"J'ai longtemps caché mon lupus car j'avais honte" témoigne Anne-Sophie

A l'occasion de la Journée mondiale du lupus le 10 mai 2023, nous avons rencontré Anne-Sophie, diagnostiquée d'un lupus après des mois d'errance thérapeutique. Premiers symptômes, déni, isolement… Témoignage d'une battante.

"J'ai longtemps caché mon lupus car j'avais honte" témoigne Anne-Sophie
© Anne-Sophie souffre d'un lupus / Journal des Femmes

Le 10 mai c'est la Journée du mondiale du lupus. Cette maladie auto-immune chronique, rare, a une prise en charge compliquée. Elle touche beaucoup plus de femmes que d'hommes. Parmi elles, Anne-Sophie, 35 ans, diagnostiquée après des mois d'errance thérapeutique. Premiers symptômes, déni, isolement… Témoignage d'une battante.

Le Journal des Femmes : Quand et comment avez-vous découvert que vous étiez atteinte d'un lupus ?

J'ai été diagnostiquée il y a 6 ans, en 2017. Je suis revenue de vacances au ski et j'avais des tendinites un peu partout. J'ai fait beaucoup d'examens, on me disait que c'était "juste" des tendinites. Mais au fil du temps, je ne pouvais plus bouger la main, le coude, les genoux et je souffrais de plus en plus. J'ai consulté un tas de médecins, des médecins conventionnels, des magnétiseurs, j'ai dû voir une cinquantaine de personnes. Pendant 8 mois, on a cherché ce que j'avais. J'ai fait pleins d'IRM mais on ne trouvait pas. Les médecins se sont demandé si ce n'était pas la goutte, la maladie de Lyme, une fibromyalgie... J'ai finalement vu un rhumatologue qui m'a fait passer de nouvelles analyses et m'a envoyée chez un professeur de médecine interne au CHU de Reims. Il a tout de suite trouvé que c'était un lupus.

Aviez-vous déjà entendu parler du lupus ? Comment avez-vous reçu ce diagnostic ?

Je n'avais jamais entendu parler du lupus. La première fois quand le médecin vous explique ce que c'est, c'est assez vague, on ne comprend pas bien.

"Je me suis fait licencier"

Au début, j'ai été dans le déni, je continuais de vivre normalement, j'avais mal mais je ne voulais pas accepter la maladie. Pendant longtemps, je l'ai cachée car j'en avais honte, je ne voulais pas en parler. Quand je ne pouvais plus du tout marcher, je me suis isolée. Je refusais les sorties, les soirées. Je n'avais plus de boulot car je me suis fait licencier, je n'avais rien à raconter, je passais mes journées sur mon canapé à prendre des antalgiques. J'étais isolée et repliée sur moi-même.

Vous avez commencé un traitement ? Votre état s'est-il amélioré ?

Dès que le diagnostic a été posé, j'ai commencé un traitement mais ça été une succession d'échecs. Encore aujourd'hui, ma maladie n'est pas stabilisée. J'ai pris du Plaquenil®, de la cortisone, du Méthotrexate. Les deux premières années, j'étais alitée la moitié du temps, je ne pouvais pas sortir de chez moi. Il y a des jours où je ne pouvais pas me lever, conduire ; d'autres où ça allait un peu mieux. J'ai eu beaucoup d'arrêts maladie, temporaires au début puis continus, pendant deux ans. C'est là que j'ai perdu mon emploi. Aujourd'hui, je suis consultante à mon compte, à temps partiel. Un travail à temps plein n'est pas du tout envisageable

Comment se manifeste votre maladie ?

La maladie peut toucher plusieurs organes, chez moi le lupus est surtout articulaire. Je peux avoir de grosses douleurs au bras, par exemple, et ne plus pouvoir le bouger. La maladie évolue par poussées. On peut être invalide un jour et aller "très" bien le lendemain. 

"Il faut éviter le stress, les excès, le négatif, faire le tri"

Avez-vous des moyens de prévenir ces poussées ?

C'est un peu utopique car il faudrait vivre dans un monde sans souci puisque le stress aggrave la maladie. Avoir un travail stressant est ainsi prohibé, je sais que je ne pourrai plus jamais avoir un travail avec une carrière. Les poussées peuvent aussi être déclenchées par la perte de quelqu'un, l'exposition au soleil et les excès. Après les fêtes de Noël, à cause des excès, je ne pouvais plus bouger. Il faut être dans un environnement calme et avoir une bonne hygiène de vie.

La maladie vous a isolée, comment avez-vous remonté la pente ?

Je me suis fait violence. Je me suis mise à écrire, j'ai publié mon premier roman. Et puis on m'a offert un animal de compagnie, un cochon. Ce cochon nain a partagé mes souffrances pendant des années. L'impact d'un animal qui est tout le temps avec vous est incroyable. Quand je n'allais pas bien, il était là, je ne me sentais pas toute seule. Et puis l'animal est juste là, il ne vous demande rien. J'aurais aimé sinon qu'on me propose de voir un psychologue mais le médecin que je voyais à l'époque ne m'en a pas parlé et je n'ai pas osé lui demander car j'avais honte. 

"Je crois que je ne préfère pas savoir comment peut évoluer ma maladie"

Les médecins vous ont-ils parlé des causes de votre lupus ?

Non. Dans la médecine conventionnelle, ce qui intéresse les médecins c'est de soigner les symptômes. Ils ne s'intéressent pas à la cause de la maladie. Il n'y a pas de cas de lupus dans ma famille. La maladie se déclenche en rapport avec un choc émotionnel c'est pour ça que je suis vraiment pour la médecine chinoise ou l'hypnose parce qu'elles peuvent aider à régler des traumatismes, à se sentir mieux en plus du traitement, ce qui réduit aussi les poussées. 

Savez-vous comment va évoluer votre maladie ?

Non pas du tout, les médecins disent toujours que chaque patient est différent. On a aucune visibilité sur comment ça peut tourner ou évoluer ce qui est très stressant. Je ne sais pas si ça peut bien se passer ou mal. Je suis allée sur Internet, sur des forums, pour me renseigner mais c'est très anxiogène ce qu'on y lit. Je crois que finalement je préfère ne pas savoir

Avez-vous un message ou un conseil à donner aux personnes qui souffrent comme vous de lupus ?

Achetez-vous un cochon (rires). Le message d'espoir c'est de ne jamais baisser les bras, même quand on se sent seul, il faut toujours se battre car il y a toujours une solution. Et puis il faut trouver une vie dans laquelle on se sent bien, évacuer les problèmes, le négatif, faire le tri. Il est aussi important de trouver un médecin à l'écoute. Quand on a une poussée, on peut se sentir seul, déprimé, on ne sait pas forcément expliquer pourquoi on n'est pas bien. On prend sur soi, beaucoup, et on ne veut pas embêter son conjoint tous les soirs avec ça. C'est là que le médecin est important parce qu'on peut lui parler et que c'est quelqu'un de l'extérieur. Il est important de ne pas rester seul. 

Merci à Anne-Sophie Hennique pour son témoignage. Anne-Sophie est l'autrice du roman "A la volée" publié en 2022 aux éditions Librinova. Elle écrit actuellement son deuxième livre, cette fois sur sa maladie, le lupus.