors ?". Grande est aussi la tentation de recommander aux patients de se soigner : "Je suis résignée à continuer à subir sans me laisser abattre non plus puisque le traitement ne fonctionne pas chez moi. Au moins jusqu'à la ménopause s'il y a une composante hormonale, ce qui n'est pas certain."

"Avoir quelqu'un de neutre à qui parler est précieux"

Hommes, femmes et même enfants sont touchés, même si les femmes sont plus nombreuses. 1% de la population le serait à des degrés divers. Certains sont sujets à des variations liées à leur alimentation. Claudia avait repéré le saucisson et les poivrons, mais elle n'en est plus très sûre : "J'ai mangé du saucisson cet été, sans poussée. Certains pointent les laitages mais je les tolère très bien moi." Le tabac (et le cannabis !), l'alcool, le surpoids, la "malbouffe", le stress et la sudation favorisent les crises, sans que la parfaite hygiène de vie tienne à l'abri. Une composante génétique est soupçonnée, sans désigner davantage de remède absolu. Pointant comme déclencheur ses tensions avec une colocataire à l'époque, Claudia s'applique depuis à une psychothérapie : "Avoir quelqu'un de neutre à qui parler est précieux. Parfois, j'ai le moral à zéro, ou je suis en colère. Je me dis "pourquoi moi ? Pourquoi je ne peux pas être insouciante, comme les gens de mon âge ?" "

Il arrive que durant un mois, son maximum, Claudia n'ait pas de poussée : "Dans ces moments-là, c'est le bonheur, je me sens légère, mais je ne me fais plus d'illusion. Ma seule consolation, c'est le sentiment d'aider que me donnent les followers qui m'écrivent, quand l'un d'eux met enfin un nom sur sa maladie."