"Ça fait peur" : Laury Thilleman se livre à cœur ouvert sur la maladie d'Alzheimer
Confrontée de près à cette pathologie, Laury Thilleman est de nouveau marraine de la Fondation pour la Recherche Médicale qui lutte cette année encore contre la maladie d'Alzheimer. Elle s'est livrée l'an dernier au Journal des Femmes.
Chaque année, la Fondation pour la Recherche médicale (FRM) peut compter sur l'engagement et le soutien de personnalités médiatiques, touchées de près ou de loin par la maladie d'Alzheimer. A cette occasion, Laury Thilleman, animatrice de télévision, journaliste, auteure et ancienne Miss France 2011, est, pour la 3e année consécutive, marraine pour la FRM. Lors d'une rencontre l'année dernière, elle s'est confiée sur son rapport très personnel à la maladie.
Le Journal des Femmes : pourquoi vous-êtes-vous engagée en tant que marraine de la Fondation pour la Recherche médicale et en quoi consiste votre rôle concrètement ?
Je n'osais pas prendre la parole de peur de mal connaître et de ne pas être très crédible
Laury Thilleman : Après avoir été contactée par la Fondation pour la Recherche Médicale, j'ai décidé de prendre la parole l'année dernière. Avant, je n'osais pas prendre la parole sur ce sujet alors que ça faisait 10 ans que j'étais confrontée à la maladie d'Alzheimer car ma grand-mère en est atteinte, par peur de mal connaître et de ne pas être très crédible. La maladie d'Alzheimer est dévastatrice à plus d'un titre : aussi bien pour le malade que pour l'entourage. Et donc, on n'a pas envie de faire de faux-pas. J'étais d'une part déconcertée et d'autre part, j'avais envie d'en apprendre plus sur cette maladie et de pouvoir aider l'entourage des malades. A travers ce rôle de porte-parole, ça permet d'en apprendre davantage sur la maladie et d'avoir le sentiment de contribuer à faire avancer les choses. C'est un double titre, à la fois faire entendre la maladie et aussi la comprendre. Car on la connaît encore mal. Et c'était mon cas. Parler de la pathologie et des recherches en cours, c'est déjà un petit bout de chemin qu'on peut faire, et espérer qu'un jour on puisse trouver un traitement pour prévenir, guérir et stopper l'évolution de la maladie. Grâce aux chercheurs et aux groupes de parole, j'ai pu en savoir plus sur l'origine de cette maladie. Du moins, j'ai essayé de comprendre car en vérité, personne ne sait comment elle apparaît génétiquement, ni ses liens de cause à effet. J'ai compris aussi qu'elles étaient les pistes sur lesquelles les chercheurs avançaient, par exemple les prises de sang qui s'avèrent aujourd'hui prometteuses dans la détection de la dégénérescence. C'est fascinant...
Le Journal des Femmes : la maladie d'Alzheimer est une pathologie à laquelle vous avez été confrontée de près, comment avez-vous réagi face à cela ?
Laury Thilleman : on n'est jamais prêt à ce genre de chose. C'est très perturbant psychologiquement. D'autant qu'on a chacun ses propres degrés d'acceptation et de compréhension de cette maladie. Quand la maladie touche une grand-mère par exemple, comme ça a été mon cas, il y a les enfants, les petits-enfants, l'être aimé... qui ont tous une connaissance et une méconnaissance de la maladie différentes, une acceptation plus ou moins rapide. On peut être dans le déni, dans la colère, dans l'incompréhension, dans l'aide, dans l'amour, dans la bienveillance... Il faut composer avec tout ça. Il y a une sorte d'effet domino avec cette maladie : il y a le jour où on s'en rend compte et il y a le jour où les autres membres de la famille veuillent bien s'en rendre compte. Et ça c'est pas toujours instantané, ni simple à gérer. Et une fois que la prise en charge est faite, on ne peut qu'être présent pour soutenir, divertir et aimer le malade. Une famille unie dans l'adversité de la maladie, ça aide beaucoup car c'est un tel chamboulement. Même pour une famille solide, ça peut vraiment la fragiliser.
Le Journal des Femmes : selon vous, quelles qualités il faut avoir pour supporter au mieux et accepter la maladie d'un proche ?
Laury Thilleman : de la résilience, de la bienveillance, de l'écoute. Il faut essayer d'accueillir la situation sans vouloir à tout prix comprendre tous les mécanismes de la maladie. Il n'y a pas de mode d'emploi pour savoir comment faire face à ça. Être présent, tenir la main, accompagner la personne du mieux qu'on puisse le faire.
Le Journal des Femmes : se faire oublier d'une personne qu'on aime est très douloureux, comment le surmontez-vous ?
C'est peut-être une leçon de vie que me transmet ma mamie : parfois, ne pas s'en tenir à parler de l'actualité, mais chanter, danser, sentir ce qui nous entoure.
Laury Thilleman : ce n'est jamais simple de "se faire oublier". Particulièrement, de sa grand-mère. Et encore, je n'ose même pas imaginer ce que peut ressentir ma maman. Se faire oublier de sa propre mère est encore plus douloureux. Je suis donc encore plus triste pour ma maman. Et je suis extrêmement émue et fière de voir son implication et son abnégation à essayer de la voir raviver des souvenirs. Ce que j'ai pu constater, c'est que les souvenirs sont ravivés beaucoup à travers les 5 sens. Par exemple, quand on va voir ma grand-mère, on lui fait sentir de la lavande et tout de suite, ça lui ravive des souvenirs, on la fait chanter, car la musique semble bizarrement être quelque chose qui ne s'oublie pas chez les malades. La danse, le toucher, des pressions de main... Tout cela sont des connecteurs fabuleux, qui donnent presque parfois un soupçon d'espoir. Cela permet également de passer un moment plus léger et d'éviter de tourner en rond dans des discussions qui n'ont parfois ni queue ni tête. Parfois, ça ne sert à rien de batailler : ça perturbe le malade et nous ça peut même nous agacer. C'est peut-être une leçon de vie que me transmet ma mamie : parfois, ne pas intellectualiser tout ce qui se passe, ne pas s'en tenir à parler de l'actualité, mais au contraire, chanter, danser, sentir ce qui nous entoure et revenir à l'essence même de notre être. Dans tous les cas, j'ai l'impression qu'il n'y a que l'amour qui permet d'atténuer la souffrance et d'apaiser parfois les tensions, les incompréhensions ou les moments de doute. Quand je lâche un "je t'aime" à ma grand-mère, et qu'elle me répond droit dans les yeux un "je t'aime" franc et spontané, comme si d'un coup elle savait de nouveau qui j'étais, c'est là que je me dis "en effet, il n'y a peut-être que l'amour qui nous fait tenir dans cette maladie".
Le Journal des Femmes : à titre personnel, perdre la mémoire ou vos souvenirs serait-il quelque chose de très difficile à vivre ?
Laury Thilleman : complètement, car c'est une maladie dans laquelle beaucoup d'émotions s'entremêlent, des émotions hyper contrastées en une fraction de temps minime. Passer de la joie, de la tendresse à un moment de colère. C'est comme si le système des émotions était déréglé et ça fait peur. C'est déroutant de le conscientiser d'ailleurs...
Le Journal des Femmes : quel message aimeriez-vous faire passer aux personnes qui sont confrontées à cette maladie, particulièrement les proches, les aidants, l'entourage ?
Laury Thilleman : on sait évidemment que la personne atteinte doit se faire aider. Mais il est aussi possible et totalement légitime pour l'entourage ou les aidants de se faire aider, que ce soit auprès de psychologues, de leur médecin traitant... Cette déstabilisation peut mener à une perte de confiance ou de vitesse. Il ne faut pas hésiter à demander de l'aide avant que ça ne soit plus tenable. L'aide ne va pas que dans un sens, il faut accepter l'aide extérieure pour pouvoir aider dans les meilleures conditions.
La maladie d'Alzheimer touche 900 000 personnes en France. 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, soit 1 nouveau cas toutes les 3 minutes. Parmi les premiers financeurs caritatifs de la recherche biomédicale française sur la maladie d'Alzheimer, la Fondation pour la Recherche Médicale, a fait de ce combat une priorité absolue en investissant 9 millions d'euros ces 5 dernières années sur 33 projets de recherche ambitieux. Un appel aux dons est lancé pour faire reculer la maladie aux côtés des chercheurs et de personnalités. |
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Merci à Laury Thilleman. Propos recueillis le 19 septembre 2022.